Les chefs d'Etat et de gouvernement ouest-africains ayant pris part au sommet extraordinaire de la CEDEAO à Abuja, capitale du Nigeria, ont entériné le principe de l'envoi d'une force militaire africaine au Nord-Mali. Non sans que certains d'entre eux conditionnent leur accord à cette option par la condition qu'il faut, comme l'a déclaré le président ivoirien Alassane Ouattara, «intensifier les efforts en cours pour parvenir à une solution négociée qui pourrait permettre de conduire à une intervention militaire apaisée et de mieux identifier les cibles et les terroristes à combattre». Cette solution négociée les médiations menées concomitamment par l'Algérie et le Burkina Faso tendent à démontrer qu'elle est possible en étant parvenues à rallier à elle deux des groupes armés agissant au Nord-Mali, l'islamiste Ansar Eddine et le MNLA qui se défend de toute référence religieuse. Mais pour que son processus s'intensifie et aboutisse comme recommandé par certains participants au sommet de la CEDEAO, faut-il que les autorités gouvernementales de transition du Mali répondent positivement à la main tendue par les deux groupes armés qui se sont déclarés favorables à la voie du dialogue avec elles pour une solution politique à la crise malienne. Or les autorités maliennes entretiennent le flou sur la question du dialogue avec les groupes armés du Nord-Mali. L'attitude qu'elles adopteront est tributaire du rapport de force qui s'établit au sein du pouvoir à Bamako entre les partisans de la solution exclusivement militaire à la crise du pays et ceux de la combinaison entre option militaire et politique. L'impression prévaut dans l'immédiat que les premiers sont en train de faire prévaloir leur option, car rien ne vient de Bamako qui confirmerait la tenue annoncée il y a quelques semaines par le président intérimaire du pays d'un dialogue national. Le pouvoir malien semble ballotté entre deux influences étrangères, celle de la France et de pays voisins tels le Nigeria qui le poussent à l'intransigeance à l'égard de tous les acteurs de la rébellion du Nord-Mali et celle d'Etats qui comme l'Algérie et d'autres lui recommandent de s'entendre avec les groupes armés ayant renoncé à la sécession et à la lutte armée contre lui. Ce tiraillement qui s'exprime au grand jour au sein du pouvoir de transition en place à Bamako a fait déclarer par le MNLA que l'éventuelle solution politique à la crise malienne suppose « la stabilisation du pouvoir à Bamako afin de créer les conditions minimales d'une négociation entre lui et le Mali afin d'aboutir à un accord de paix sur la base duquel sera défini le schéma de l'éradication de la menace narco-terroriste ». En adoptant le principe de l'envoi d'une force militaire au Nord-Mali sans s'être assuré que les autorités maliennes conviennent d'engager impérativement en parallèle le dialogue avec les groupes armés qui l'acceptent assorti de leur renonciation à la rébellion et à l'alliance avec les terroristes et narcotrafiquants, le sommet de la CEDEAO a encouragé les va-t-en-guerre à privilégier l'aventure militaire dont les conséquences risquent de s'avérer catastrophiques pour le Mali et l'ensemble régional sahélien. Qui peut croire en effet que les 3.300 hommes promis par la CEDEAO et l'armée squelettique du Mali vont être en capacité de mettre un terme à la sédition et aux menées des groupes terroristes au Nord-Mali, s'il n'est pas démontré que leur intervention se base sur le distinguo à faire entre ces groupes et ceux dont l'action a eu pour cause des revendications légitimes que le gouvernement malien ne peut persister à ignorer.