Les Tunisiens ont voté, hier, pour tourner, trois ans après la révolution de Jasmin, définitivement, la page de l'ère Benali. Selon des correspondants de presse, ils sont en passe de réussir une grande gageure, au détour des premières élections libres et démocratiques post-Ben Ali. Hier, dimanche, les opérations de vote pour l'élection des 217 députés, d'un nouveau parlement, se sont déroulées, dans une grande ferveur, avec, pratiquement, des bureaux de vote pris d'assaut, bien avant l'ouverture du scrutin, officiellement prévu de 7h00 à 18h00. Les annonces qui avaient, un moment, fait état d'un fort taux d'abstention semblent, en tout cas, selon les premiers échos parvenus des bureaux de vote des 39 circonscriptions électorales, complètement dépassées. Hier à la mi-journée, le taux de participation globale était de 30%, selon un membre de l'ISIE, instance chargée de l'organisation de ce scrutin. A 14h, le taux de participation était de 50% dans les deux circonscriptions de Tunis. Dans le gouvernorat du Kef, près des frontières algériennes, l'affluence dans les bureaux de vote a été remarquable. Dans la circonscription de Zaghouan, le taux de participation était, la mi-journée, de 41%, selon l'ISIE. Dans le gouvernorat de Kebli, le taux de participation était de 25% à 11h, alors qu'à Sfax, dans le centre de la Tunisie, ce taux était de 25 et 30%, pour les deux circonscriptions de ce gouvernorat. L'engouement pour cette consultation, qui aurait été entachée de quelques irrégularités et dépassements, dans certains centres de vote, selon des membres de l'ISIE, a été tel que des habitants du gouvernorat de Sousse manifestent pour avoir une carte d'électeurs. Dimanche matin, ils s'étaient rassemblés devant le local de l'ISIE, à Sousse, pour réclamer leur inscription dans les listes des électeurs et pouvoir voter. Globalement, ces législatives, les premières à être organisées par la Tunisie, si l'on excepte celles pour l'Assemblée constituante qui avait été mise en place pour « faire tourner le pays » après la révolution de Jasmin, se sont déroulées dans une bonne ambiance, même si les 80.000 policiers et militaires déployés, dans tout le pays pour sécuriser ce scrutin montrent que la menace terroriste est réelle. En allant voter dans sa circonscription du Bardo, dans la banlieue huppée de Tunis, le chef de gouvernement provisoire Mehdi Jomaa, a indiqué que les Tunisiens « prendront leur destin en mains et changeront les institutions provisoires, en permanentes», dans ce scrutin. Les Tunisiens «prendront, aujourd'hui, leur destin en mains et changeront les institutions provisoires en permanentes», a-t-il dit, soulignant qu'il s'agit d'une journée «historique tant attendue». Pour Béji Caïd Essebsi, ancien chef de gouvernement et ministre, du temps de Benali, et leader du Mouvement «Nidaa Tounes», seconde grande formation politique du pays et grand favori de ce scrutin, «les échéances électorales de l'année 2014 constituent un pas important vers la stabilité politique et sécuritaire». Il s'est dit «optimiste», considérant que l'expérience tunisienne de transition démocratique a été «difficile» mais a réussi à unir les Tunisiens autour de leur Patrie. Rached Ghannouchi, ancien opposant au régime de Benali et leader du parti (islamiste) Ennahda, estime, quant à lui, que «les Tunisiens sont un peuple civilisé qui mérite la démocratie ». LES GROS BRAS FACE A FACE Par les chiffres, cette consultation, qui va, en fait, déterminer l'avenir politique de la Tunisie, le nombre d'électeurs inscrits est de 5,3 millions, répartis à travers 33 circonscriptions électorales. Ils doivent désigner 217 députés sur les 1.300 listes de candidats, en lice. A l'étranger, les Tunisiens avaient commencé à voter, depuis vendredi. Sont, ainsi, en course 1.327 listes de candidats validées, qui se répartissent en 803 listes de partis, 159 listes de coalitions et 365 listes indépendantes. En outre, 148 têtes de liste sont des femmes, soit 11,26% du total, alors que 90 partis sont partants pour ces législatives, et que 27 partis participent avec une seule liste chacun. Deux principaux partis se partagent, en fait, les voix des 5,3 millions d'électeurs inscrits: le parti islamiste de Rached Ghannouchi, déjà vainqueur des élections pour la Constituante en 2012, et Nidaa Tounès, formé de jeunes et d'anciens cadres du régime déchu de Benali, y compris d'ex-ministres qui se sont recyclés dans l'opposition. Les partis de gauche restent les outsiders de cette consultation, et comptent grignoter du terrain face aux deux grosses formations politiques tunisiennes. Mais, selon des observateurs politiques, avec le morcellement des candidats et des voix, il ne devrait pas y avoir une majorité absolue, pour ce scrutin, et des coalitions ne sont pas à exclure pour désigner autant un chef de gouvernement que le futur président du Parlement. Les tractations, en tout cas, devront se faire sur le terrain de la prochaine présidentielle, prévue le 23 novembre prochain, notamment pour la désignation des «présidentiables» de chaque parti ou groupe de partis. Les résultats de ces législatives ne devraient pas être, communiqués, officiellement, dimanche soir, ni aujourd'hui, dans la matinée, selon l'ISIE.