Six mois après l'élection présidentielle du 17 avril, Ali Benflis, le principal rival du président Abdelaziz Bouteflika, revient avec son «livre blanc», rendu public hier, pour dénoncer «la fraude électorale généralisée», «la vacance présidentielle qui paralyse les institutions de l'Etat» et le «système héritier». Il dit mesurer ses mots en affirmant, lors de la présentation de son «livre blanc» sur la fraude, devant les médias, que «l'Algérie est sortie de la décennie noire pour entamer la décennie de la vacance du pouvoir». Ses arguments : «une dizaine d'ambassadeurs étrangers n'ont pas eu leur accréditation». Ali Benflis a évoqué également «la paralysie de l'APN». Une si importante institution qui se trouve paralysée par le nombre limité de la tenue des Conseils des ministres, qui en principe donnent de la matière au parlementaire pour travailler, débattre et proposer des modifications sur les projets de lois. Le candidat à la présidentielle s'est dit étonné par le fait qu'on annonce un Conseil des ministres comme un grand évènement, alors que dans les pays voisins et dans les pays occidentaux le Conseil des ministres se tient pratiquement chaque semaine. Il a également affirmé que le Parlement est aussi paralysé par l'absence de la démocratie qui encourage les parlementaires à faire des propositions sur des projets de loi. Le conférencier défie quiconque de prouver le contraire sur la vacance présidentielle. «Le président ne fait pas de déplacement à l'étranger, il reçoit rarement des officiels étrangers», a-t-il précisé. Ali Benflis est revenu sur l'élection présidentielle et particulièrement sur la fraude électorale soigneusement décortiquée dans son livre blanc. Une fraude qui a commencé, selon lui, avant la convocation du corps électoral et qui a tenu la route jusqu'à l'annonce des résultats des élections. Pour Ali Benflis, «la fraude s'est enracinée et s'est généralisée dans nos institutions». Pis, il considère qu'elle est devenue à elle seule une véritable institution, faussant ainsi la compétition politique. Le conférencier a relevé les obstacles majeurs auxquels le projet de «livre blanc» a été confronté de manière systématique et continue. Le premier obstacle, selon Ali Benflis, est la crainte compréhensible des représailles. Il précise qu'il n'était pas possible de faire état de tous les témoignages recueillis bien évidemment en désignant leur auteurs, et ce pour préserver ces personnes des «châtiments les plus sévères, doux ou les plus brutaux». Le second obstacle, c'est la loi de l'Omerta. «Des centaines et des milliers d'élus et d'agents servent ce système et contribuent volontairement ou involontairement à cette fraude qui opère dans un système organisé, sans vouloir ou pouvoir dénoncer». Benflis a parlé également de l'opacité qui caractérise notre processus électoral, notamment sur la publicité des fichiers électoraux. Le conférencier précise dans son intervention que dans tous les pays du monde, la publicité des fichiers électoraux est d'une banalité affligeante, ils sont accessibles à tous. «Sauf, chez nous, je ne sais pour quelle perversion des esprits, ils participent de la souveraineté nationale et de la sécurité de l'Etat». Autrement dit, le fichier électoral est un secret d'Etat. Benflis a fait état d'entraves rencontrées dans la publication de ce livre. Il affirme que ce livre n'a pas été publié dans les règles de l'art ( absence de la date d'impression et le nom de la maison d'édition). Le nombre des exemplaires sortis n'atteint même pas les 200, selon les membres de la direction de campagne du candidat Ali Benflis. Ali Benflis a écrit dans son livre : « Je n'ai pas été battu par le suffrage populaire et je n'ai pas échoué dans une compétition électorale honnête et loyale». Il poursuit : «mon échec a été préparé, planifié et organisé pour une coalition qui porte trois noms : la fraude, l'argent douteux et certains relais médiatiques inféodés aux puissances détentrices de cet argent douteux ». Benflis a reconnu que ce «livre blanc» est loin de lever le voile sur toutes les faces cachées de la fraude. Il a reconnu en outre, que le livre n'est pas une révolution, mais c'est un livre qui a été conçu pour dire «Assez !». Assez à la fraude ! La fraude qui prive les institutions républicaines de leur représentativité et de leur légitimité.