Alors que le retour à l'ordre constitutionnel s'amorce à Bamako après la démission officielle du président ATT et le constat de vacance de la présidence, au nord du Mali, la situation donne l'impression de se compliquer davantage. L'ONU s'inquiète de la «menace terroriste» au Mali et dénonce l'enlèvement des diplomates algériens. Quelles sont les options pour l'Algérie face au désordre qui règne à sa frontière sud? Après l'apparition d'un nouveau groupe armé, le FLN Azawad (arabes de Tombouctou), reflet des angoisses montantes des différentes communautés du nord du Mali devant l'accélération des évènements, les nouvelles font état de la présence d'une centaine de combattants de la secte Boko Haram à Gao. Un député malien du nord, Abdou Sidibé, a évoqué une centaine de «Nigériens et Nigérians». Ces éléments, selon des informations difficiles à vérifier, auraient pris part à l'attaque contre le consulat algérien à Gao. Des témoins affirment que ces membres de Boko Haram, arrivés en soutien aux islamistes, circulaient dans le véhicule du consul d'Algérie. Ces informations, qu'il faut traiter avec prudence, suggèrent, comme l'avait d'ailleurs évoqué dans le passé un responsable algérien, qu'une coordination existe entre les groupes djihadistes-terroristes de l'ensemble de la région sahélienne jusqu'au Nigeria. Ces groupes se déploient ouvertement dans le nord du Mali dans un contexte de compétition-coopération entre les deux grands groupes de la rébellion targuie, le MNLA et Ançar Eddine. En dépit de la distance médiatique que le MNLA prend à l'égard d'Ançar Eddine, il n'est pas actuellement dans une optique de confrontation. Et cette sorte «d'entente froide» s'étend également aux groupes comme Aqmi ou le Mujao. CLIMAT D'ARMEMENT COMMUNAUTAIRE L'apparition du FLN Azawad, qui rejette l'indépendance et l'islamisme, vient dans ce cadre confirmer l'existence d'un climat d'armement communautaire au nord du Mali. D'autres groupes ethniques pourraient, dans le cadre de l'évolution accélérée et très anxiogène de la situation, estimer également devoir s'armer pour protéger leurs intérêts. Lundi, le Conseil de sécurité des Nations unies a exprimé sa profonde inquiétude à propos de la «menace terroriste» au Mali et a condamné l'enlèvement des sept diplomates algériens à Gao. «Les membres du Conseil de sécurité expriment une profonde inquiétude à propos de la menace terroriste grandissante dans le nord du Mali due à la présence parmi les rebelles de membres d'Al-Qaïda au Maghreb islamique et d'éléments extrémistes», indique un communiqué publié lundi. «Ils condamnent toute violence et pillage, y compris contre des travailleurs humanitaires, et le rapt des diplomates algériens à Gao». Le Conseil de sécurité a appelé «à la libération immédiate de toutes les personnes enlevées et à l'arrêt immédiat de toute violence, et renouvelle son appel à toutes les parties au Mali pour rechercher une solution pacifique à travers un dialogue politique opportun». UNE GESTION DELICATE POUR L'ALGERIE L'Algérie se retrouve en première ligne à tous les niveaux. Le sort des diplomates enlevés commande une approche très prudente. Il n'est pas utile en effet de s'aliéner les groupes de rebelles targuis et notamment Ançar Eddine qui peut être la voie pour récupérer les diplomates. Le chef du groupe Iyad Ag-Ghaly n'étant pas tout à fait un inconnu, il faut donc lui mettre la pression sans pour autant rompre. Et à l'évidence, les Algériens lui ont fait savoir qu'ils le tiennent pour directement responsable du sort des otages algériens et que son avenir politique, voire physique, en dépendra. Il restera aux responsables algériens à trancher entre plusieurs options. Celle, sans doute en cours, d'un travail nécessairement discret des services ou bien celui d'une intervention directe au nord du Mali qui, jusque-là, ne leur paraissait pas souhaitable. Certains font valoir que si l'on veut éviter une intervention des forces étrangères, il faudra nécessairement s'occuper du problème. Encore faut-il déterminer le type d'action le plus efficace et éviter d'aller s'ensabler. DEBUT D'UNE LABORIEUSE TRANSITION A BAMAKO Ainsi, l'évocation d'une intervention d'une force de la Cedeao au nord du Mali n'est pas vraiment prise au sérieux en raison des difficultés du terrain. L'option la plus durable est bien de rétablir l'Etat malien et de reconstruire une armée, gangrenée par la corruption, qui a abandonné le nord sans combattre. On est pour le moment encore loin de cette perspective même si la démission officielle d'Amadou Toumani Touré a ouvert la voie au président de l'Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, qui devait être investi hier comme chef d'Etat de transition. Un Premier ministre devait être désigné et il aura pour charge de former un «gouvernement d'union nationale». Les responsables de la Cedeao ont indiqué qu'il y aura une «tolérance zéro» à ceux qui chercheraient à entraver l'accord conclu avec la junte pour un retour à l'ordre constitutionnel. Ils espèrent qu'un premier conseil des ministres aura lieu vendredi prochain. Pour rappel, l'accord conclu entre la junte et la Cedeao prévoit une transition qui doit se terminer par des élections présidentielle et législatives, dont les dates restent à fixer. Il reste que le pays est, de fait, amputé de sa partie nord. Et le règlement de la crise ne sera pas aisé dans un contexte compliqué où le MNLA, qui semblait le plus disposé à négocier, s'est précipité d'annoncer l'indépendance de l'Azawad pour compenser politiquement une perte de suprématie sur le terrain au profit des islamistes.