Les effets de la décision de la Banque d'Algérie, qui a annoncé au mois de décembre dernier le retrait définitif de la circulation à partir de la fin de l'année 2014 des anciens billets de 200 dinars, commencent à se faire sentir sur le marché. D'une crise à une autre, on passe de la pénurie de la petite pièce de monnaie à la rareté des billets de 200 dinars ! Et ce n'est guère une mince affaire. Car, malgré leur état scandaleux, les billets de 200 dinars font le lot émergeant des échanges en matière d'activités commerciales courantes, aussi endommagés soient-ils. Donner au commerçant 500 ou 1.000 dinars pour payer deux sachets de lait, un paquet de cigarettes ou même pour régler le prix d'un petit café, est une pratique désormais courante, imposée par les dévaluations successives du dinar, chose qui n'offusque donc plus personne, sauf que maintenant, il y a un véritable problème auquel se trouvent confrontés les commerçants, la pénurie des billets de 200 dinars. Tant la valeur intrinsèque des opérations commerciales augmente, exigeant de plus en plus la mise en circulation des billets de 500, 1.000 et 2.000 dinars pour le moindre achat, ce sont généralement les billets de 200 dinars qu'on recherche en premier lieu pour rendre la monnaie aux clients et là, on tombe sur un hic (!), les vieux billets honnis par tout le monde, de par leur état «scotché», sont très recherchés de nos jours. «Aujourd'hui, ce n'est plus la petite pièce de monnaie qui nous cause des soucis, nous éprouvons des difficultés énormes pour rendre la monnaie aux clients qui nous remettent souvent des billets de 500 ou 1.000 dinars pour payer leur course à cause de la rareté des billets de 200 dinars», nous a déclaré, hier, un taxieur. La rengaine est pareille chez d'autres gérants de commerces d'alimentation générale, de marchands de légumes et fruits, ainsi que de nombreux autres commerçants en activité dans des créneaux qui revendiquent une utilisation des billets de 200 dinars, qui déclarent éprouver beaucoup d'embarras dans leur relation avec la clientèle. Un véritable casse-tête que ce retrait de la circulation des billets de 200 dinars, voire une hantise, pour tous les commerçants de détails et autres taxieurs qui ne trouvent plus leur compte avec les clients. Pourtant, la Banque d'Algérie assure que tous les vieux billets de 200 dinars retirés de la circulation sont immédiatement remplacés par des pièces de 200 dinars, et cela ne devrait donc poser aucun problème de pénurie. Peut-être que le problème réside en partie dans cette mise en circulation des pièces de 200 dinars, lesquelles pièces ne sont pas pour arranger en pratique les échanges de monnaie. D'une part, les gens s'accommodent très mal d'avoir sur eux 1.000 dinars en pièces de monnaie, «c'est très lourd à porter dans les poches», et d'autre part, la pièce de 200 dinars est très mal acceptée par la population qui la «confond facilement avec une pièce de 100 ou même 20 dinars», selon des aveux qui nous ont été communiqués par des citoyens et des commerçants. «Fais attention, c'est une pièce de 200 dinars», ne manque-t-on pas d'entendre assez régulièrement lors des échanges de monnaie entre clients et commerçants. On prend toujours soin de «quantifier» expressément la pièce de 200 dinars, chose qui dénote d'une faible confiance accordée à cette pièce qu'on ne distingue pas si facilement parmi les autres. C'est, aussi, une autre conséquence de la dévaluation du dinar, dont l'effet n'est pas uniquement limité à la fluctuation à la hausse des prix. Selon des banquiers, la valeur du billet de 200 dinars n'est plus la même depuis l'avènement de la dernière dépréciation du dinar, qui a chuté de 10% par rapport aux devises étrangères, et ce billet de 200 dinars doit suivre les traces du billet de 100 dinars qu'on rencontre rarement de nos jours. Pour les spécialistes des questions économiques, la disparition du circuit financier de ces billets de banque est liée à la situation du marché d'une façon globale. Selon une lecture d'évaluation académique, les économistes indiquent de leur côté qu'à partir du moment où l'on a une inflation importante, «les monnaies divisionnaires ne jouent plus aucun rôle puisqu'elles ne permettent plus d'acheter grand-chose, d'où leur disparition progressive dans les transactions». Et puis, l'Etat ne peut pas, selon toute logique, produire un billet foncièrement utilisé sur la place commerciale et qui, à force de faire le tour de main et de poche, tombe fatalement en disgrâce à cause de son état désastreux. Toute une histoire d'un billet de 200 dinars, qui a fait couler beaucoup d'encre, et qui s'achève sur une pièce pas trop différente de 20 dinars !