L'intervention militaire française au nord du Mali a peut-être empêché que l'ensemble du pays tombe sous le contrôle des groupes armés qui ont fait route en direction de Bamako et mis en déroute les soldats maliens. Elle n'est pas pour autant la solution à la crise malienne qui quand le nord du pays sera reconquis sur les groupes armés terroristes qui sont en train d'être délogés, persistera tant que le pouvoir central malien ne mettra pas en œuvre une politique de réconciliation nationale qui n'occultera plus la légitimité des revendications des populations de cette région. Or il apparaît déjà que dans les zones du Nord-Mali que réoccupent les miliaires maliens derrière l'avancée de la force d'intervention française, l'on assiste à des exactions contre leurs populations, menées dans un esprit de revanche et de logique punitive qui font craindre que ces populations sont considérées comme acquises aux groupes armés terroristes et donc devant être châtiées. Des ONG humanitaires ayant pu se rendre dans ces zones ont tiré la sonnette d'alarme sur ces exactions dont les militaires maliens se sont rendus coupables. Elles ont alerté les autorités françaises lesquelles ne peuvent rester passives devant un tel développement sur un terrain où il y a présence de leur force militaire. L'armée malienne est constituée de bric et de broc et son objectif est de faire payer sa défaite à des populations au nord du pays qui n'ont pas admis son comportement à leur égard quand elle avait le contrôle de leur région. La laisser faire au principe de la souveraineté de l'Etat malien dont elle est censée être l'institution en charge de reprendre le contrôle du nord du pays, reviendrait à exacerber les causes originelles à l'origine de la crise malienne. Le traitement politique de cette crise malienne ne doit pas être différé au motif que l'urgence est de chasser du nord du pays les groupes armés terroristes qui y sévissent. Ce but militaire ne sera jamais atteint si les populations du nord du Mali constatent que le retour dans leur région de l'armée nationale ramène avec lui des comportements et des pratiques dont elles ont eu à souffrir avant qu'elle en soit chassée par les groupes armés et sans que le pouvoir central malien ne reconnaisse le bien-fondé de leurs protestations et revendications. Les résolutions du Conseil de sécurité qui ont autorisé l'intervention militaire internationale au nord du Mali spécifient expressément que la solution politique de la crise du Mali est le but à atteindre. Il ne semble pas que les autorités de Bamako et les Etats qui leur ont apporté leurs concours militaires contre les groupes armés terroristes font de la mise en œuvre de cette solution politique une préoccupation. Au contraire, ils ont court-circuité toutes les initiatives internationales et régionales ayant tenté d'encourager l'amorce d'un dialogue «malo-malien» pouvant déboucher sur une entente nationale entre les différentes ethnies du pays et l'instauration d'un ordre institutionnel et constitutionnel pour le pays garantissant leur «vivre ensemble» et leur égalité en droits et devoirs en tant que communauté nationale unie. Ce qui se passe dans les zones «libérées» du nord du Mali tend à démontrer que les militaires maliens n'ont rien compris aux problèmes qui se posent à leur pays, à l'Etat malien dans cette région qui s'appelle l'Azawad, et que, de ce fait, ils se retrouveront confrontés au même phénomène de rejet de leur présence dans celle-ci une fois disparu le parapluie militaire que constitue pour eux l'intervention des forces étrangères.