Après le Mali la Libye, serions-nous tentés de dire à la lumière des propos du ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui a appelé la communauté internationale à se mobiliser derrière la France. Dans un entretien accordé au quotidien français «Le Figaro», il a évoqué, pour la première fois, la possibilité d'une intervention militaire française sur le territoire libyen, estimant que le dispositif militaire français au Mali pourrait être amené à «monter vers la frontière libyenne». «Serval», puis rebaptisé «Barkhane», le dispositif militaire prévoit la présence, pour une durée indéterminée, de trois mille soldats français dans et autour du Sahel saharien. Outre la région du Sahel, «Barkhane» s'étendra à la Guinée-Bissau étalant du coup la présence militaire française de la Corne de l'Afrique à la capitale Bissau. Le nouveau gendarme de l'Afrique disposera, en outre, de bases au Tchad, en Mauritanie, au Niger, au Burkina Faso et au Mali. Fort de ce contingent, Paris met en place les premiers jalons «diplomatiques» pour préparer cette intervention en mobilisant «la communauté internationale». Par cette dernière, Le Drian fait allusion à Bruxelles dont il devait rencontrer ses homologues, hier, à Milan, ainsi que la saisine de l'Assemblée générale des Nations unies. Paris brandit la menace «djihadiste» appelant à «une opération militaire de grande ampleur» pour libérer la Libye et mettant en avant le danger qui plane sur «le processus politique démocratique» entamé par «la dégradation de la situation sécuritaire». Evoquant plus particulièrement le sud libyen, il le comparera à un terminal où viennent s'approvisionner les groupes terroristes «y compris en armes», et de citer l'émir Droudkel ou Mokhtar Belmokhtar, qui «y transitent régulièrement». Le ministre français accuse également ces groupes de se financer par le biais de trafic d'êtres humains en direction de l'Europe à bord d'embarcations. Le Drian insiste par ailleurs sur la collaboration d'Alger. « Tout cela se fait en bonne intelligence avec les Algériens qui sont des acteurs majeurs de cette région et dont c'est aussi l'intérêt», assure Le Drian. Une implication d'Alger qui surprend lorsqu'on connaît l'insistance des Algériens à refuser toute implication étrangère en Libye. En août dernier, depuis Washington, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait réaffirmé la ferme intention de l'Algérie de ne pas intervenir militairement en Libye faisant prévaloir la constitution algérienne «qui interdit à nos troupes de traverser les frontières». Alger avait de nouveau affiché clairement sa position vis-à-vis du dossier sécuritaire libyen en prônant la voie du dialogue pour en terminer avec les violences armées qui minent ce pays depuis la chute de Kadhafi. Et cette sortie de crise, Alger la voit indéniablement dans la mise en place d'un gouvernement de consensus avec l'aide des pays limitrophes. Lors de la rencontre des ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye, les 27 et 28 mai à Alger, le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, avait indiqué pour sa part que la Libye a besoin du soutien des pays voisins pour régler ses problèmes internes «sans interférence étrangère». Quant à une quelconque intervention militaire extérieure, M. Sellal sera clair sur cette question affirmant ne pas accepter «d'interventions étrangères à nos frontières» quand on connaît les conséquences de l'intervention de l'Otan en Libye sur instigation française et qui a conduit ce pays dans l'impasse. «Une intervention étrangère : on sait quand elle démarre mais on ne sait pas quand elle se termine», expliquera-t-il soulignant les risques de déstabilisation de la région en réponse aux velléités américaines d'intervenir militairement en Libye. Une approche partagée par les pays arabes puisque le Conseil des ministres arabes des Affaires étrangères qui s'est tenu ce lundi au Caire, a souligné la nécessité d'encourager tous les Libyens à lancer un dialogue national inclusif pour trouver un règlement politique consensuel qui préserve la sécurité, la stabilité, l'unité et la souveraineté de la Libye, une initiative prise par l'Algérie en marge de la réunion ministérielle du Mouvement des non-alignés en mai 2014. Reste maintenant à savoir sur quelles bases communes aura lieu la coopération algérienne avec Paris concernant une éventuelle intervention militaire française en Libye? Mme Hélène Le Gall, conseillère Afrique de François Hollande, était en Algérie en août dernier où elle a eu des discussions avec le ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, sur notamment les développements de la situation en Libye. Et selon le journal électronique TSA, reprenant des sources diplomatiques algériennes et françaises, le chef d'état-major de l'armée française, le général Pierre de Villiers, est attendu ce samedi à Alger pour une visite de travail. Il ne faut pas être clerc pour deviner l'ordre du jour qui doit certainement s'articuler sur la situation sécuritaire dans la région du Sahel et particulièrement en Libye.