En Algérie, le débat sur l'utilisation des réserves de change revient de manière récurrente, certains préconisant la création d'un fonds d'investissements. Dans cet article, le Dr Mahdi B. estime que la crise en Espagne offre des opportunités rares et sérieuses pour Sonatrach de s'implanter durablement sur le continent européen. Avec la crise actuelle des banques espagnoles, de formidables opportunités sont à saisir pour Sonatrach à condition de faire vite et d'être parfaitement décidé. Dans le débat sur l'utilisation des réserves de change, il ne s'agit pas d'idées farfelues, comme l'acquisition des constructeurs de voitures, mais d'investissements stratégiques dans un contexte où les bons du trésor US ont des rendements négatifs avec le niveau d'inflation actuel et le souci de la recherche de la qualité. Voyons de quoi il s'agit. Sonatrach cherche depuis longtemps à s'implanter sur le continent européen pour se rapprocher de ses clients et pour garantir un débouché pour son gaz dans un contexte gazier où les prix sont et seront déprimés pour longtemps. La déconnexion des prix du gaz spot avec à ceux à long terme est établie durablement alors que l'exploitation des gaz de schiste n'est qu'à son début. Les récentes sorties du ministre de l'Energie sur les « prix justes» du gaz et les clients qui se battent pour renouveler les contrats à long terme ne trompent personne. Sonatrach a et aura de plus en plus de mal à vendre son gaz surtout sous la forme actuelle des contrats à long terme. D'un autre côté, les banques espagnoles sont en crise notamment à cause de la bulle immobilière et vont bénéficier d'un plan de sauvetage européen. La Banque centrale européenne (BCE) va certainement leur imposer un vaste plan de restructuration qui se traduira par des regroupements mais surtout par des renforcements de fonds propres. La Bourse de Madrid étant sinistrée, les investisseurs ne se bousculant pas au portillon et le gouvernement ayant d'autres chats à fouetter pour diminuer son endettement, ce renforcement devrait passer par des cessions d'actifs pour réduire le périmètre des banques. Or les banques sont les principales actionnaires de groupes énergétiques espagnols, notamment Repsol YPF et Gas Natural et c'est là où le groupe Sonatrach devrait être concerné. Voyons les cibles potentielles. GAS NATURAL C'est vers cette société que devrait naturellement se porter l'intérêt de Sonatrach. Gas Natural est une société de distribution de gaz très bien implantée en Espagne (60% du marché), elle produit et distribue de l'électricité (un débouché garanti pour le gaz) et qui est déjà cliente de Sonatrach. Cette dernière est déjà dans la place puisqu'elle possède 3,9% du capital. La Caixa Bank possède 35% des actions, Repsol 30% et la capitalisation boursière n'est que de 9 milliards d'euros, ce qui n'est pas trop cher payé. La Caixa pourrait être tentée de céder son bloc d'actions car ses autres actifs seront beaucoup plus difficiles à vendre dans une économie espagnole sinistrée. Il a eu dernièrement des rumeurs de fusion de Gas Natural avec Repsol sous la houlette de La Caixa suite à la récente nationalisation des activités en Argentine de Repsol dans le but de contrecarrer une éventuelle offre hostile. L'opération (démentie par La Caixa) si elle venait à se confirmer serait d'un intérêt limité pour La Caixa. Elle ne se fera que par un échange de papier sans que de l'argent frais - denrée plutôt rare en ce moment en Espagne - y soit apporté. REPSOL YPF C'est un groupe de profil plutôt pétrolier mais avec une activité gaz assez importante et même une production d'électricité. Son acquisition n'est pas dénuée d'intérêts stratégiques pour Sonatrach. Repsol est déjà installé en Algérie même si sa part de production n'est pas significative. Il est le premier producteur et distributeur de produits pétroliers en Espagne et a une implantation au Portugal et en Amérique latine. Comme on l'a souligné précédemment, la récente perte de ses activités en Argentine l'a fragilisé en l'amputant d'une partie de ses revenus alors que son indemnisation devrait prendre des années. Sa capitalisation boursière est un peu plus importante avec 15 milliards mais son tour de table est intéressant. On retrouve toujours La Caixa avec 13%, Sacyr Valhermoso avec 20% mais qui en tant que groupe de BTP est en état de faillite virtuelle et reste largement porté par ses banques. La part importante du flottant (57%) ne devrait pas laisser indifférents les épargnants espagnols laminés par la crise devant une offre amicale ou non assortie d'une belle prime. Cerise sur le gâteau, Repsol possède 30% de Gas Natural et son contrôle permet de contrôler indirectement cette dernière. CELERITE ET DISCRETION Il y a, bien entendu, une dimension politique pour l'opération. Le gouvernement espagnol aurait des réticences à laisser échapper ses groupes énergétiques vers des étrangers mais il a les mains liées avec ses programmes de réduction des dépenses et la recapitalisation de ses banques. Un intense lobbying diplomatico-commercial est nécessaire avec quelques carottes pour faire avaler la pilule. Cela peut être par exemple des contrats de BTP (pourquoi pas pour Sacyr) et une assurance que la prise de contrôle des sociétés énergétiques espagnoles ne va pas être brusque avec une OPA hostile mais par des cessions gré à gré de blocs. L'opération exige une célérité et une discrétion sans failles de Sonatrach pendant les négociations car les vautours rôdent déjà autour des actifs espagnols et il n'en existe pas beaucoup de cette qualité car en plus d'être des investissements stratégiques, elles sont aussi rentables, les deux sociétés dégagent d'appréciables bénéfices