La publication aujourd'hui du premier rapport d'enquête sur le crash du vol AH5017 d'Air Algérie, qui s'est abîmé le 24 juillet dernier dans le désert malien, avec 116 personnes à bord, devrait confirmer l'avis de spécialistes qui annonçaient, au lendemain même du drame, des investigations «longues et difficiles». D'après les bribes d'informations distillées dans des médias français, le rapport de l'enquête peut paraître peu consistant, particulièrement pour les familles des victimes qui attendent surtout les résultats du travail d'identification des 116 passagers. Officiellement, annonce-t-on à ce propos, aucun corps n'avait été identifié dans les décombres de l'avion. Ce travail d'analyse a été confié à des experts de la gendarmerie française du laboratoire de l'Institut de recherche criminelle, pour qui la tâche s'annonce extrêmement compliquée. Ce sont près d'un millier de prélèvements effectués sur les lieux du crash, dans la zone de Gossi, à environ 100 km de Gao, la plus grande ville du nord malien, qui ont été expédiés dans ce laboratoire de la région parisienne. Les experts entameront ainsi un travail très minutieux pour extraire l'ADN. Et pour y parvenir, «les scientifiques exploitent tous les indices à leur disposition, et permettant l'identification des victimes, un fragment d'os, une dent ou même une tâche de sang font l'objet de test ADN, car aucun corps n'a été retrouvé intact», explique-t-on. «Je ne pense pas qu'on puisse reconstituer les corps, ils ont été éparpillés, dispersés. Je ne suis pas sûr qu'on puisse en retrouver certains», avait prévenu à ce propos le chef d'état-major particulier du président burkinabè, le général Gilbert Diendiéré. Se fiant aux effets d'annonces médiatiques, le rapport n'apporterait absolument rien de nouveau en matière d'identification des victimes. Pareil pour les causes techniques. Les premiers résultats de l'enquête sur le crash de l'avion, affrété par Air Algérie auprès de Swiftair, que s'apprête à dévoiler aujourd'hui le bureau français d'enquête et d'analyse (BEA), chargé par les autorités maliennes de mener les investigations techniques, devraient confirmer ce qui a été déjà dit à ce sujet. Pour rappel, dès le 7 août dernier, le BEA avait indiqué que l'avion, un McDonnell Douglas MD-83, avait été pulvérisé à son impact au sol après avoir perdu de la vitesse et viré à gauche «pour une raison indéterminée» alors qu'il traversait une zone orageuse. Le BEA avait également révélé que les enregistrements des conversations de l'équipage étaient «inexploitables», l'enregistreur phonique ayant été endommagé par les conditions d'impact, mais les enquêteurs devaient tenter de reconstituer ces enregistrements qui permettraient de comprendre la réaction et les actions de l'équipage. Sur ce point, les spécialistes se douteraient aussi qu'on puisse reconstituer rapidement les enregistrements en question, et donner des détails sur les conversations dans le cockpit avant le crash de l'avion, vu l'état de dégradation de la seconde boîte. Ce qui n'est pas le cas de la première boîte noire, d'où les enquêteurs du BEA ont pu facilement extraire les données de l'enregistreur de paramètres. On précisera dans ce sens que les paramètres du vol AH5017 d'Air Algérie (vitesse, altitude, trajectoire, etc.), ont été extraits de la boîte noire, selon une information des enquêteurs français, renforcés dans leur mission par des experts maliens, espagnols, algériens, ainsi que des américains, nationalité du fabricant de l'avion. Est-il encore trop tôt pour faire la moindre hypothèse sur la cause de l'accident ? La présentation officielle du rapport d'étape, qui aura lieu aujourd'hui à Bamako, devrait en toute logique privilégier la piste des mauvaises conditions météorologiques, mais en attendant de déchiffrer les dernières conversations dans le cockpit, cela ne sera qu'une piste parmi d'autres. Notons que le BEA mène une enquête technique dont le but est d'améliorer la sécurité aérienne, mais son rapport sera déterminant pour fixer les responsabilités pénales, qui sont, elles, du ressort de la justice (des informations judiciaires ont été ouvertes, au Mali, en Algérie, en France et au Burkina Faso). Les autorités algériennes demeurent encore dans l'expectative, à la veille de la présentation du premier rapport d'enquête. Agacées par les déclarations du Président français, qui avait annoncé une évacuation de tous les corps vers Paris, ainsi que d'autres signes mis en avant de la scène par l'Elysée et visant une exploitation politique et économique de la catastrophe aérienne. Profitant d'une certaine supériorité sur le terrain d'un pays où la France est déployée militairement depuis janvier 2013, comptant actuellement «environ 1.600 hommes» au Mali, ainsi qu'une avancée technique indiscutable sur tous les pays directement impliqués dans l'enquête, en l'occurrence le Burkina Faso, le Mali et l'Algérie, la France a voulu imprégner son rythme propre à l'enquête. Bien sûr, tout est rentré dans l'ordre, et l'on ne parlait ensuite que de «collaboration étroite» entre les pays concernés après le passage de ce nuage sur les relations bilatérales, mais à Alger «on suit de près l'évolution de l'enquête» et l'on se tient toujours à la règle de la prudence. «Il ne faut préjuger de rien, puisque dans quelques jours, soit le 20 septembre, on aura quelques éléments sur ce crash», avait récemment résumé ce sentiment le PDG de la compagnie Air Algérie. Pour le moment, Air Algérie indique dans un communiqué, rendu public jeudi dernier, qu'elle envisage d'organiser une «cérémonie multireligieuse» d'ici la fin de l'année à la mémoire des passagers décédés dans le tragique accident d'avion survenu le 24 juillet au Mali. «Cette cérémonie se déroulera en présence de toutes les familles qui le souhaitent, toutes nationalités confondues», a précisé Air Algérie qui a adressé de nouveau ses «très sincères condoléances» aux familles et proches des victimes, dont l'indemnisation est concrètement prise en charge par la compagnie d'assurance CAAR avec une compagnie de réassurance à l'étranger.