En signant dans la précipitation des accords d'associations avec les trois républiques ex-soviétiques, l'Europe continue le pressing sur Moscou. Quant à la nomination de Jean-Claude Juncker à la Commission, simple jeu d'équilibre politique au sein des Institutions européennes. Finalement, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker a été promu par le Conseil européen de jeudi et vendredi au poste de président de la Commission européenne malgré l'opposition du 1er ministre britannique David Cameron appuyé par la Hongrie. Du coup, d'aucuns ont vu dans cette désignation un échec de la Grande-Bretagne à influer sur les principaux organes décisionnels de l'Union européenne (UE). D'autres, les plus avertis, voient dans la crispation et l'entêtement du 1er ministre britannique autour de cette nomination rien moins qu'une subtile manœuvre politique pour mieux placer les Anglais dans les autres rouages institutionnels moins visibles de l'UE, mais importants dans la conduite des affaires de l'Union. Ainsi, en ayant «échoué» à faire barrage à Jean-Claude Juncker, candidat du consensus de la majorité des chefs d'Etat et de gouvernement, le 1er ministre n'aura aucune difficulté à décrocher en échange le poste de secrétaire général de la Commission pour un Anglais. Les connaisseurs des rouages de l'administration européenne sont unanimes sur l'importance de ce poste : en plus de son autorité sur le libellé des mouvement financiers de l'Union, il est le centre de «tri» des priorités des dossiers soumis à l'examen de la Commission et du Conseil européen. L'opportunité et l'efficacité du travail du président de la Commission reposent sur celle de son secrétaire général. Par ailleurs, le portefeuille des Affaires étrangères détenu encore par l'Anglaise Catherine Ashton, a de grandes chances de demeurer entre les mains de la Grande-Bretagne. Comme dans une partie de football, le pressing sur l'adversaire durant le match brouille sa stratégie et l'oblige à des concessions sur le résultat. C'est un peu le même stratagème employé par l'UE face à la Russie de Vladimir Poutine, lors de ce Sommet : signature de l'accord d'association avec l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie. « Un accord historique », a déclaré le nouveau président ukrainien Porochenko. Quant on sait que toute la crise ukrainienne et ses retombées sur les relations Europe (et USA) et Russie est née du refus de l'ancien président ukrainien, Victor Ianoukovich, de signer cet accord d'association en novembre 2013, on mesure toute la portée et le sens donnés à la cérémonie de signature, vendredi à Bruxelles. Vladimir Poutine a réagi immédiatement en dénonçant un acte de provocation qui ne va pas dans le sens de l'apaisement du climat politique entre son pays et l'Europe. Et pour cause : le soudain intérêt de l'Europe pour les ex-républiques soviétiques se manifeste au moment où Moscou commence à mettre en place une zone économique commune avec ces mêmes républiques. C'est donc une question de conquête ou de partage de marchés, c'est selon, qui est l'enjeu de cet affrontement entre Russes, Européens et leurs alliés américains. Les accords d'associations singés entre l'Europe et les trois républiques ex-soviétiques ouvrent leurs marchés aux économies européennes (produits industriels, agricoles et industriels). La question de libre circulation des populations de ces trois pays n'est pas concernée par les accords. Quant à celle de leur éventuelle adhésion à l'UE, elle est carrément exclue par les Européens. Dans cette histoire il y a chez les dirigeants des trois républiques ex-soviétiques comme une « tromperie » de leurs propres peuples à qui ils font miroiter le statut de « citoyenneté de l'UE » en ouvrant totalement leurs marchés économiques aux produits et capitaux de l'UE. Le seul et unique avantage qui aura un impact positif chez les peuples de ces trois république est, certainement, celui lié aux problématiques des droits humains et des libertés : l'Europe tiendra sous surveillance l'évolution des libertés dans ces pays. C'est important, certes, mais cela demandera beaucoup de temps pour changer les mœurs politiques dans ces pays qui ont vécu jusqu'à ce jour sous des régimes politiques instables, violents, subissant l'influence entre le puissant cousin russe et les lointains amis européens. Globalement, le bilan de ce Sommet européen sonne comme l'annonce dans second round de la « guéguerre » entre Européens et Russes pour la maîtrise et le leadership de cette zone tampon et riche en perspectives économiques. Russes comme Européens ont les moyens de poursuivre « l'affrontement ». Reste le temps de calvaire que devront vivre les peuples de ces ex-républiques soviétiques avant de goûter, vraiment, à l'abondance et la liberté.