C'est un Ali Benflis qui ne mâche ses mots, confiant et sûr de lui, qui est venu dénoncer la mascarade électorale, hier devant ses partisans et la presse nationale et internationale, à son QG de campagne, peu de temps après l'annonce officielle des résultats du scrutin par le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Tayeb Belaïz. Le candidat, qui ne reconnaît pas ces résultats, annonce sans ambages qu'«il n'y a pas eu d'élection, même Staline n'a pas eu ces scores». «Il ne faut pas se voiler la face», dit-il. «Ce dont il s'est agi ce 17 avril est une répartition administrative des suffrages entre les candidats à l'élection présidentielle.» «A sa discrétion et selon ses préférences, le régime en place a gratifié ou pénalisé les candidatures présentes à ce scrutin», explique Ali Benflis d'un ton fort et d'un verbe incisif. Pour lui, son «échec a été préparé, planifié et organisé par une coalition qui porte trois noms : la fraude, l'argent douteux et certains relais médiatiques inféodés aux puissances détentrices de cet argent douteux». Ali Benflis considère que la principale victime de «cette grande forfaiture du 17 avril est le peuple algérien qui a vu sa voix, son choix et sa volonté faire l'objet d'un détournement aussi irresponsable et tellement contraire aux valeurs les plus élémentaires de l'éthique politique». Selon lui, la fraude qui s'est manifestée de «manière éclatante dans cette soirée du 17 avril a été préméditée et programmée de longue date». «Le gouvernement, souligne-t-il, a été reconfiguré pour que les portefeuilles en charge directe de l'organisation de l'élection présidentielle soient attribués aux proches parmi les proches du candidat du régime en place.» C'est le Premier ministre, «président de la Commission nationale de l'organisation de l'élection présidentielle, qui présente la candidature du candidat du régime en place au lieu et place de l'intéressé lui-même et qui deviendra le directeur de sa campagne», indique Ali Benflis, ajoutant que «tout le gouvernement a été ‘ravalé' au rang peu honorable de comité de soutien du candidat du régime». Pour lui, «le Conseil constitutionnel n'a pas assumé ses missions et ce faisant a commis une forfaiture». «Une candidature manifestement irrecevable a été entérinée par ses soins sans aucun égard pour notre Constitution et nos lois», explique l'orateur qui estime que la fraude «est le vecteur d'une légitimité faussée». «La volonté populaire leur importe peu, et le citoyen, ils le tiennent pour négligeable», tonne Ali Benflis qui considère que la fraude incarne le sommet de «la malfaisance politique». Elle représente, selon lui, «l'obstacle majeur auquel est confrontée l'alternative démocratique». «Le régime a conduit le pays à l'impasse, il n'y a pas eu d'élection» L'ancien chef de gouvernement pense en effet que «la lutte contre la fraude devra impérativement passer par un ressaisissement de toutes les forces politiques et sociales qui viendra rappeler à tous ceux qui fraudent, faussent ou trichent que la volonté populaire importe, que la voix citoyenne compte et que la libre expression démocratique est une exigence». Rappelant encore que «le scrutin de jeudi n'en était pas un, et que c'est la fraude qui a parlé au moment où le peuple algérien était bâillonné», le candidat, qui ne reconnaît pas les résultats, s'engage à «les contester par toutes les voies politiques et légales». Ali Benflis n'y va pas avec le dos de la cuiller contre «le vainqueur de la forfaiture de jeudi». Selon lui, «le bénéficiaire de cette fraude est au vu et au su de tout le monde dans l'incapacité d'assumer les hautes charges nationales». «C'est donc, précise-t-il, une gestion par procuration de la République que notre pays et notre peuple vont désormais connaître». «Cette situation inédite est d'une gravité extrême», estime l'orateur qui pense qu'«elle n'est ni acceptable ni tolérable». Elle exige, selon lui, «une réaction patriotique de toutes les forces politiques et sociales soucieuses des intérêts vitaux de notre grand peuple et de notre grand pays». Ali Benflis appelle en effet à «un grand rassemblement patriotique au service de la République». Le candidat dit être animé par «quatre convictions essentielles : le système politique algérien a conduit le pays à l'impasse totale, il a fait encore la démonstration irréfutable de son incapacité à faire sa propre mue, le changement ne viendra qu'en dehors de ce système et enfin l'alternative démocratique devra être consensuelle, ordonnée et pacifique». Ali Benflis, qui a la ferme conviction aussi que son projet politique a bénéficié «d'une vaste mobilisation populaire», invite ses partisans, ses soutiens et sympathisants à «rester mobilisés et solidaires pour un nouveau combat politique». Ce combat commun exige, selon lui, «du courage, de la détermination et un long souffle». Il s'agirait de la création d'un parti politique. «Je vous annoncerai, bientôt, la forme et le contenu de ce combat politique d'avenir», a conclu Ali Benflis qui a tenu à exhiber les preuves de la fraude qui ont entaché l'élection de ce jeudi : un procès-verbal vierge mais signé destiné à donner des résultats autres que ceux exprimés par les urnes.