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Doit-on s'indigner avec Stéphane Hessel ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 27 - 10 - 2011

Indignez-vous ! Pamphlet de résistance, cri dérangeant ou bien testament de fin de vie ? C'est le titre que Stéphane Hessel, philosophe et compagnon de la libération, a choisi pour son opuscule. Cette invitation a vite fait de faire le tour du monde.
Elle entraîna dans son sillage les réactions les plus diverses, mais aussi, elle mit sous les feux de la rampe la petite maison d'édition « Indigènes », située à Montpellier en France qui proclame faire rompre les logiques mercantiles, protectionnistes, standardisées, tout en dégageant de nouveaux pôles d'autorité intellectuelle et de viabilité économiques. Tout un audacieux programme. Ce qui renforça les questionnements des grandes maisons d'édition, et titilla la curiosité d'une partie de l'intelligentsia française. La suite fut une reprise par la rue de ce slogan, notamment dans les pays touchés par la crise de l'Euro, la Grèce l'Italie. Mais le plus fort mouvement partira d'Espagne. Los Indignados, c'est comme cela qu'ils s'appellent dans la péninsule ibérique. Et ce mouvement a désormais, même sa journée mondiale, le 15 du mois d'octobre, dont la première a été fêtée cette année 2011. A l'instar du printemps arabe, dont d'ailleurs il se réclame, ce mouvement, dans sa démarche utilise les réseaux sociaux que propose Internet, comme support de liaison et de ralliement. Ce mouvement essaima rapidement, il conquit, La France, avec peu de bonheur, puisqu'à Paris, pays de naissance du fameux indignez-vous c'est un quasi échec. Cependant la vague ne reconnaîtra plus les frontières, puisqu'elle se manifesta même en Israël, ce pays, plutôt occupé à faire la guerre, et qui n'a pas de traditions de revendications sociales, en juillet 2011 à Tel-Aviv. Les américains ne seront pas en reste, et ce seront eux qui donneront plus de poids, plusd'écho et une dimension internationale à ce mouvement.
Les new-yorkais occuperont un square, avec ce mot d'ordre, Occupy Wall Street, tout près du siège la bourse, le signe est on ne peut expressif, sous les fenêtres du temple du capitalisme financier. Et de puis ils scandent : ‘'we are the 99'' c'est-à-dire, nous représentons 99 % de la population, qui contestons le un pour cent qui s'accaparent le 99 % des richesses du monde. Le nom des indignés donc, a été inspiré par le titre du manifeste, Indignez-vous, écrit par Stéphane Hessel, et traduit en dix-huit langues. Alors pourquoi ce normalien traducteur de Proust en allemand, s'indigne-t-il, aujourd'hui de la sorte ? Il débute son fascicule de trente pages, mais qui a été vendu à 300 000 exemplaires, à un prix 3 euros, par un retour sur le programme élaboré il y a 66 ans par le Conseil National de la Résistance française, qui proposait pour la France libérée un ensemble de principes et de valeurs sur lesquels reposerait la démocratie moderne du pays. Aujourd'hui, selon Monsieur Hessel, des femmes et des hommes politiques français, remettent en cause ces acquis nés de la résistance au nazisme, que sont, la Sécurité Sociale, que le programme définissait ainsi : ‘'Un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à touts les citoyens des moyens d'existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail''. Et le régime des retraites pour lequel est réservée cette destination : ‘' Une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours''. Le programme comportait également la nationalisation des banques et toutes les sources d'énergie, l'éléctricité, le gaz et les charbonnages. Tout cela en vue de l'instauration d'une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l'éviction des grandes féodalités économique et financières de la direction de l'économie. Par ailleurs il est aussi préconisé, que seule une presse indépendante garantirait une véritable démocratie, et qu'à cet effet :'' la résistance le sait, l'exige en défendant la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l'égard de l'Etat, des puissances de l'argent et des influences étrangères'' .Et enfin selon Hessel, la possibilité pour tous les enfants français de bénéficier de l'instruction la plus développée. A relire ces principes, on l'impression de revisiter Germinal de Zola.
D'ailleurs Hessel dit coupant : le motif de la résistance, c'est l'indignation. Soixante ans après, tout est remis en cause, et les vieux démons réapparaissent, puisqu'en France, est née la suspicion à l'égard des émigrés, c'est devenu, la société des sans papiers et des expulsions. Et quand dans cette atmosphère assombrie, des enseignants refusent d'appliquer les réformes scolaires de 2008, parce qu'elles sont trop éloignées de l'idéal de l'école républicaine, et jugées trop au service d'une société de l'argent et ne développant plus assez l'esprit créatif et critique, ils sont sanctionnés et leurs salaires amputés. Hessel conclut que c'est tout le socle des conquêtes sociales de la résistance qui est aujourd'hui est battu en brèche. Pour cet indigné, l'héritage de la résistance, doit faire face aux assauts de la culture de l'argent.
Toutes les nobles valeurs de liberté, du respect, de la solidarité, et de la conception humaniste de la vie en société doivent aujourd'hui être défendues, plus que demain. L'Europe qui s'était nourrie aux patrimoines philosophiques de Socrate, de Nietzsche, de Spinoza, de Rousseau et de Voltaire. Aux enseignements de Molière, de Shakespeare et de Cervantès, ne devrait pas abdiquer face aux diktats des marchés financiers. Hessel, qui fut secrétaire à la commission des Nations Unies, même s'il pas été directement rédacteur, lors de l'élaboration du texte de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 16 Octobre 1948, s'indigne contre la dictature internationale des marchés de l'argent, qui s'est érigée, en philosophie, en éthique et en morale, qui réellement, ne l'est pas. Loin s'en faut. La crise en février 2007, des subprimes, anglicisme passé en français, pour désigner les emprunts risqués, mais très attractifs, que les banques américaines avaient accordés à des clients, qu'elles savaient insolvables à moment donné de la vie du crédit, considérant les conditions que ces mêmes banques avaient elles mêmes mis sur le contrat de prêt. L'enjeu était pour ces institutions financières américaines, de procéder à la saisie des biens des personnes et des ménages endettés et de les revendre pour se payer et en tirer profit en sus, dès que leurs débiteurs, n'honoraient plus une mensualité. Mais les choses ne se passèrent pas comme l'avaient planifié ces banques. Il y eut tellement de saisies d'immeubles, essentiellement des habitations, que le marché américain de l'immobilier se trouva d'un coup saturé. Le parc habitat détenu désormais par les banques créancières, non seulement, ne trouva pas preneur, mais subit une vertigineuse perte de sa valeur. Plusieurs grandes banques se trouvèrent en difficulté et provoquèrent des dysfonctionnements dans tout le système financier international. Et première mondiale, proche d'une hérésie économique au pays berceau du capitalisme. La Grande Bretagne se vit contrainte de nationaliser des banques. Et plus grave pour ce système financier, il y eut, mise en faillite d'une grande banque multinationale dont le siège se trouve à New York, la banque Lehmann Brothers. Et la semaine dernière, ce fut, pour les mêmes raisons le tour de la banque franco-belge, destinée à financer les collectivités locales, Dexia de connaître le même sort, de mise en faillite.
La spirale ne s'arrêta pas à ce niveau puisque des pays comme l'Islande et l'Irlande connurent de fortes difficultés proches également de la faillite. La Grèce connaît en ce moment une crise sociale sans précédant, et une autre, de cessation de payement, du fait des contrecoups de cette crise, et de celle de l'Euro. L'Italie et l'Espagne sont menacées, et la France sent déjà l'odeur de l'alerte. Ces trois pays après avoir refinancé des banques sur des fonds publics pour qu'elles ne coulent pas et leurs économies nationales et européennes avec, font face actuellement à la menace des agences de notation financière. Ces agences sont des institutions qui évaluent à la demande, selon des critères définis par une, réglementation ou bien par le marché, soit une entreprise soit une collectivité. Les trois principales instances en la matière, sont américaines, l'agence Standart and Poor's, l'agence Fitch Ratings et l'agence Moody's. Somme toute, pour faciliter la compréhension, ces organisations, évaluent la santé économique, financière et tous les comptes du demandeur, et le renseigne, s'il vit ou pas au dessus de ses moyens. Et aussi sur les dangers qu'il court, face aux situations de cessation de payements et à celle de faillite, qui le menaceraient de ce fait. Cela se fait, selon un système complexe qui démarre de 3 A (AAA), c'est-à-dire la haute qualité de fiabilité, se termine au niveau D, qui veut dire, en défaut de payement. L'Italie et l'Espagne ont déjà perdu leur trois A, et ont été rabaissées à un niveau inférieur, le AA+. La France pour l'envolée de ses déficits publics, risque également elle aussi de voir sa note de fiabilité rabaissée. Il va sans dire que ces agences ont leurs détracteurs et aussi des contradicteurs, qui leur contestent notamment l'omnipotence en matière économique et financière. Parmi ces objecteurs se trouve l'agence chinoise de notation, Dagong, qui selon son système, affirme que l'économie américaine ne peut plus garder ses 3 A depuis longtemps déjà. Et les controverses dureront toujours sur ces chauds sujets. Contre le pouvoir de l'argent, ceux qui se sont approprié l'indignation de Hessel, réclament une économie mondiale solidaire. Ce mouvement ne se reconnaît pas sur l'échiquier politique, il entend réformer les systèmes économiques et financiers internationaux, lutter contre l'austérité et contre la corruption. Il milite pour réformer les systèmes politiques, travaille pour se rassembler et pour donner une place médiatique aux citoyens.
Il compte faire une révolution citoyenne pour exiger et créer de véritables démocraties, et entamer une prise de conscience sur la nature oligarchique des systèmes. Ce sont là quelques revendications et prétentions des indignés, glanées par ci par là, faute de chartes officielles. Ce qui est sûr par contre, ce sont les critiques dont est l'objet Stéphane Hessel et son ouvrage. Pour diverses raisons, notamment le succès en librairie, de virulentes attaques sont venues de certains philosophes français, et particulièrement, d'un conseiller après du Conseil représentatif des institutions juives de France. Qui dit-on s'est droitisé et s'est rapproché d'avantage d'Israël depuis la deuxième Intifadha .Et pourquoi tout cela ? Si les philosophes comme Boris Cyrulnik et Luc Ferry, lui reprochent de réagir à l'épidermique, à l'affect et à l'émotionnel, et qu'il n'y aurait rien de rationnel et de pragmatique dans ce que propose Hessel comme cause d'indignation. Les salves d'artillerie lourde sont venues des institutions juives de France, qui elles, ont vraiment réagi à l'émotionnel et à l'affectif à ce que propose Hessel à travers son livret. Et sur les six axes qui constituent la structure de l'ouvrage, c'est-à-dire :-1- le motif de la résistance, c'est l'indignation-2- deux visions de l'histoire -3-l'indifférence : la pire des attitudes -4 mon indignation à propos de la Palestine -5- la non violence, le chemin que nous devons apprendre à suivre - et enfin-6-pour une insurrection pacifique. Les ténors portes paroles, de ces institutions, tous sans exception focalisent et font fixette sur le quatrième axe, à savoir l'indignation de Monsieur Hessel sur la Palestine. Sur les trente pages d'indignation de l'opus, de ce déporté en 1944, au camp de concentration de Buchenwald, en Allemagne, la Palestine n'occupe que la page 17 et les 3/4 de la page 18, pour ainsi dire et montrer, de quoi peuvent s'effaroucher et s'alarmer, les institutions juives de france. En somme la fable de la petite souris, qui terroriserait l'énorme éléphant. Si le président américain Obama, n'a pas pu faire fléchir, le premier ministre israélien Netannyahou, qui l'avait rabroué chez lui, et de fort belle manière, le 25 mai 2011, devant les 535 membres du congrès U S, c'est-à-dire les deux chambres réunies, que peut représenter la menace d'un humaniste disant des vérité, face à la force et au soutiens occidentaux dont bénéficie Israël ? Alors, que dit Hessel dans cette page et trois quart ? Son propos concerne la bande de Ghaza et la Cisjordanie, en faisant référence au rapport du juge sud-africain, qui avait beaucoup fait pour défaire l'apartheid dans son pays, Richard Goldstone, sur Ghaza. Ce rapport est un document de 575 pages, rédigé par ce juge, à la demande du Conseil des droits de l'homme des Nations unies sur l'opération militaire israélienne baptisée ‘'Opération Plomb Durci'' qui avait duré de décembre 2008 à janvier 2009 contre la bande de Gaza et qui, au cours de laquelle près de 1400 Palestiniens, dont 758 civils, et 13 Israéliens, pour la plupart militaires avaient été tués.
Stéphane Hessel affirme partager les conclusions de Goldstone, qui en substance disent, que l'armée israélienne, durant cette opération, Plomb Durci, avait tué, des femmes, des enfants et vieillards, et de ce fait avait commis:''des actes assimilables à des crimes de guerre et peut-être, dans certaines circonstances, à des crimes contre l'humanité''. Ensuite Hessel, relate sa visite, accompagné de sa femme aux camps de réfugiés palestiniens, en Cisjordanie,qui sont gérés par l'agence des Nations Unies,l'UNRWA,où vivent depuis 1948, plus de trois millions de palestiniens. Et qu'à Ghaza, qui est une prison à ciel ouvert, il témoigne des conditions inhumaines, dans lesquelles, vivent également isolés du monde, environ un million et demi, de palestiniens. Et en sartrien affiché, il dit rejoindre le maître en le paraphrasant, ainsi :''on ne peut pas excuser les terroristes, mais on peut les comprendre'', Hessel juge :''le terrorisme inacceptable, mais il faut reconnaître, dit-il, que lorsque l'on est occupé avec des moyens militaires infiniment supérieurs aux vôtres, la réaction populaire ne peut pas être que non-violente''. Et il termine par cette sentence interrogative. Est-ce que ça sert le Hamas d'envoyer des rockets sur la ville de Sdérot ? La réponse est non, dit-il pour conclure son paragraphe. C'est cela et seulement cela qui avait fait sortir le sociologue conseiller auprès des institutions juives de France Taguieff, et les journalistes Eric Zemmour et Elisabeth Lévy, de leurs gongs, et surtout se dévoiler comme disait quelqu'un, comme étant les défenseurs zélés de la France moisie. S'attaquer à l'humanisme de Hessel est un combat perdu d'avance. Pierre André Taguieff, cet inconstant politique, conseiller au CRIF, le sait, mais il agresse quand même Hessel. Cependant en polémiste perdant annoncé, mais averti, il argue pour se dédouaner, s'attaquer à une icône, avant de déverser sur l'homme, son fiel. Il qualifie l'humaniste de dernière recrue de la machine propagandiste anti israélienne, en ajoutant :''Il aurait certainement pu finir sa vie d'une façon plus digne sans appeler à la haine contre Israël joignant sa voix à celle des pires antijuifs''. Il n'hésitera pas dans sa dérive insultante, à débiter ceci :'' quand un serpent venimeux est doté de bonne conscience, comme le nommé Hessel, il est compréhensible qu'on ait envie de lui écraser la tête''. En conclusion il narra à sa façon l'épigramme suivant de Voltaire : ‘'un soir au fond du Sahel, un serpent piqua le vieil Hessel, que croyez-vous qu'il arriva, ce fut le serpent qui creva''.
Dommage pour Voltaire ! Sur le pouvoir de l'argent et dans une lettre datée de 1802, destinée au secrétaire américain au trésor, Albert Gallatin, le président, Thomas Jefferson 1801/1809,disait déjà :'' Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées contrôlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d'abord par l'inflation, ensuite par la récession, jusqu'au jour où leurs enfants se réveilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquis ‘'.Deux cents ans après, ce furent aux U S A les subprimes et leurs conséquences, sur les plus pauvres des populations du monde. Après cela, doit-on s'indigner avec Hessel qui participa à l'élaboration de la déclaration universelle des droits de l'homme, rendre hommage au génie inspiré de Jefferson père fondateur et rédacteur de la déclaration d'indépendance ou constitution des Etats unis, ou bien laisser couiner tout seul Taguieff et consorts ? Allez, passons.


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