Fini le «bling-bling», la gouvernance par la Com. En devenant, hier mardi 15 mai, le 7ème président de la Vème République française, au cours d'une journée d'investiture pleine de symboles, François Hollande a tenu à se démarquer dans le style et sur le fond de son prédécesseur. La cérémonie, qui ne manquait pas de solennité, n'avait rien de l'ambiance people de l'investiture de Sarkozy, ni le faste péplum de celle de François Mitterrand. Le président «normal» a, d'emblée, tenu à marquer, sur la forme, le style de sa présidence. Sur la forme comme sur le fond, François Hollande signifie qu'il exercera son mandat de manière différente. A un prédécesseur qui a joué sur les clivages qui existent dans la société française quand il n'a pas œuvré à les accentuer pour des raisons purement électorales, le nouveau président veut rétablir «l'unité» des Français en insistant sur l'exemplarité de celui qui est investi des pouvoirs présidentiels. «La première condition de la confiance retrouvée, c'est l'unité de la nation» mais «la confiance, c'est aussi l'exemplarité». A la conception «hyper présidentielle», que l'on pourrait qualifier de «bouteflikienne», de Sarkozy qui a carrément phagocyté la fonction de Premier ministre et mis le pays dans une sorte de campagne électorale permanente, François Hollande entend fonctionner dans le périmètre institutionnel fixé par la Constitution. LE POUVOIR SERA EXERCE AVEC DIGNITE MAIS SIMPLICITE «Conformément à la Constitution, le gouvernement déterminera et conduira la politique de la nation, le Parlement sera respecté dans ses droits, la justice disposera de toutes les garanties de son indépendance», a-t-il indiqué, en ajoutant que le «pouvoir au sommet de l'Etat sera exercé avec dignité mais simplicité, avec une grande ambition pour notre pays et une scrupuleuse sobriété dans les comportements L'Etat sera impartial parce qu'il est la propriété de tous les Français et qu'il n'appartient donc pas à ceux qui en ont reçu pour un temps limité la charge», a encore dit le nouveau président. Impossible de ne pas lire dans ces propos le message net et clair d'une critique des travers de son prédécesseur à qui il a adressé ses vœux «pour la nouvelle vie qui s'ouvre à lui». Les poignées de mains entre les deux hommes fixées à deux reprises par les photographes n'avaient rien de chaleureux. François Hollande a adressé un «message de confiance» aux Français tout en soulignant le «poids des contraintes» de sa charge, à commencer par une «dette massive». Dans cette journée à forte charge symbolique qui devait se terminer par une rencontre importante avec la chancelière allemande, Angela Merkel, avec laquelle des divergences existent sur la conduite des politiques économiques en Europe, le nouveau président français a rendu un hommage au personnage ambigu de Jules Ferry, père de l'école publique française, mais également un défenseur de la colonisation et un adepte de la supériorité de la race blanche. JULES FERRY, UN ADEPTE DE LA SUPERIORITE DE LA RACE BLANCHE L'intention du nouveau président français était de mettre en évidence, immédiatement après son investiture, l'importance qu'il accordait à l'éducation nationale. Le choix du personnage, il est vrai plus connu en France pour son rôle dans la création de l'école que pour ses idées racistes, n'était pas vraiment à la hauteur du souci affirmé de rétablir l'unité des Français, fortement malmenée par les manœuvres politico-médiatiques de son prédécesseur. François Hollande a eu cependant la présence d'esprit de ne pas occulter cet aspect «docteur Jekyll et M. Hyde» du personnage qui heurte les sentiments des antiracistes en France et à l'étranger. Ainsi, l'hommage rendu à ce «grand ministre de l'Instruction publique» est accompagné d'une critique et d'une condamnation de ses «égarements politiques». «Tout exemple connaît des limites, toute grandeur a ses faiblesses et tout homme est faillible. En saluant aujourd'hui la mémoire de Jules Ferry qui fut un grand ministre de l'Instruction publique, je n'ignore rien de ses égarements politiques. Sa défense de la colonisation fut une faute morale et politique. Elle doit à ce titre être condamnée», a déclaré M. Hollande en ouverture de son allocution. UN BEMOL CONCIS Un bémol exprimé de manière concise, mais un bémol essentiel quand même qui permet, avec une «lucidité indispensable», de saluer celui qui «conçut l'école publique, ce bâtisseur de cette maison commune qu'est l'école de la république». Un hommage contrebalancé par l'évocation du «grand Clemenceau» qui «lui-même (...) porta en son temps le réquisitoire le plus implacable du colonialisme au nom de la conscience universelle». La nuance était d'autant plus nécessaire que Jules Ferry affirmait, en 1885, que les «les races supérieures (...) ont le devoir de civiliser les races inférieures». Certaines associations avaient pris les devants en demandant à François Hollande, à l'image du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), de rappeler, en saluant en «Jules Ferry le fondateur de l'école républicaine», la «part d'ombre de cet homme, et de toute une partie de l'histoire de France». Il en est de même pour Christiane Taubira, députée de Guyane (app. PS), qui a estimé que «le président de la République ne peut pas ignorer l'ambivalence du personnage». Le message a été entendu. La part d'ombre a été évoquée et dénoncée.