Il chôme depuis quelque temps déjà. Pourtant, sa boutique a pignon sur rue et sa marchandise est de première qualité. Reconnue pour sa variété de produits, à la portée de toutes les bourses, sa boutique ne désemplissait pas. Il vendait des valises à roulettes. Des cartables à roulettes. Aujourd'hui, même en soldant ses articles, el boutiqua tsaffar. Déprimé, il veut changer d'activité, mais le fonds lui manque. Est-ce la crise économique qui est arrivée. Est-ce le pouvoir d'achat de nos concitoyens qui lamine son commerce ? Non, dit-il affirmatif (hum), sinon cela aurait été le cas pour la majorité des autres commerces. Son voisin pourtant, qui, lui, vend les mêmes articles de moindre qualité, sans roulettes ni autres accessoires, fait un bon chiffre d'affaires. Quel est le secret ? Qu'est-ce qui a changé dans le comportement de la clientèle? Laissons notre commerçant pour passer à autre chose. Avez-vous remarqué qu'il y a moins, sinon plus de personnes handicapées dans les artères de notre ville ? Non ? Affirmatif : ils ont par miracle disparu. On n'en voit plus ces gens circulant sur leurs fauteuils roulants, se frayant un chemin entre les passants et les automobilistes des fois. Les a-t-on tous guéris de leurs handicaps ? On l'aurait su, car el houkouma, pour moins que ça, elle te bombarde de communiqués et autres informations louant une opération de cette envergure. Ben, figurez-vous qu'il n'y a rien de tout cela. Pour notre marchand de valises à roulettes, il a eu la présence d'esprit de supprimer les roulettes et d'en faire des valises en valises transportables à force de bras ; quant à la disparition des fauteuils roulants et poussettes pour bébés, c'est juste que la circulation de ce genre d'engins n'est plus possible. Nos rues, ruelles, trottoirs, avenues, boulevards et autres ont été transformés en terrains de golf. Des trous partout. Des tranchées. Partout. Des creusements. Partout. Déjà à pieds, ce n'est plus possible de circuler, alors sur des roulettes, il faut attendre que soient bouchés les trous et autres crevasses. Roues et trous n'ont jamais fait bon ménage.