Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Nabil Fahmy, est attendu aujourd'hui à Alger pour des consultations avec son homologue algérien, Ramtane Lamamra. Une visite qui s'inscrit dans une conjoncture particulière pour l'Egypte qui s'est enfoncée dans une préoccupante crise politique après l'arrestation du président Morsi et des dirigeants des Frères musulmans, puis la décision de classer cette organisation comme terroriste. Depuis juillet dernier, après la destitution de Morsi, l'instabilité politique s'est installée dans la durée en Egypte. A Alger, les responsables de la diplomatie des deux pays devraient notamment discuter du processus de paix au Proche-Orient, de aide à la Libye pour qu'elle recouvre sa stabilité, ainsi que de l'examen et le renforcement des mécanismes de coopération entre l'Algérie et l'Egypte, notamment la Haute commission mixte et le comité politique de suivi. La sécurité dans la région sera également l'un des points forts des entretiens entre les deux ministres, d'autant que l'Egypte est face à un scénario dangereux pour sa stabilité avec la montée en puissance de la protestation des Frères musulmans qui réclament toujours la libération de leur leader, Mohamed Morsi. A Alger, depuis fin décembre dernier pour préparer la visite du chef de la diplomatie égyptienne, Nacer Kamel, vice-ministre égyptien des Affaires étrangères, a donné le tempo des discussions algéro-égyptiennes d'aujourd'hui. Il y aura d'abord le dossier syrien dans lequel l'Egypte voudrait reprendre pied après avoir été bousculée par les monarchies du Golfe, alors qu'Alger reste très écoutée par Damas. Mais, par dessus tout, l'Egypte est aujourd'hui préoccupée par la situation instable et chaotique en Libye, un territoire d'où peuvent entrer des armes et des éléments proches sinon sympathisants des Frères musulmans égyptiens. Dans une déclaration à la presse lors de sa visite préparatoire à Alger, Nacer Kamel n'a pas fait grand mystère des inquiétudes des autorités militaires égyptiennes face à la situation actuelle en Syrie et en Libye. Une situation qui pourrait se répandre dans une Egypte pas tout à fait guérie de la violence et qui est plongée dans une grande incertitude avec les manifestations anti-pouvoir des sympathisants de la puissante confrérie des Frères musulmans. A l'issue de l'audience que lui a accordée le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, Nacer Kamel a ainsi affirmé que l'Algérie et l'Egypte étaient face à une responsabilité historique concernant la sécurité dans le monde arabe, notamment à la lumière des défis qui se posent à la région sur le plan sécuritaire, politique et stratégique. Il est clair que Le Caire cherche à Alger des appuis sur le plan sécuritaire et diplomatique. Mais également une expertise de la situation née de la décision des autorités de considérer dorénavant comme 'terroriste'' l'organisation des Frères musulmans. Une situation aux conséquences politiques, sécuritaires et sociales lourdes pour le pouvoir. Certaines voix à Alger estiment que l'Algérie se fait 'hara-kiri'' en reconnaissant un régime (égyptien) arrivé au pouvoir par un coup d'Etat, alors qu'elle a été l'initiatrice de la résolution de l'ex-OUA pour ne plus reconnaître les régimes africains arrivés au pouvoir par coup d'Etat militaire. A moins que l'Algérie ne récuse ses efforts pour que les coups d'Etat militaires en Afrique soient bannis par l'Union africaine, elle va accueillir en fait aujourd'hui le représentant d'une junte militaire qui a destitué un président élu et l'a remplacé par un gouvernement qui s'est imposé de force par des manifestations violentes. La conférence de presse conjointe de M. Ramtane Lamamra et son homologue égyptien devrait répondre au moins à cette interrogation. Et, surtout, de savoir ce que veut vraiment l'Egypte auprès de l'Algérie. Si ce ne sont ni des dollars, encore moins un soutien technique de lutte contre le terrorisme, de quoi s'agit-il?