Après un calme précaire qui a régné sur les lieux ce jeudi dernier et le jour suivant, l'unité de voisinage (UV) n° 14 à Ali-Mendjeli s'est embrasée dans la nuit du vendredi au samedi. « C'était une nuit infernale, chaotique. Des hordes sauvages ont encore incendié trois ou quatre appartements aux environs de minuit à l'aide de cocktails Molotov, alors que la rue était livrée durant toute la nuit et jusque dans la matinée d'hier aux affrontements violents entre bandes rivales, soutenues par des dizaines d'autres ex-voisins des bidonvilles qui arrivaient des UV 17, 18 et 19, et qui lançaient assaut sur assaut armés de pierres, de morceaux de fer éjectés avec puissance comme des balles, de couteaux et de longues épées », ont déclaré hier des habitants épouvantés. Les hostilités qui avaient pour habitude de cesser au petit matin n'ont pas obéi cette fois-ci à la règle, car les affrontements n'ont pas marqué de répit hier, et les gens qui passaient près des lieux aux environs de 11 heures ont été choqués par l'embrasement qui s'est emparé de cette unité de voisinage situé à la sortie de Ali-Mendjeli (en allant vers Aïn S'mara). Une unité de voisinage qui mène un rythme de vie particulier, chargé d'hostilité et d'inimitié, totalement différent de ce qui se passe dans l'entourage où le train de vie n'échappe certes pas à l'insécurité, mais, comparativement, c'est un paradis. Tout étranger qui pénètre à l'intérieur de l'UV n° 14 constatera immédiatement les regards pesants qui se posent sur lui, les gens observent ici une surveillance quasi permanente, toute personne de passage est épiée de la tête aux pieds, et s'il s'agit d'un véhicule on prendra soin de le suivre étroitement pour savoir chez qui il est arrivé ! Le quartier est complètement défiguré et porte l'empreinte des agitations violentes qui le secouent sans répit depuis l'Aïd El-Adha. Rues jonchées de pierres, chaussées et murs noircis par la fumée. Des jeunes installés en permanence sur les toits, prêts à lancer leur arsenal de pierres sur leurs adversaires dès qu'ils sortent la tête. « Une vie d'enfer », laisse tomber un habitant qui rappelle la fuite massive des ménages. « La peur et l'angoisse des nuits blanches ont poussé des dizaines de familles à abandonner leurs logements ces derniers jours, surtout ceux des étages inférieures qui sont souvent les premières cibles des pierres et des cocktails Molotov ainsi que des tentatives de violation», insistent nos interlocuteurs. Ces derniers précisent que les chefs de familles restent sur place pour garder la maison, car les cambrioleurs profitent de l'absence des occupants et dévalisent tout sur leur passage. « Récemment, n'ayant pas trouvé grand-chose à voler à l'intérieur d'un appartement, les malfrats ont pris des robes et un album photos et, au lever du jour, ils ont exhibé leur butin sur la chaussée et distribué les photos à tour de main, cassant avec joie l'intimité des familles ! », témoigne un habitant non sans faire remarquer qu'il s'agit d'une race « insociable » qu'il n'a jamais vue de son existence, « lui qui a un vécu un peu partout en Algérie vu son métier qui le contraignait aux déplacements ». Certains habitants au rez-de-chaussée se sont carrément « murés » dans leurs appartements. Les balcons ont été supprimés, murés à l'aide de briques, et les fenêtres en verre ont été remplacées par des plaques en tôle, « c'est la seule façon de se prémunir contre les cocktails Molotov, les jets de pierres et autres tentatives d'assauts», expliquent les concernés. Les services de sécurité antiémeute qui effectuent régulièrement des interventions pour séparer les belligérants ne sont pas épargnés par les coups de pierres et les jets de cocktails Molotov. On enregistre plusieurs blessés dans les rangs des policiers ces derniers jours, indiquent des sources sécuritaires. Quant aux arrestations parmi les antagonistes, les mêmes sources font état de la neutralisation ces dernières semaines de plus de 70 individus, tous des repris de justice ou sous le coup de mandat de recherche. Hélas, rien ne semble influer sur le triste cours des évènements qui secouent l'UV n° 14 depuis des mois. Les nombreuses initiatives de conciliation conduites par des imams et élus locaux, le travail de proximité ou les actions répressives des services de sécurité n'ont pas pu ramener le calme dans ce quartier qui reste déchiré par les violences, saccagé en profondeur dans ses équipements scolaires, ses canalisations d'eau et gaz naturel volés, et dont les habitants n'ont d'autre choix que de fuir. Pis, les violences vont crescendo. Les bandes redoublent de férocité à chaque fois, développant des stratégies de plus en plus adaptées au terrain, à l'enseigne des casques de motocyclistes pour amortir le choc des coups de pierres et autres morceaux de fer lancés par des tire-boulettes ou encore de retraite rapide dans le cas d'une offensive adverse ou d'intervention de policiers. Cela laisse croire, selon un avis largement partagé au sein des habitants, qu'il y a des manipulateurs mafieux, aguerris à ce genre de batailles et qui savent en tirer profit, notamment la domination du marché de la drogue ou l'organisation du racket.