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Sahel: rêveries sur le bouton replay
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 10 - 10 - 2012

L'idée est obsédante donc la langue y revient dans la tête : pourquoi les Français ont réussi à débarquer à Sidi Fredj en 1832 ? Pour des raisons connues : le blé, un coup d'éventail, la force et les pirates ou corsaires algérois. A cela s'ajoutent un Deylicat faible, un pouvoir centralisateur ottoman fragile, une centralisation excessive à Alger, l'impôt injuste, la méconnaissance ottomane des réalités tribales algériennes, le mode de désignation des beys (par le haut et pas par les choix locaux respectés), le racisme des janissaires. Le prétexte de la France de l'époque : les corsaires algériens faisaient trop de rapts, prenaient des otages et réclamaient des rançons.
Deux siècles après, on est donc dans le remake, mais par le Sud et avec du sable dans les yeux. Cette fois, selon les analystes anticoloniaux, Sidi Fredj se situe au Nord Mali, alias Sud Algérie et la flotte frenchy est dans les airs et pas par les mers. Les raisons ? Les mêmes presque: Au sahel on prend des otages et on kidnappe et on exige des rançons (comme les corsaires algérois).
Les pouvoirs centraux d'Alger et de Bamako sont faibles, affaiblis par les vastes distances et les échecs économiques. Les deux capitales ont mal estimé les demandes d'autonomisation et le rêve du pays azawad ou les doléances d'une auto-gouvernance fédérale. Les deux pays sont restés sourds aux cultures locales et aux modes de gouvernances alternatives au centralisme jacobin, hérité de la France. Les Walis y sont désignés comme autrefois les Beys par les Deys. Les guerres pour les ressources et les gisements sont les mêmes que pour le blé d'autrefois. Le racisme (maquillé en condescendance) du nord algérien envers son sud et du sud Mali envers le nord, vu comme peu fidèle.
Le Sahel est donc devenu ce que fut l'Algérie des Ottomans : tribus, violences, émiettement, rêve Djihadiste, utopie religieuse, fantasme des ancêtres et colonisabilité affirmée. On peut donc y débarquer sur simple coup d'éventail. Le parallèle est donc troublant lorsqu'on ose le voir et mettre de côté les jugements de valeurs sur le combat des uns et des autres.
Les raisons au Sahel sont celles de Sidi Fredj, il y a deux siècles. Mauvaise gouvernance, faiblesse, myopie des régimes locaux et aveuglement face aux nécessités de réforme et de création de consensus locaux. El Qaïda intoxique aujourd'hui la question du Sahel et de son avenir mais elle ne devrait pas faire écran pour longtemps : si on en est arrivé là, piégés entre corsaires des sables et nouveaux colons, c'est qu'on n'a pas su gouverner ce vaste pays du Sahel qui n'est pas une simple wilaya sous autorité d'un wali assis, mais un pays entier qu'il faut comprendre. Ou, sinon, le perdre. D'ailleurs, il fait si chaud au Sahara que les éventails y sont de retour.


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