La précipitation est mauvaise conseillère. Identifier les causes de l'impasse politique que traverse, de toute évidence, le pays, les sérier, proposer des clés dans le cadre d'une stratégie qui sera le guide d'un programme de gouvernement, tout cela est parfait. Sauf que le chemin pour les résoudre bute sur la ceinture de forts élevés par le pouvoir, reliés entre eux par des murs que rien ne fera voler en éclats pour investir la citadelle sans coup de force militaire. Or, de cela, personne n'en veut. Ni les civils, ni l'armée. A juste raison. Que reste-t-il donc à faire ? Pour chaque parti, il reste à faire ce qui n'a pas encore été fait : le travail de fond, la mobilisation, le réseau serré à travers le pays. C'est ce qui manque douloureusement à chaque composant de cette coalition. Mon confrère B. Djilali écrivait, dans le quotidien « Liberté » : « La Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) a repris ses activités après une brève trêve en rendant publique la plateforme de transition qui contient ses propositions ». Et quelles étaient donc les conclusions de fond ? Il répond : Cela passe par une phase constituée de quatre axes, à savoir un gouvernement du consensus national, une instance indépendante et permanente pour organiser des élections, une Constitution qui consacre le véritable consensus et enfin le contact constant avec les composantes du peuple. Tout en cela dit en huit pages, nous apprend-on. Franchement, je pensais qu'une analyse des causes, des effets et les clés pour déverrouiller le pays auraient mérité plus que ces quelques centaines de mots. Autant dire que les dirigeants composant cette honorable assemblée ont tout faux. Ils auraient tout juste s'ils renversaient la séquence. En fait, leur réunion du 10 juin dernier devant la boule de cristal, et le jeûne, pour certains salutaires, imposé par le Ramadhan, n'ont pas produit les effets escomptés après les premiers échanges. N'est pas prophète qui veut pour clamer des vérités au sortir de privations dans une caverne. Le temps, le temps, le temps. Ils sont pressés de prendre le pouvoir, en exagérant à peine, contre le peuple puisqu'il n'est pas à l'origine du mouvement. Ne souscrit à aucune médication puisque l'ordonnance est blanche. Le pouvoir actuel a pour lui de s'appuyer sur un parti moribond. L'opposition s'appuie, elle, sur des ersatz de FLN parce que les dirigeants n'ont pas pris le temps d'instiller une culture politique prenant pour base - comme nous le soulignions et comme ils le proclament, heureusement - les principes éternels du 1er Novembre 1954 pour en faire une force de proposition, un projet de vie, de structures, d'institutions pérennes. A défaut de cela, l'opposition reprend à son compte un catalogue unanimiste qui ne dégage pas de vision. Elle cherche la foule, tente de flatter le plus large spectre possible, cherche à ratisser large pour aboutir, demain, à des querelles de pouvoir. En clair, je ne vois pas de ligne politique tranchée. Le citoyen va être à la ramasse, comme on dit de nos jours. Entre celui qui donne - parce que pour le moment il en a le moyen - et celui qui promet - sans dire si les moyens de sa politique seront présents à l'appel -le choix est vite fait. Alors on tournera en rond. Longtemps. Des « génies », en manque de lampe pour les éclairer, demandent, dans l'obscurité totale, l'application de la Constitution, principalement l'article 88 sur les conditions de la destitution du président de la République. Chiche, pourrait-on leur rétorquer. Faites la voter. Vous n'avez pas la majorité requise au Parlement ? On vous l'a dit. Il faut commencer par là. Pourtant, l'occasion est belle pour confronter le projet du pouvoir en place avec celui des prétendants à la gestion du pays. Un jour, quand ils en auront un et lorsqu'ils disposeront d'un appareil pour convaincre et mobiliser. Cela se pratique. Les Britanniques appellent cette équipe un « gouvernement fantôme ». En face de tout ministre en exercice, un autre « ministre » de l'opposition qui, en s'entourant d'experts, en se dotant de moyens de populariser ses idées et ses orientations, donnera le change. Sans approximation. Sans « il n'y a qu'à ». Les contre-propositions, jusqu'à ce jour, sont l'exclusivité de la presse. Elles sont enterrées quand d'autres nouvelles anxiogènes surgissent du fait de la mouvante actualité. Le pouvoir des mots peut faire bouger des montagnes, quand il se conjugue dans la vision. Mais il peut être également un somnifère, un calmant. « C'est bien dit », lit-on dans le courrier des lectures. Mais encore ? Que faire avec ces matériaux, en dehors des invectives et des anathèmes ? On peut rêver d'une multiplication de pétitions citoyennes, organisées par des associations, pour faire bouger les lignes des partis, créant de multiples mini-tsunamis et, par-delà, le recul des caciques incompétents. Les partis d'opposition s'en nourriraient. La base de la pyramide en serait renforcée. Il y aura bien des hommes, neufs - issus de ces cabinets fantômes - qui finiront par se distinguer pour surfer sur ces vagues. Dans le pur respect des lois d'une société démocratique et des valeurs de Novembre. Pour ajuster les prétentions, consolider les idées, avancer vers un texte fondateur, une constitution. Le sommet de la pyramide.