L'échéance du premier semestre arrêtée par le ministre des Finances pour offrir un pack de services en ligne pour les contribuables sera-t-elle respectée ? Des experts sont sceptiques. Ils évoquent des difficultés «omises» par le département de Karim Djoudi pour la réalisation d'un tel projet qui nécessite un environnement assaini dans sa partie aussi bien réglementaire que technique. La dernière déclaration du Ministre des Finances, Karim Djoudi sur la possibilité de déclaration et de paiement des impôts via Internet dès le premier semestre 2013 devrait réjouir les contribuables. Les entreprises habituées aux vieilles méthodes reposant sur l'obligation de «présence et de paiement physiques» vont accueillir cette nouvelle à bras ouverts, tant cela leur permettra un gain de temps et d'argent considérables. L'Administration fiscale entend mettre en place un système électronique de télé-déclaration et de télépaiement des cotisations fiscales, afin de moderniser sa gestion des impôts et taxes. Une source proche du Ministère des Finances a précisé à l'APS que ce nouveau système sera d'abord appliqué aux gros contribuables, en particulier ceux relevant de la Direction des grandes entreprises (DGE) ou du Centre des impôts (CDI) opérationnels et implantés dans diverses régions du pays, avant d'élargir «à moyen terme» l'application de la télé-procédure fiscale aux autres catégories de contribuables. «Il ne s'agit là que d'un des axes de travail en cours de réalisation par l'administration fiscale pour améliorer l'offre de services aux contribuables. Un principe qui s'inscrit en droite ligne avec les orientations des pouvoirs publics pour améliorer l'environnement des entreprises économiques algériennes», a souligné la même source, sans autres explications. La source ne dit pas comment l'Administration fiscale algérienne qui, jusque-là, fonctionne selon des méthodes anciennes peut migrer en l'espace de quelques mois vers une gestion moderne. De nécessaires préalables techniques Rien que pour la partie bancaire de l'opération du paiement en ligne des impôts n'est pas encore possible, affirme un expert financier qui a requis l'anonymat. Connaissant le système bancaire algérien et les méthodes qui le régissent, notre source estime que si «le réseau bancaire dispose d'un minimum d'infrastructures qui lui permettront de rendre possible une telle opération», il faut tout d'abord «que la Banque Centrale autorise cela, comme elle l'a déjà fait pour le retrait et le paiement par carte bancaire». Et pour que la Banque centrale donne son aval, ajoute notre source, «elle doit s'assurer que le règlement par réseau Internet est sécurisé». De plus, selon lui, «il y a une série de tests et d'expérimentations à faire pour s'assurer qu'à tout moment le réseau réagit instantanément et en toute sécurité». Ce qui, ajoute notre source, «ne semble pas avoir été fait, tant que l'architecture du paiement électronique d'une manière générale n'est pas encore prête ni du point de vue réglementaire ni technique». «Concernant l'échéance donnée par le Ministère des Finances, l'Administration fiscale peut seulement réaliser la phase de déclaration des revenus. Pas plus. Le paiement électronique des impôts devra attendre la mise en place des mécanismes du e-payement d'une manière générale. Nous sommes encore très loin du paiement électronique des impôts en Algérie», conclut l'expert. La transversalité du paiement en ligne compliquera sa réalisation Pour sa part, l'expert en TIC, Younes Grar affiche son scepticisme quant à l'aboutissement d'un tel projet qui nécessite un système de paiement hautement sécurisé. «Selon l'allure que prennent les projets dits "électroniques", cela m'étonnerais de voir le paiement en ligne des impôts se concrétiser durant le premier semestre de l'année prochaine», juge-t-il, «surtout que le projet est intimement lié au gros dossier qu'est le paiement en ligne dans sa globalité». Ce dossier pèche par «sa transversalité», explique M. Grar, car il nécessite «l'intervention de plusieurs acteurs à savoir, le Ministère des Finances, le Ministère du Commerce, celui de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication, l'ARPT, et la SATIM». Pour les faire intervenir dans ce dossier, il faudrait, selon lui, «installer une Autorité rattachée au Premier Ministère ou à la Présidence de la République» qui soit «au-dessus de ces différents ministères et organismes», et «qui sera chargée de son suivi», recommande-t-il. Pour Younes Grar, la déclaration du Ministre des Finances reste un énième effet d'annonce de «fin d'année», surtout que ce projet a occulté un élément clé de sa réalisation. «Normalement pour un tel projet, il fallait lancer des projets-pilotes, pour évaluer si notre solution fonctionne ou pas, et pour connaître la réaction de la plateforme et du consommateur pendant des mois avant de la généraliser», conclue-t-il.