Pour un opérateur économique se déployant dans le domaine des cosmétiques, une dépréciation du dinar de l'ordre de 9% par rapport aux monnaies étrangères, notamment l'euro et le dollar, veut dire une inflation de cet ordre. «Un taux d'inflation de cet ordre est digne des républiques bananières», lancera-t-il, en précisant qu'il pèse bien ses mots. Dans les autres pays, «la dépréciation de la monnaie, et partant l'inflation, se calcule à 0.5 ou 1 ou à la limite 2 mais pas 10 d'un coup», jugera-t-il. Il émettra un «ouf» de satisfaction quand nous lui apprenons que ces chiffres sont avancés par Karim Djoudi, le ministre des Finances. «Parce que nous, nous sommes habitués à travailler avec les chiffres avancés par le CNIS» (Centre des statistiques des Douanes), remarquera-t-il. Pour notre interlocuteur, ce fort taux d'inflation va se répercuter incontestablement sur les prix des produits importés, entre autres. Dit simplement, la ménagère, le chef de famille, le simple citoyen payeront plus cher la plupart des produits, notamment de base, puisqu'ils sont importés et facturés en monnaies étrangères. Déjà, on relèvera la hausse des prix des légumes secs. Un autre importateur s'interrogera sur les retombées de cette dévaluation du dinar sur le marché de la monnaie parallèle, devenu marché de recours même de certaines grosses entreprises étrangères. «A partir du début de la semaine, on assistera à d'autres parités. Les cambistes vont essayer de tirer profit de la nouvelle donne. D'autre part, il y a probablement des acquéreurs qui doivent faire le plein des devises sur ce marché en ce moment même». Se déclarant d'accord avec certaines analyses avancées par des économistes, un autre opérateur s'interrogera sur l'intérêt économique de cette dévaluation de la monnaie nationale. «Pousser les Algériens à se serrer la ceinture, puisque la facture des importations est appelée à dépasser le seuil fatidique des 60 milliards de $ ?», s'interroge notre interlocuteur. Pour lui, «les Algériens et à commencer par les membres de l'exécutif chargés de ce dossier doivent se poser juste une petite question : comment en milieu des années 90, c'est-à-dire il y a dix ans tout au plus, l'Algérie importait pour 10 milliards de $ et comment cette facture s'est multipliée en moins de dix ans ?». Refusant d'avancer des explications, en spécifiant «que ce n'est pas de mon ressort», il estimera que «ces chiffres cachent des réalités difficiles à admettre». Lesquelles ? «Le taux des fuites des capitaux a atteint des seuils qui, désormais, menacent la sécurité nationale», lance-t-il. Et en recourant à ce genre de mesures, en l'occurrence la dévaluation de la monnaie nationale, «l'Etat démontre son incapacité de lutter efficacement contre cette saignée des devises». Il remarquera qu'avant d'être remercié, Ahmed Ouyahia, alors Premier ministre, avait soulevé cette question dans des termes alarmants. En tout cas, nos interlocuteurs estiment qu'une inflation de cette taille aura des conséquences sur le quotidien des larges couches sociales. «Une mesure porteuse de risques», nous disent plus d'un. Dans un premier temps, elle va annuler tous les effets des augmentations salariales, dira le plus optimiste de nos interlocuteurs. Par ailleurs, des augmentations dans les prix des médicaments sont attendues, suite à la dévaluation du dinar. Les entreprises du médicament connaîtront, sans aucun doute, des pertes importantes qui se répercuteront sur les prix. Des perturbations dans l'approvisionnement en produits pharmaceutiques sont attendues, estiment des observateurs. Et ce sont les malades qui paieront la facture, ceci en attendant le réajustement de la valeur du dinar. A noter également que les prix des produits alimentaires connaissent déjà une hausse de 25%, qui risque de s'alourdir davantage. Les produits touchés par cette augmentation sont essentiellement les légumes secs importés. Ainsi, les haricots secs sont actuellement cédés à 250 et 260 DA le kilo, soit une hausse de 50 DA. Les lentilles ont aussi connu une hausse, quoique légère, estimée en moyenne à 10 DA par kilo. D'autre part, les prix des céréales et des légumes secs devront connaître d'autres augmentations jusqu'à 20%, estime-t-on. Rien n'indique, donc, que l'inflation va baisser en 2013, comme déclaré récemment par les pouvoirs publics, sachant que le taux de l'inflation annuelle, de l'ordre de plus de 8%, avoisine celui de la dévaluation du dinar, estimée à environ 9%.