Le rituel de la Tripartite a été respecté. L'UGTA a, une nouvelle fois, parlé de l'article 87 bis qui bride le salaire minimum en y incluant les primes. Aucune décision claire n'a été prise, la question étant reportée à 2015 mais on fait mine de satisfaire Sidi Saïd sans prendre d'engagements formels. Le patron de l'UGTA est satisfait. Les syndicats autonomes, eux, ne se privent pas, à juste titre d'ailleurs, de contester la légitimité de l'UGTA à représenter, à elle seule, le monde du travail. Ils soulignent que le pacte social conclu dans le cadre de la Tripartite ne les engage en rien. Mais ils n'ignorent pas que le gouvernement est dans sa propre logique qui consiste à choisir ses interlocuteurs sans se soucier de leur crédibilité ou non. On aime aligner des sigles de soutien, on ne cherche pas à avoir des organisations qui représentent réellement et qui «engagent» de manière sérieuse des forces sociales dans un projet. On est dans le fonctionnement routinier du système même quand la situation paraît particulièrement délétère. Le Forum des chefs d'entreprises dont certains membres ont eu des états d'âme à l'idée de s'engager dans le soutien au 4ème mandat ne devrait pas tarder à le faire. La routine aussi ! Il est vrai que lorsque le FCE a eu des velléités de dire trop fortement son désaccord avec les décisions prises dans la foulée de la fameuse LFC 2009, on lui a signifié qu'il allait trop loin. Le gouvernement a même instruit ses patrons publics de s'en retirer et cela a été fait. Le patron du FCE s'appelait Reda Hamiani et il est toujours aux commandes. Lui aussi, comme Sidi Saïd de l'UGTA, assume le fait d'être un «accompagnateur» de l'action du gouvernement. Mais c'est moins un choix qu'une situation de fait. La dépendance à l'égard de l'Etat crée les conditions d'un alignement politique contraint pour rester dans le «jeu». Comme pour toutes les organisations en orbite qui fonctionnent, dans le meilleur des cas, en forme de lobbies. On est dans la tradition des partenaires sociaux qui assurent le décorum de la représentation. C'est un souci très important du régime que de s'assurer de ce décorum de dialogue social comme pour le pluralisme politique. Une sociologue, Amel Boubekeur, a déjà constaté dans une étude que malgré les professions de foi «libérales», les patrons algériens sont globalement des agents du statuquo. Il existe certes quelques individualités fortes mais la règle générale est de s'insérer dans le jeu et de ne pas faire de vague. La sociologue en est arrivée à la conclusion que la plupart des acteurs privés ont la capacité de régler leurs affaires dans le cadre du système, ce qui ne les pousse pas à souhaiter réellement un «processus décisionnel plus transparent et sain». Le système de rente a ses logiques qui n'ont rien à voir avec la rationalité économique. Mais les experts, eux, ne cessent d'avertir : c'est un système qui est déjà en crise. Entre surconsommation à bas prix de l'énergie et baisse de la production, il y aura moins de rente à redistribuer. Le mur approche, il faut changer vite, mais cela on ne l'entendra pas à la Tripartite. Ni chez les chantres de la stabilité.