La légitimité d'un pouvoir lui permet-elle de prendre les décisions impopulaires en matière de réformes économiques ? Non, estime B.Mahdi dans cette opinion où la situation algérienne est appréhendée à l'aune de la crise égyptienne. Ceux qui regardent avec le plus grand intérêtles derniers événements d'Egypte, ce ne sont pas ceux à qui on pourrait penser de prime abord, les militaires, mais plutôt les décideurséconomiques. Il ya une pensée assez répandue chez les économisteset les intellectuels Algériens (du moins les sérieux) qui veut que les décideurséconomiquesAlgériens ne peuvent conduire une politiqueéconomique saine et réformiste pour le pays par manque de courage politique qui lui-même découle d'un manque de légitimité du pouvoir. Autrement dit, un gouvernement réellementélu par le peupleet tirant sa légitimité de ce mandat peut conduire des réformes fatalement impopulaires et sauver le pays. Le cas Egyptien vient montrer que rien n'est moins sûr LA HUITIEME PLAIE DE L'EGYPTE, LA SUBVENTION Jusqu'à la chute de Moubarak, l'économie Egyptienne était plutôt sur une bonne lancée. Le taux de croissance était appréciable en moyenne de 6% sur la période 2005-2010, une agriculture qui se modernisait et visait le marchéEuropéen et une industrie manufacturière qui commençait à prendre forme.De véritables capitaines d'industrie ont émergé à l'ombre du pouvoir à l'exemple de Sawiriss et El Ezz et se sont lancé à l'international avec succès. L'Egypte était même candidate pour rejoindre le groupe de pays émergentsCIVETS (Colombie, Indonésie, Vietnam, Egypte, Turquie et Afrique du Sud) la seconde fournée après les BRICS. Mais l'Egypte avait un talon d'Achille, elle était shootée aux subventions. Tout était subventionné et notamment l'énergie. L'Egypte se permettaitmêmed'avoir l'essence parmi les moins cher au monde alors qu'elle était importatrice net de pétrole. La politique de l'infitah n'a pas pu revenir sur des années de socialisme Nassérien. Cette politique de subventions était possible tant qu'un carburant l'alimentait: la rente touristique qui renflouait les caisses de la banque centrale en devises et soulageait la balance des paiements. Or rien n'est plus versatile qu'un touriste et les flopées de charters ont commencé à diminuer au gré des soubresauts révolutionnaires et les réserves de change de l'Egypte ont fondu comme neige au soleil. Devant ces difficultés, le gouvernement Egyptien n'a pas eu le choix et a dûappeler à la rescousse le FMI ; lequel a naturellement conditionné son aide par l'abandon du moins progressif de la politique des subventions car qu'il n'était somme toutes pas raisonnable d'emprunter de l'argent pour subventionner l'énergie.C'est alors que les ennuis véritables ont commencé. Quand le gouvernement a commencé à rationner l'essence et que les pannes d'électricité sont devenuesfréquentes, les centrales étaient à l'arrêt faute de carburant. Cela n'a fait qu'aggraver la crise et ajouter au chaos ambiant etla colère du peuple grandissante est venue s'agglutiner à d'autres sujets de mécontentement. Les gens disaient qu'après tout ils n'ont pas élu M.Morsi pour qu'il leur coupe l'électricité et qu'il leurs augmente le prix de l'essence. Bien entendu, ce n'est pas l'unique raison de sa chute. Mais finalement M.Morsi s'est mis à dos une bonne partie de sa population parce qu'il a pris des décisions qui auraient dû être prises depuis longtemps et que ses prédécesseurs ont soigneusement évité par instinct de survie. TOUTE RESSEMBLANCE AVEC L'ALGERIE EST PUREMENT FORTUITE Qu'en est-il de l'Algérie. Le pays est identiquement accroc aux subventions avec une rente qui est certes moins volatile mais dont le déclin est inéluctable. Il n'est point question de reformes dans les faits et la gouvernancebascule entre la navigation à vue et l'incompétence pour ne pas dire le sabotage économique. Des semblants de politiques économiquement absurdes sont menées où transparait le souci de faire le moins de vagues et de mécontenter le moins de monde possible, ce qui à la fin a conduit à un formidable gâchis des ressources du pays. Avec le temps, la population a pris conscience du point faible du système. Elle manifeste et s'insurge au sujet de tout étant habituée aux reculadesdes gouvernants. Finalement, les gensse disent que c'était normal, ils ne demandent que leurs droit et leurs dû, ceux d'en haut ayant sûrement plus de choses à se reprocher. Et si par un grand miracle demain un nouveau pouvoir était démocratiquementélu (réellement bien entendu) pourra-il entreprendre les réformes nécessaires pour le pays? Le peuple acceptera-il de renoncer à un semblant de bien êtreéconomique immédiatmêmes'il n'est qu'éphémère et s'il n'est pas conscient que celane pourrait pas durer éternellement. En a-t-il vraiment cure de l'avenir de ces enfants ; et si c'était après lui le déluge? Après tout, on a vu des démocraties autrement plus établies et des sociétés plus éduquées et censéesêtre plus responsables êtreau bord de l'implosion sous les coups de boutoir de l'austérité et des hausses d'impôt. Leurs soucis est presque identique : un bien êtreimmédiat fût-il au prix de dettes qu'ils vont léguerauxgénérations futures. Le seul avantage de la démocratie c'est qu'on peut choisir les mauvais et les changer par d'autres quand on a envie.Les habitudes devenant une seconde nature, qui pourrait faire renoncer aux citoyens-électeurs à leurs 'acquis sociaux''? En réalité, ce n'est pas la légitimité mais c'est surtout la crise qui force la réforme.Finalement est-ce qu'on ne veut pas le beurre et l'argent du beurre. Une société démocratique et un bien être immédiat tout en sachant (ou en feignant de l'ignorer) qu'il y'a qu'un pouvoir non démocratique plus soucieux de durer qui peut le procurer en achetant du temps ou ce qui en termes locaux s'appelle acheter la paix sociale