Ce sont deux groupes de rebelles targuis aux fortunes diverses, le MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad) et Ançar Eddine (islamistes) qui ont inauguré, hier, à Ouagadougou, sous les auspices du président Blaise Compaoré, des discussions avec ce qu'il faudra bien appeler par son nom: le groupe de Bamako constitué d'au moins trois factions (le président par intérim, le Premier ministre et le chef des putschistes, le capitaine Sanogo). Ces discussions exploratoires ont commencé, hier après-midi, au palais présidentiel d'Ouagadougou. La délégation représentant le gouvernement ou les "factions de Bamako" était conduite par le ministre des Affaires étrangères, Tiéman Coulibaly, qui a pris langue avec les émissaires d'Ançar Eddine et du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA). On est encore loin des négociations destinées à résoudre le problème endémique du Nord malien, et tout indique qu'elles seront difficiles et semées d'embuches. Le ministre malien parle surtout d'examiner les "possibilités d'amorcer un dialogue" en fixant le préalable de l'intégrité territoriale du Mali et du caractère "laïc" de l'Etat malien. Ces préalables sont déjà en grande partie acceptés. Le MNLA ne parle plus de l'Etat Azawad indépendant et Ançar Eddine se dit prêt à débarrasser le nord du Mali du terrorisme et à renoncer à l'idée d'appliquer la charia à l'ensemble du Mali. SURENCHERE DANS UN ETAT FAILLI Les deux mouvements targuis soumis à d'intenses pressions d'Alger et d'Ouagadougou ont fait les pas nécessaires -d'autres restent à faire- pour être légitimement partie prenante d'une recherche de solution politique. Il est difficile d'en dire autant à Bamako où les factions qui se partagent un pouvoir de fait se livrent à des surenchères. Les dénonciations du dialogue avec les "terroristes" qui se multiplient à Bamako en sont l'illustration. Les politiciens de Bamako qui se disputent le pouvoir dans un Etat malien failli préfèrent ouvertement une intervention militaire qui éliminerait, dans leur esprit, les acteurs targuis plutôt que de négocier avec eux. La participation de Bamako aux discussions d'Ouagadougou paraît animée du seul souci de montrer à une communauté internationale devenue moins enthousiaste pour une intervention militaire que l'on explore l'option de la "solution politique". Pour beaucoup d'observateurs, l'absence d'une vraie autorité à Bamako plombe cette amorce de dialogue. Les factions en lutte pour le pouvoir à Bamako pourraient s'être entendues sur le fait que la participation n'ait qu'un seul but: montrer qu'il n'y a pas de solution politique. Cette arrière-pensée qui rend plutôt sceptique sur les perspectives d'un tel dialogue. C'est dans cet esprit que les responsables de la Cédéao ont critiqué les très fortes réserves émises par le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, au sujet d'une intervention militaire et son appel à aller vers la solution politique. BAN KI-MOON CRITIQUE Les ministres de la Cédéao ont critiqué "le déphasage entre les recommandations" de l'ONU et "l'urgence d'action que nécessite la situation". Ils ont affirmé que "tout recul devant l'urgence d'envoyer une force pourrait entraîner une aggravation de la situation sécuritaire et humanitaire dans la région et en Afrique". Un alarmisme qui tente d'évacuer les idées de bon sens émises aussi bien par le secrétaire général de l'Onu, du patron de l'Africom et par l'Algérie sur la nécessité impérieuse de ne pas transformer une guerre contre les terroristes en une guerre contre l'ensemble de la population du nord du Mali. En réalité, si un constat de bon sens n'est pas fait, cela tient uniquement au refus d'envisager une sérieuse refonte de l'Etat malien afin d'intégrer solidement les populations du Nord dans le tissu national. UNE GUERRE POUR EVITER LA REFORME ! La rébellion des Touaregs date de plusieurs décennies et plusieurs accords conclus grâce à la médiation de l'Algérie sont restés lettre morte en grande partie par l'absence d'une réelle disponibilité de Bamako à les mettre en œuvre. Le maximalisme qui s'exprime à Bamako chez une partie des acteurs politiques exprime toujours ce refus viscéral d'envisager cette réforme aussi nécessaire que vitale pour la renaissance d'un Etat malien à terre et sa pérennité future. D'une certaine manière, ces factions de Bamako font le jeu des terroristes qui ne peuvent que tirer profit d'une guerre aveugle menée contre les populations du Nord. Car les factions de Bamako croient qu'une intervention armée va permettre d'éliminer la rébellion targuie et les dispenser de devoir réformer un Etat qui n'existe plus que sous forme de factions. Il a fallu des pressions sur les deux groupes targuis pour les amener à faire des pas en direction de la solution politique. Il en faudra sans doute encore davantage pour amener les factions au pouvoir à Bamako à y aller sérieusement. Il le faudra d'autant plus que cela implique une remise en cause de la manière dont les politiciens maliens ont mal géré l'Etat depuis l'indépendance au point de le réduire à une fiction.