Le projet de réforme du tribunal criminel est en stade avancé. Le ministère de la Justice a déjà remis au gouvernement un dossier ficelé et peaufiné, fruit d'une mûre reflexion à coups de recherches sur les systèmes les mieux indiqués en vigueur à travers le monde et de débats faisant intervenir des professionnels et des experts en droit nationaux et internationaux. «Ce sont les circonstances qui ont fait que ce projet n'a pas été encore soumis à l'adoption (des assemblées parlementaires)», a indiqué Tayeb Belaïz, allusion faite à d'autres «priorités» d'ordre législatif qui étaient sur les tablettes de l'Etat ces derniers temps. Le ministre de la Justice a toutefois laissé entendre que cette démarche ne saurait tarder. Ainsi, les déclarations du garde des Sceaux, en réponse à une question posée lors d'un point de presse qu'il a animé jeudi à l'issue de sa visite de travail à Oran, abondent dans le même sens que les affirmations faites dernièrement par le directeur général du Centre de recherche juridique et judiciaire (CRJJ), Djamel Bouzertini, faisant état de «l'imminence» de la réforme du tribunal criminel basée sur le double degré de juridiction. En termes très simples, Tayeb Belaïz a mis en évidence les aberrations du tribunal criminel actuel, qui statue en premier et dernier ressort et n'offre aucune possibilité de recours autre que celle du pourvoi en cassation. Aucune discussion sur l'appréciation des faits par les juges n'est autorisée, le jugement qu'ils rendent reposant exclusivement sur leur simple intime conviction. Avec toute la part d'aribitraire que cela suppose. A cela, s'ajoute la «naïveté» et l'inaptitude du jury populaire, juridiquement parlant. Avec le mode actuel du tribunal, qui est hérité du système français, les personnes poursuivies pour crime sont défavorisées par rapport à celles poursuivies pour délit et contravention, a fait remarquer le ministre. Quand une personne est poursuivie pour délit devant un tribunal criminel parce que ce délit est connecté à un crime, elle perd inéluctablement le droit à l'appel, a-t-il encore expliqué. Dans un autre registre, le ministre de la Justice a insisté sur l'importance de la qualité de la formation des magistrats, dont le nombre pourra atteindre «les 4.500 à l'horizon 2014». «L'objectif initial du secteur est d'atteindre 6.500 magistrats pour une moyenne de couverture judiciaire de 13 juges pour 100.000 habitants, comme en Europe», a-t-il indiqué, faisant savoir que la moyenne nationale est actuellement estimée à 11 juges pour 100.000 habitants. Questionné à propos du recours «trop modéré» des tribunaux à la peine du travail d'intérêt général (TIG), le ministre a reconnu que cela est malheureusement un fait avéré relevé par son administration à travers les statistiques, notamment dans certaines cours de la région Ouest. Critiquant vertement les instances judiciaires concernées pour leur réticence et leur apathie quant à ce mode alternatif, qui date pourtant de près de deux ans, Tayeb Belaïz a réfuté d'un revers de la main l'argument évoqué, qui veut faire accroire qu'il s'agit à l'origine de cas récurrents de refus de cette option par les intéressés eux-même et non d'un non-recours des tribunaux à cette disposition de loi. «Mais qui donc peut préférer l'enfer (la prison) au paradis (le travail d'utilité publique en régime libre) ?!», a lâché le ministre, non sans voir dans ce fait à la limite de l'invraisemblable une paresse chez certains magistrats de siège quant au «double travail» qu'exige un verdict de TIG. Une manière de véhiculer un message incitant à l'application du TIG (quand les conditions légales s'y prêtent, cela s'entend) à destination des chefs de cour, charge à eux de le répercuter sur leurs magistrats de siège. Lors de sa visite dans la wilaya, le ministre a procédé à la pose de la première pierre pour la réalisation d'un nouveau siège pour la cour d'Oran en demandant d'écourter le délai de réalisation de deux mois. L'entreprise chinoise ZIEC dispose donc de 18 mois - au lieu de 20 mois - pour livrer cet imposant ouvrage de R+5, assis sur 3 hectares. Il s'est rendu par la suite au chantier du centre régional des archives judiciaires, qui accuse un retard à cause notamment du lot «courants faibles» (les réseaux internes de téléphonie, de transmission numérique des données ), et devra être réceptionné en mars 2012. M. Belaiz a inspecté également le projet de l'établissement pénitenciaire de Bir El-Djir d'une capacité de 1.000 lits. Mettant en garde l'entreprise chinoise MCC quant à un éventuel retard supplémentaire, le garde des Sceaux s'est montré intransigeant : «Je veux qu'on me remette les clés en février 2012», a-t-il ordonné sur un ton sec et neutre.