Le scénario le plus optimiste d'une étude où l'Etat tunisien injectera 6 milliards de dollars dans l'économie, prévoit le retour en 2012 au rythme de progression de l'activité de 2010. Cela présuppose le redémarrage de l'investissement privé, du tourisme, et une légère baisse du taux directeur de la Banque centrale de Tunisie. 2011 est une «année perdue» dans tous les scénarios. «2012 sera une année essentielle. La Tunisie devrait retrouver avec 5% le taux de croissance de 2010, il y'aura une amélioration de l'emploi mais la situation macroéconomique sera encore compliquée» a annoncé Hakim Ben Hammouda, directeur de l'Institut de formation et de coopération technique (IFCT) de l'OMC, lors du 14ème forum de l'hebdomadaire Réalités qui s'est tenu à Hammamet du 27 au 29 avril 2011. Ce sont les premières conclusions d'une étude conduite par une vingtaine de chercheurs non encore livrée, qu'a rendu publiques le directeur de l'IFCT. Hakim Ben Hammouda a bien précisé qu'il ne citait que le scénario le plus optimiste, celui ou l'Etat tunisien réussit à mobiliser 6 milliards de dollars dès l'année 2011 pour venir en soutien à l'économie par différents programmes publics. Le scénario prévoit un redémarrage de l'investissement au dernier trimestre de l'année en cours, un rebond de la destination Tunisie et devra être également soutenu par la Banque centrale de Tunisie (BCT), par une baisse du loyer de l'argent. Dans la prospective de l'IFCT, «2011 est, rapporte son directeur, une année très compliquée, où le taux de croissance du PIB ne dépassera pas le 1,83%» toujours selon le scénario d'un fort plan de relance à l'économie. Plusieurs intervenants ont confirmé qu'il était réaliste de considérer 2011 comme une année perdue sur le plan de l'expansion de l'économie, mais dont les retombées sur le moyen long terme vont être très bonnes avec l'établissement d'un cadre politique stimulant pour les affaires. Selon Ghazi Ben Tounes de la fondation Waito, la «crise» révolutionnaire a obligé la Tunisie à puiser 600 millions de dollars dans des réserves de change de 4,5 milliards de dollars aujourd'hui. Le tourisme a perdu 30% de son chiffre d'affaires au premier trimestre de l'année. Le G8 et l'Europe pour consolider la transition L'étude de l'IFCT ne s'est pas contentée de regarder vers l'avenir, elle a également travaillé sur les goulots qui ont conduit à la Révolution de décembre 2010. Des signes précurseurs de la crise ont été identifiés, «des indicateurs comme l'investissement du privé stagnaient les dernières années. La fiscalité directe se développait moins vite que les prélèvements indirects», ou encore les transitions technologiques ne se faisaient pas dans le tissu économique. «Cela ne va pas s'arranger en 2011» a expliqué le Pr Jean-Louis Reiffers, qui redoute notamment les effets socialement dévastateurs de la hausse internationale des prix des biens alimentaires. «Si on n'offre pas une vision, la situation ne crée pas d'anticipation» et les investisseurs vont différer leurs décisions. Le professeur Reiffers invite le prochain G8 de Deauville en France, à se pencher sur le cas tunisien. Il propose que le G8 adopte «un programme de soutien à la démocratisation en Tunisie», qu'il «garantisse la stabilité des prix des produits de base», qu'il crée «un fonds de soutien monétaire» à la balance des paiements tunisienne et qu'il finance «un soutien à la construction constitutionnelle». Le professeur Reiffers a également appelé l'Union européenne à travailler sur une autre forme d'association avec la Tunisie. «Cela pourrait être à terme toute l'Europe sauf les institutions», faisant allusion à l'acquis communautaire qui ferait de la Tunisie un pays aux standards de l'Union européenne, sans en être un Etat membre. Le professeur Reiffers a rappelé que l'Allemagne a dépensé 700 milliards de dollars pour 18 millions d'Allemands de l'Est après la chute du mur de Berlin. Selon lui, il faudrait 24 milliards d'euros seulement pour consolider les processus démocratiques en Tunisie et en Egypte «En terme d'ordre de grandeur pour l'Europe, c'est un peu comme construire un hôpital dans un pays riche».