Vendredi dernier à Washington, dans un échange avec le secrétaire d'Etat amé-ricain, John Kerry, le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, soulignait que l'Algérie était l'un des rares pays à avoir défait le terrorisme et qu'elle jouit aujourd'hui d'un «niveau très raisonnable de sécurité et de tranquillité». L'enlèvement d'un ressortissant français en Kabylie ne remet pas en cause ce constat «globalisant» des autorités sur l'amélioration de la situation sécuritaire dans le pays. La comparaison entre les décennies ne permet pas d'en douter. Mais l'enlèvement d'un ressortissant étranger dans un contexte de guerre contre le «califat» du «Daech» a, c'est la loi du genre, un impact et une résonance qui affectent l'image du pays. Les autorités auront beau démontrer que le pays est tranquillisé, ces zones d'activité persistante des groupes armés ont beau être très réduites, elles finissent par déteindre sur le reste dans les médias internationaux. On peut légitimement s'étonner de voir un ressortissant français aller, contre les consignes de sécurité données par son propre pays, dans une région montagneuse qui fait partie justement de ces zones d'activité terroriste persistante. On sera encore plus surpris de lire sur le compte Facebook de Hervé Gourdel désormais désactivé et remplacé par de nombreuses pages de soutien l'annonce qu'il allait se rendre dans le Djurdjura. Ses amis algériens ont, eux aussi, fait preuve d'une terrible légèreté dans l'appréciation du risque alors que la zone où ils se trouvaient est des plus dangereuses. L'Etat n'est pour rien dans cette incroyable prise de risque mais il doit en subir et gérer l'impact. Même si l'Algérie a atteint un «niveau très raisonnable de sécurité et de tranquillité» l'enlèvement de M. Hervé Gourdel et le sort qui lui sera réservé le pessimisme est de mise vont peser. Alors que l'armée algérienne essayait de retrouver l'otage français, les responsables algériens ont choisi de ne pas s'exprimer sur le sujet. Ce sont des sources sécuritaires qui parlent en «off» en laissant entendre que les chances de retrouver l'otage français étaient minimes. Le terrain est compliqué et rend difficiles les recherches. Le chef présumé de ce groupe des «Soldats du Khilafa» (Jund Al-Khilafa) serait, selon ces sources, totalement hermétique à l'idée d'un dialogue ou d'une négociation. L'exigence adressée à l'Etat français arrêter de participer aux opérations de la coalition menée par les Etats-Unis contre Daech en Syrie et en Irak est formulée de manière à n'obtenir qu'une fin de non-recevoir. Qui est venue de la bouche du Premier ministre français, Manuel Valls, affirmant que la France n'engagera «aucune discussion, aucune négociation» avec les ravisseurs d'Hervé Gourdel. Cela va dans le sens des positions traditionnelles du pouvoir algérien mais cela ne réduit pas l'impact de l'évènement. Tous les éléments qui relativisent la responsabilité de l'Etat restent limités par la question qui revient sans cesse sur les raisons de la persistance du terrorisme en Kabylie. Et pour beaucoup, même s'ils ne nient pas son importance, le relief de la région n'est pas le facteur le plus décisif. Peut-être que le pouvoir est trop enfermé dans ses propres logiques au point de ne pas voir qu'un «niveau très raisonnable de sécurité» a besoin d'un niveau plus que «raisonnable» de politique et de participation aux affaires de la cité ?