«Qui sème le vent récolte la tempête !». Le proverbe a de quoi revenir dans les analyses et discussions au sujet des résultats enregistrés en fin de saison par les grands clubs de football. On serait même tenté de répliquer à ce même proverbe par un autre proverbe du même genre avec : «rien ne sert de courir, il faut partir à point !». L'Algérie ne fait pas exception à la règle. Ses grands clubs apprennent à leurs dépens la bonne morale que dicte de manière ferme et solennelle le proverbe en question. Cela est tout à fait raisonnable. C'est d'ailleurs au travers les résultats engrangés en fin de saison et de parcours que l'on peut juger de l'efficacité de la politique adoptée et des objectifs alors projetés. Réaliser les meilleurs recrutements ou courir le risque de convoiter l'oiseau rare à coup de pognon sourd et à prix lourd ne fait désormais plus recette en football, tout particulièrement au plan des résultats techniques de fin de saison. Mais pourquoi cela ? Semblent se demander à présent de grands clubs algériens comme l'ESS, en particulier, ainsi que la JSK, le MCA, l'USMA et autres encore, de manière générale. Où se situe donc le problème ? Où est la faille ? La réponse à cela leur est donnée par l'ASO Chlef, tout bonnement et le plus simplement du monde ! Et comment ? En football comme dans tous les domaines propres à la vie en société, il est des logiques où seul le travail dans la durée reste payant. Celles-ci auraient certainement été bafouillées et sérieusement transgressées si, au demeurant, l'argent, si pesant, lui allait prendre un jour le dessus ou l'ascendant sur les autres valeurs propre à l'humanité ! Le professionnalisme, lui aussi, n'aurait plus de sens face à cet ascendant sans précédent du côté matériel de la vie en société au détriment de toute autre valeur propre à l'humanité. «Travaillons ensemble, et pour l'avenir », semble être ce seul secret de la réussite d'un club de la trempe de l'ASO Chlef qui ne détient ni les faramineux moyens financiers des ténors de la nationale I ni même l'infrastructure propre à certaines équipes de division inférieure. Le club dispose, par contre, à l'image de l'ASM Oran, de cette école de football qui a toujours continué à bien fonctionner, même du temps où l'Algérie était à feu et à sang. Et pour preuve, il y a ces distinctions de choix dont a fait preuve l'équipe Chélifienne depuis sa prise en main par un enfant du club, en l'occurrence, Monsieur Abdelkrim Medouar, ainsi que l'impact certain de cette relative stabilité de son staff technique, qui ont été à l'origine de la moisson de ces deux titres de coupe d'Algérie dans les catégories Séniors et Juniors, à côté de cette finale ratée d'un cheveu des années plus tôt. A présent que le printemps est de retour dans la vallée, le Chélif est en crue, charriant joie des sportifs et bonheur des paysans. La force de ses eaux, en furie, faisant irruption dans le paysage sportif, a fini par tout emporter dans son sillage pour complètement chambouler et sérieusement bouleverser l'ordre établi en haut de la hiérarchie du pouvoir footballistique algérien, devançant et surclassant haut la main des clubs bien chevronnés de la trempe de l'ESS, la JSK, l'USMA ou le MCA, bien moins pourvu en moyens matériels dont disposent à profusion ses nombreux concurrents Ce chambardement a de quoi inquiéter le monde du foot pour fondamentalement le pousser à s'expliquer les raisons du sursaut du football chélifien D'une main de maitre et le pied bien accroché à l'étrier, tels de véritables et bien appliqués cavaliers, les lions du Chélif mènent le bal, démonstration à l'appui, bien loin devant tous les ténors de la nationale I, accentuant, match après match, et à chaque occasion son avance -jugée appréciable, du reste- sur ses plus dangereux poursuivants L'équipe tourne donc au quart de tour au moindre mouvement de sa mécanique, devenue avec le temps bien huilée et très performante Son jeu est devenu plus séduisant et ses canonniers ont pris de l'ascendant sur leurs adversaires du jour et de toujours pour leur planter suffisamment de banderilles qui les mettent bien à l'abri de leur retour dans le match joué ou la compétition engagée, sécurisant leur marche vers la gloire et confortant à jamais leur exemplaire démarche. Très consciente de l'enjeu, l'équipe joue le jeu et prend le risque de faire le beau spectacle, ne rechignant jamais devant l'effort à accomplir pour ce faire, afin de logiquement se défaire de ses adversaires. Chlef fait de nouveau vibrer ses socios, comme au bon vieux temps. Comme au temps où l'équipe était menée par cette pléiade de grands talents répondant à ces adresses footballistiques nommées : Fedhlaoui, Meksi, Bensssaada, Mégharia, Abbou et compagnie. Aujourd'hui, Zaouch et consorts nous font rappeler à bien des égards, ces magnifiques prouesses d'autrefois, œuvres de ce milieu de choix, royal et bien impérial, où évoluaient les Bekakcha, Benssaada et le métronome Meksi Mustapha qui faisaient trembler ses adversaires et arrivaient à désarticuler les meilleures défenses que comptait le championnat national. Fedhlaoui, Belkaim et Meddadi faisaient juste une décennie plus tôt ce spectacle de qualité répondant à un football fouillé et très académique, pratiqué avec art et beaucoup de métier dès l'indépendance du pays, durant les années soixante du siècle dernier. Le club a depuis énormément progresse. Et c'est maintenant le groupe en tant de force compacte qui fait le jeu, contrairement à celui revenant à la valeur et qualités intrinsèques propres à ces étoiles d'autrefois, devenues denrée rares à présent. De manière conjointe et très solidaire entre ses acteurs et différents compartiments, le club tisse son jeu et impose sa manière d'évoluer sur les terrains de jeu. Il le réalise de façon bien attrayante et surtout très réaliste, attaquant à outrance son adversaire du jour pour après rapidement revenir en groupe défendre leur acquis et leur cage. Le constat d'aujourd'hui renvoie à cette formation à la base entamée au niveau du club, il y a plus de deux bonnes décennies, avec en prime cette coupe d'Algérie dans la catégorie juniors qui allait sacraliser cette politique de jeunes dont le club faisait naguère son véritable crédo. C'est à Amrani, cet entraineur très patient et bien chevronné que revient le grand mérite de mettre tout cela en musique durant de nombreuses années, période durant laquelle le club devait acquérir enfin son premier titre national dans la catégorie des séniors, une autre coupe d'Algérie, gagnée de haute lutte après un remarquable parcours en phase éliminatoire. Depuis, c'est plutôt en roue libre que l'équipe entamait ses championnats, forte de ce grand potentiel de ses jeunes loups, formés tels des poulains tous dans sa propre écurie. Le reste de son effectif lui parvenait de son environnement immédiat, transitant pour un moment par ses catégories cadettes ou juniors aux côtés des éléments du cru. Et bien que atteint dans sa chair, puisque gagné par une période de trouble durant laquelle il perdit l'essentiel de son produit formé à la maison, le club arriva dans l'ensemble à bien garder cette ossature de l'équipe, perpétuant à merveille au rythme des saisons et des matchs disputés son authentique et non moins agréable fond de jeu. Ainsi, le club de la vallée du Chélif arrivait, bon an mal an, à se maintenir aisément en haut du tableau de la compétition nationale, même si par moment il échouait à ce ventre mou ou creux de la hiérarchie des valeurs de notre championnat national de football. En bon observateur, avisé et attitré, Abdelkrim Médouar voyait déjà venir la bonne occasion de hisser le club au palier supérieur, prêt à allègrement gravir les quelques marches de la gloire qui lui restèrent à rapidement escalader. Il fallait compter sur le potentiel humain de l'équipe afin de la maintenir constamment dans le haut niveau, et la formation disposait de tous ses moyens pour cela. La saison 2010/2011 fut d'ailleurs choisie pour servir de tremplin à cette «toute espérée ascension» devenue enfin possible mais depuis subtilement préparée. Il y eut d'abord ce recrutement de choix effectué en la matière, avec l'engagement de cet entraineur de renom, bien décidé à se réhabiliter, à se refaire un nom parmi le gotha national des «coachs algériens», après avoir été tour à tour été joueur, entraineur et encadreur de l'équipe nationale de football. En répondant à l'appel du club, Méziane Ighil cherchait à créer l'exploit d'amener l'équipe à disputer les toutes premières places du championnat national. Et pourquoi pas gagner, si possible, le titre mis en jeu au bout l'effort fourni ? Le championnat démarra alors sur les chapeaux de roues et ce n'est d'ailleurs que justice si le club caracole déjà depuis de longues semaines tout à fait en haut de la hiérarchie de notre championnat de première division. Mais avant cela, faisons la part des choses et surtout ce nécessaire diagnostic qui s'impose de lui-même. A côté de la touche experte de l'entraineur, il y a cette indéniable qualité de l'effectif et surtout ce judicieux choix en faveur de joueurs talentueux mis à l'écart de l'équipe type par ces gros calibres de la nationale I dont la seule Entente Sportive Sétifienne (ESS) devait faire cette grande bêtise de lui refiler pas moins de sept éléments, arrivés en fin de contrat avec ce club des hauts-plateaux, devenus tous ou presque des titulaires indiscutables la saison d'après au sein du club du plus grand fleuve algérien. A l'exemple de l'ASMO (association sportive de la Médina d'Oran), l'ASO est un club formateur de renom, l'un des rares clubs algériens à vouloir s'investir dans ce dur chemin de l'avenir du sport. Cependant, devant la tentation purement matérielle de ses jeunes éléments, elle n'a pu, en toute circonstance, disposer de l'ensemble de ses enfants formés au sein du club de la ville de Chlef. Et il est bien dommage que juste cinq à six éléments formés au club ou ayant transité par ses jeunes catégories, retrouvent le jour du match leur place de titulaire parmi les onze éléments rentrants. Le choix judicieux effectué par le nouveau coach a consisté à étoffer sa formation par des éléments qui pouvaient s'impliquer parmi le groupe grâce à leur valeur et qualité technique dans le schéma de jeu qu'allait adopter le club durant ses nombreuses sorties et exhibitions sportives. Ainsi, tous les compartiments de l'équipe ont été pourvus sinon renforcés par des joueurs de talent tout juste moyen mais pouvant aisément s'impliquer dans la donne technique du moment prônée ou recherchée par le staff technique de l'équipe Chélifienne. On fit alors venir aux côtés de l'ancien Zaoui le tout nouveau Mellouli, et près de l'excellent Zaouch le talentueux Djediat et le toujours jeune et très utile Abdeslam Chérif afin de mieux distiller ces balles de match aux canonniers du club répondant aux noms de Messaoud, Soudani, Paul Biyaga et Ali-Hadji, auprès desquels on fit appel à l'autre chasseur de buts attitré qu'est l'inévitable et le très remuant Seguer. L'expérience bien réussie en 2010 par le Mouloudia d'Alger a de fortes chances de se répéter, pour cette fois-ci, bien sourire à l'ASO de Chlef en 2011. Sétif et ses constellations d'étoiles pales et bien vieillies n'aura vu que du feu. Pour avoir tout le temps joué avec le feu. Sinon en laissant partir tout ce beau monde vers d'autres horizons, devenant aussitôt de vrais rossignols sachant bien chanter victoire et gagnant haut la main de précieux trophées. L'entente de Sétif a peut-être indirectement permis à l'ASO de bien étoffer ses effectifs jusque-là bien diminués en vraies doublures, pour la convaincre de jouer crânement ses chances en disputant ce titre tant convoité du championnat d'Algérie. En s'appuyant sur des éléments issus de ses nombreux recrutements, Sétif, l'équipe symbole de ce merveilleux deuxième souffle, vient de carrément perdre l'essentiel de son souffle pour verser dans la solution de facilité, faisant dans le «trading sportif» pour complètement oublier cette formation à la base où elle excellait et d'où sont sortis ses artistes incontestables et incontestés, faisant vibrer les cœurs de tous les algériens. Un club de football, c'est d'abord la qualité du potentiel de son écurie. C'est ce que le staff technique et administratif de l'ESS et de presque tous les clubs algériens n'ont toujours pas compris ! Le vrai label d'une équipe de football est, à l'origine, une affaire relevant des qualités de son pur produit, longtemps peaufiné à la maison et rigoureusement formé au sein des toutes jeunes catégories du club de la ville considérée. Le football n'est donc pas une question d'argent au premier degré. Courir derrière ces vedettes autoproclamées, chèrement payées et grassement rémunérées fera perdre au club beaucoup d'argent et énormément de temps pour rien. Sans jamais gagner le moindre de ces titres tant convoités ! Le résultat est bien-là : en 2010 ce fut le MCA le champion algérien et 2011 c'est virtuellement presque fait déjà pour l'ASO. En sport, du moins en football, c'est devenu presque la règle : «les équipes les plus fortunées ne sont malheureusement toutes les plus titrées !». Il est plutôt question de ce «génie humain» dont l'impact de l'argent n'intervient que dans le but de l'encadrer, sinon mieux le perfectionner. L'expérience malheureuse tentée dans ce sens par l'USM Annaba, il y a juste une décennie, n'a pourtant depuis cessé de se répéter à l'infini chez le voisin Sétifien, lequel a pour l'occasion persévéré dans cette voix sans issue. Cela n'enlèvera rien au mérite de l'association sportive de Chlef qui aura tenté et certainement bien réussi son coup. Pour un coup d'essai ce fut un véritable coup de maitre ! Aujourd'hui, le Chélif est bel et bien en crue ! Il reste tout de même à espérer une bonne moisson en fin de saison, autant pour l'équipe de football de la ville que pour la grande et riche vallée agricole qui lui sert de vrai giron. Dans cette attente il sera presque certain que l'itinéraire et le mérite accordé au Chahid Mohamed Boumezrag sera de nouveau ressuscité tout comme ceux d'Ahmed Klouche et des Morceli qui seront, pour l'occasion, longtemps évoqués. (*) Il est également l'auteur d'un titre intitulé : «le football algérien : gloire et déboires» paru en Algérie, en France et en Belgique. «Aissa Draoui : pied gauche magique et destin tragique» sera son prochain ouvrage.