Pour les chefs de partis et les candidats battant campagne, leurs rencontres en maints endroits avec les citoyens ont viré à l'humiliation. Les plus chanceux d'entre eux sont accueillis par des huées. Il en est qui malheureusement essuient des insultes que la décence interdit de reproduire. Jamais campagne électorale dans le pays n'a volé si bas. Ses animateurs qui continuent à aller au devant de citoyens déchaînés dans l'expression du mépris qu'ils vouent à la classe politique ont le cœur bien accroché et une sacrée capacité à encaisser. Tous les noms «d'oiseaux» leur ont été servis par ces électeurs dont ils courtisent le vote. La trivialité des lazzis et insultes scandés aux oreilles de certains d'entre eux n'honore pas ceux qui les ont proférés. Beaucoup de citoyens en conviennent et regrettent que la campagne électorale en soit ternie. Sans excuser les dépassements verbaux dont des chefs de partis et des candidats sont abreuvés, la vérité oblige à dire que certains d'entre eux méritent le mépris citoyen qui s'exprime à leur égard. Parce qu'ils vont au contact de concitoyens avec des postures et des promesses électorales qui sont elles aussi une insulte à l'intelligence du citoyen. Ils promettent une chose et son contraire, se présentent comme porteurs de changements alors qu'ils reproduisent exactement dans leur comportement tout ce que les Algériens haïssent en la classe politique et les élites dirigeantes qu'ils ont eu à subir depuis l'indépendance. Les Algériens en ont assez d'être traités en débiles électeurs à qui on peut faire gober n'importe quoi. Et beaucoup de partis et de candidats leur démontrent en cette campagne électorale que c'est ainsi qu'ils les considèrent. Mépris pour mépris, celui des citoyens se manifeste par l'ironie dévalorisante et l'invective acerbe qui ne recule pas devant l'emploi de l'injure blessante. Quelques partis, très peu en vérité, s'essayent à élever le niveau de cette campagne en situant et explicitant ce qu'ils pensent être les enjeux du scrutin du 10 mai. Leurs voix sont toutefois peu audibles, étant noyées dans la cacophonie que leurs concurrents plus nombreux font entendre. D'élections législatives dont on a fait de la tenue et des résultats le point de départ d'un processus de changement pacifique en direction de la démocratie et de l'Etat de droit, il est à craindre que l'on s'achemine vers un scrutin qui ne sera que la confirmation du fossé qui sépare le peuple algérien de la fausse élite politique qui brigue son suffrage. Au-delà de ce que vont être leurs scores électoraux dans les urnes le 10 mai, les partis politiques, tous courants idéologiques confondus, ont subi durant cette campagne électorale des avanies qui doivent leur faire prendre conscience que «parler au nom du peuple», prétendre incarner et exprimer ses attentes politiques ou sociales, n'est pas crédible aux yeux des citoyens tant que ces partis ne viennent à eux qu'à l'occasion d'échéances électorales. Plutôt que de faire une surenchère surréaliste sur les changements qu'ils seraient aptes à opérer en cas de leur victoire électorale le 10 mai, la plupart des partis auraient dû commencer par réviser leur conception de la pratique de l'action politique partisane. Révision imposant qu'ils ne versent pas dans la démagogie primaire et la débilité en matière de promesses et d'engagements électoraux.