Le verdict de l'affaire des neuf officiers de police soupçonnés, en substance, d'intelligence avec une bande organisée de trafic de drogue est tombé hier, vers les coups de 18 heures. Ainsi, l'ex-divisionnaire de la wilaya de Tlemcen, Senouci Mohamed, a été condamné à 10 ans de réclusion criminelle pour complicité de trafic de drogue par une organisation criminelle et recel d'un criminel recherché. L'ex-chef de sûreté de daïra de Maghnia, Djeffal Djillali, a écopé quant à lui de 18 mois de prison ferme, au même titre que l'officier Moussa Djamel du même commissariat, et ce pour dissimulation de trace de crime, en l'occurrence le caviardage intentionnel d'indications portées sur le registre des communications du commissariat. Le trafiquant H. Nouredinne, le présumé cerveau du réseau transfrontalier de trafic de drogue, a été condamné à la perpétuité. Deux autres barons, B. Mohamed et B. Houari, ont écopé de 12 ans de détention. Deux autres trafiquants, Kh. Amar et S. Mohamed, ont été condamnés à 10 ans de réclusion. Un autre ex-officier de police, Z. Abdelkrim, a écopé de 2 ans d'emprisonnement. B. Boubaker a été blanchi de toute accusation relative aux stupéfiants, la justice n'ayant retenu contre lui que la détention d'arme à feu sans autorisation : 6 mois de prison avec sursis. Les autres accusés, dont quatre ex-officiers, ont été tous acquittés. La sentence du tribunal criminel de Sidi Bel-Abbès, auquel avait échu l'examen de ce dossier en provenance de Tlemcen, et ce en vertu du principe de droit dit «privilège de juridictions», vient ainsi clore six longues années de procédure judiciaire et huit jours éprouvants de procès. Le ministère public avait requis, samedi, sept peines de réclusion criminelle à perpétuité, cinq peines de 8 ans de prison et deux autres de 5 et 4 ans. L'ex-divisionnaire de Tlemcen faisait partie des sept accusés contre qui l'avocat général avait demandé la peine maximale -la perpétuité-, au même titre que six présumés trafiquants de drogue, dont N. El-Houari, dépeint par l'accusation comme un narcotrafiquant international fiché sur la liste noire d'Interpol et qui purge actuellement 18 ans de réclusion à la maison d'arrêt de Sidi Bel-Abbès. Contre quatre autres ex-officiers de police, parmi eux le chef de la sûreté de daïra de Maghnia durant la période des faits, D. Djillali, ainsi que M. Djamel, l'officier proposé au service du standard près le même commissariat, l'homme par qui est venue toute l'affaire. S. Mohamed, 59 ans, était poursuivi pour «complicité de trafic de drogue par une organisation criminelle» et «recel d'un criminel recherché.» Les autres officiers de police mis en cause, au nombre de huit, dont l'ex-commissaire de daïra de Maghnia, comparaissaient quant à eux sous le chef d'accusation de «dissimulation de traces d'un crime». Clamant son innocence, l'ex-patron de la police de Tlemcen (2002-2005) avait crié au complot ourdi contre lui par un certain Belmadani (le chef de la division régionale antistupéfiants de l'époque) et consorts, dans ce qui aurait été, à en croire ce prévenu, «un règlement de comptes, un vindicte pour ses rapports transmis à la tutelle à l'effet de dénoncer les accointances de ce responsable et sa main-forte en faveur d'un cartel de trafiquants sous la houlette d'une famille d'affairistes notoirement connue dans la région.» Le débat contradictoire qui a eu lieu durant le procès, à coups d'interrogatoires, de mises en confrontation, de dépositions de témoins, entre autres, a mi à nu une vérité indéniable : l'institution policière locale de l'époque (le territoire frontalier nord-ouest) était infectée jusqu'à la moelle par le clanisme et les conflits fratricides entre patrons flics. L'affaire remonte au 19 novembre 2005, à 9h15, le standardiste du commissariat de la daïra de Maghnia reçoit un appel téléphonique faisant état de l'existence d'une voiture remplie de kif, près du domicile d'un certain B. Boubaker., connu sous le sobriquet de «Ould El-Anzi» (le cabri), situé au fin fond de Maghnia. Munis d'un mandat de perquisition, des policiers investissent les lieux. Dans une Renault 25 rouge, garée près de la maison de B.B. et non fermée à clé, ils trouvent 275 kg de kif dans le coffre. Sous le frein à main, un extrait de naissance et une copie de la carte d'identité de B. Boubaker sont posés à portée de vue. Ce dernier est arrêté. Ni la R 25, ni le kif qui était à l'intérieur ne lui appartiennent, selon lui. Il nie tout et crie au complot. Or, des indices convergents, dont des témoignages de voisins ayant vu, la veille, deux hommes planter le décor de la R 25 bourrée de kif, seront enregistrés à la décharge d'alias «cabri». De qui provenait l'appel ? L'officier qui reçoit le coup de fil mentionne sur le registre des appels un numéro commençant par 071 et le nom de B.F. (faux nom). Mais il biffe ensuite au stylo ces indications. Selon ses dires, il l'a fait sur ordre et sous la pression de ses supérieurs, après que ceux-ci eurent identifié le titulaire de cette ligne téléphonique mobile, H. Nouredinne, un gros bonnet de la drogue. Pour l'accusation, il y a de forts soupçons que c'est ce dernier qui, depuis sa cellule de prison, a tramé le coup de la R 25 pour «mouiller» B. Boubaker. Cette piste est confortée par la découverte, le 24 décembre 2005, de 25,4 quintaux de kif dissimulés dans l'ossature métallique d'une remorque de camion de marque Mercedes-Benz, parquée dans un parking à Ghazaouet, véhicule appartenant, selon les investigations, à H.N. L'un des huit compartiments du plateau où était caché le kif était rempli de terre - pour que ça ne sonne pas creux lors des contrôles de barrage -. Son volume coïncidait avec celui des 275 kilos de la R 25 rouge. L'analogie scientifique d'un échantillon de cette terre avec un autre prélevé du sol du lieu de résidence de H. Nouredinne -une grande propriété agricole à Maghnia- a mis en évidence un faisceau de similitudes. Or, aussi bien cette expertise géologique que celle relative au décryptage du numéro de téléphone sciemment caviardé par l'officier de police ont été récusés par la défense, qui leur a opposées des contre-expertises établies par de grands clercs étrangers, lesquelles avaient parvenu à des conclusions à l'antipode des résultats du Laboratoire régional de la police scientifique d'Oran.