Les quarante jours qui nous séparent du scrutin de la présidentielle vont être lourds du risque que la situation électrique prévalant dans le pays sur fond de protestations s'amplifiant contre l'éventualité de l'octroi le 17 avril d'un quatrième mandat à un président candidat malade et à l'évidence dans l'incapacité physique d'assurer ses fonctions, risque à tout moment de déraper en cas où se radicaliseraient les face-à-face entre les protestataires et les forces de sécurité qui tentent d'étouffer leur mouvement. L'engrenage qui produirait ce scénario a déjà commencé à fonctionner, tant d'un côté les protestataires persistent vent debout malgré la répression policière musclée à vouloir mobiliser la rue contre la poursuite du processus électoral dont la finalité pour eux sera inéluctablement la reconduction du président candidat malade. De l'autre, un pouvoir qui voyant que le mouvement contestataires enfle pourrait être tenté de durcir sa répression. Il suffirait alors que leur confrontation dégénère en accrochages violents pour que tout bascule dans la confusion. Depuis qu'ils ont déclenché leur mouvement de protestation active, les manifestants anti-quatrième mandat ont donné à leurs démonstrations un caractère pacifiste. Pourront-ils le leur garder sachant que des parties dans et en dehors du pouvoir tentent qui de récupérer la protestation, qui de la discréditer en la poussant vers la radicalité ? De ce risque, des partisans déterminés de la protestation anti-quatrième mandat se sont déclarés conscients. Ils ont justifié qu'ils mettent en garde contre lui. Ce qu'ont fait les bureaux régionaux du RCD de Béjaïa, Bouira et Tizi Ouzou dans un communiqué signé conjointement par eux alertant que «des appels anonymes sont lancés un peu partout en Kabylie pour impliquer la région dans les affrontements qui opposent les clans du système» qu'ils ont qualifiés «d'initiatives visant à conforter une secte contre une autre pour faire l'impasse sur le débat de fond qui est le changement du système politique en place». On le voit, le risque de manipulation n'est pas une simple vue de l'esprit. Il est d'autant à craindre que les protagonistes de la crise qui divise les tenants du pouvoir sont maîtres ès manipulations et qu'ils n'hésiteront pas à pratiquer car disposant de relais exécutants grâce auxquels l'infiltration du mouvement de protestation leur est aisée. La sincérité et la spontanéité de l'indignation contre le quatrième mandat des initiateurs du mouvement de protestation n'est pas en cause de même que la respectabilité du projet politique qu'ils prônent. Ce dont ils doivent se garder c'est de se faire déborder par les professionnels de la surenchère qui ont un tout autre agenda politique et des visées autres que les leurs. Les dernières décennies en Algérie, la démonstration a été faite que le pouvoir, ses clans et officines ont systématiquement dévoyé la protestation populaire contre eux en la fourvoyant dans des directions qui n'étaient pas les siennes initialement et à s'en servir pour réaliser des scénarios qui tous leur ont permis de durer et de perpétuer le système politique dont ils sont l'émanation.