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Les sciences exactes et humaines sont-elles antagonistes ?
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 20 - 12 - 2014

«Pour se comprendre lui-même, l'homme a besoin d'être compris par un autre. Pour être compris par un autre, il lui faut comprendre cet autre». Hora Thomas
Récemment, l'auteur a participé aux journées d'étude : «Quelles missions assignées aux sciences sociales et humaines en Algérie ? » qui ont eu lieu le dimanche 7 et lundi 8 décembre 2014 à l'Université de Msila. Le laboratoire d'études historique, sociologique et des changements socio-économiques du Professeur Ahmed Rouadjia, initiateur et organisateur, était le lieu d'accueil de cette manifestation scientifique. Le but du directeur du laboratoire était de démontrer que les sciences humaines et les sciences exactes ne sont pas antagonistes mais au contraire elles sont complémentaires. Une symbiose, une interaction, une entente, une collaboration étroite, une complémentarité doivent exister entre ces deux sciences qualifiées respectivement par « sciences molles » et de « sciences dures ». Avec la mondialisation, les communications avec l'extérieur du pays, les orientations politiques du pays veulent que plus d'importance soit donnée aux sciences exactes. Les sciences humaines brassent le plus grand nombre d'étudiants et forcément n'offrent que le plus petit nombre de débouchés. Même les sciences exactes ne contribuent pas à pourvoir suffisamment de postes de travail pour les nouveaux diplômés, sauf des postes de travail crées dans les multiples services informatiques via Internet. L'économie de bazar ne crée pas de l'emploi, ce sont les usines, les hauts fourneaux, les domaines agricoles, les minoteries, les ateliers manufacturiers, les chantiers de constructions, qui le font et brasseront des masses de travailleurs.
1. LES CHERCHEURS EN SCIENCES HUMAINES
Dans les pays développés, les sciences humaines n'étaient pas dénuées ou dépourvues de mathématiques, de physique, de chimie ou d'informatique. Les mathématiques « discrètes » trouvaient un champ d'investigation très ouvert en sciences sociales et en psychologie. En effet, la théorie des graphes est très présente par la représentation des états d'un individu ou des individus ou d'une nation par des objets appelés les sommets d'un graphe. Les liaisons entre les individus sont représentées par des arcs ou arêtes d'un graphe. Des valeurs peuvent être attribuées à ces relations entre les individus ou valeurs des arcs. Toute cette théorie des graphes, avec ses résultats très récents et ses développements fulgurants peuvent être d'un grand apport pour au moins ces spécialités de sociologie et psychologie. Des équipes de recherche en théorie des graphes d'un niveau scientifique de renommée mondiale existent en Algérie. L'équipe de théorie des graphes du laboratoire LAMDA-RO de l'université Saad Dahlab de Blida peut contribuer à nouer des relations et à ériger un pont qui doit exister pour l'épanouissement des trois spécialités. Pour résoudre leurs problèmes scientifiquement, la sociologie et la psychologie trouveront des outils mathématiques rigoureux et puissants dans la théorie des graphes. La théorie des graphes trouvera des champs d'application pour son développement et ses recherches théoriques. Pour ne citer qu'une école française, certes de stratégies globales, l'école des hautes études en sciences sociales, du boulevard Raspail à Paris, dispose d'une ou de plusieurs équipes de mathématiques « discrètes ». Pour étudier les relations de type hiérarchiques entre les individus, l' «algèbre des ordres et des relations » est indispensable pour le développement de la recherche scientifique du troisième cycle. En Algérie, la géographie est une spécialité qu'on n'arrive pas à la situer ni en sciences exactes ni en sciences humaines. L'Institut de géographie de France, utilise dans ses trois cycles des études beaucoup d'analyse mathématique. Presque aucun géographe ou étudiant de cette spécialité ne sait représenter une montagne sur un plan en faisant des projections stéréographiques, en étudiant les courbes de niveau associées etc. Aucun étudiant de géographie ne connait la trigonométrie sphérique... puisque même des étudiants de mathématiques ne le savent pas. Les étudiants ne savent définir une montagne que par…Une montagne et sous forme de mamelons… etc. La géographie peut faire appelle à la « physique du globe ». En économie, presque aucun étudiant ne connait le fameux « théorème de Brouwer » appelé aussi théorème du « point fixe ». Le problème économique consiste à déterminer un état ou une situation d'une économie « x » tel que f(x) = x où « f » représente, par exemple, une austérité économique. f(x) = x, signifie que la population ou la ménagère ne doit pas ressentir ou subir cette austérité. Réciproquement, on peut s'intéresser au problème dual où l'on cherche l'existence d'une fonction économique f, tel que si on est dans un état « x » et l'on applique cette fonction économique de détérioration f, l'état « x » reste inchangé et ne subit pas de changement ou encore f(x) = x. Comme une vie, économique ou sociale, est un processus qui évolue dans le temps, la théorie des « processus stochastiques » trouveront sûrement des applications dans cette spécialité. De nos jours, en musique, tous les instruments peuvent être reliés à un micro-ordinateur. L'amélioration des rythmes musicaux se jouent sur le choix des longueurs d'ondes. Si le musicologue n'a jamais étudié la « physique ondulatoire » et ne sait pas déterminer ces longueurs, comment peut-il scientifiquement améliorer ses tempos… ?
En archéologie, une spécialité des sciences humaines, celle qui étudie les anciennes populations, dans leurs découvertes, les chercheurs ou les étudiants utilisent normalement la datation au Carbone 14, un carbone radioactif. Si le chercheur n'a aucune notion de la chimie minérale, de la radioactivité et du tableau de Mendel, comment peut-il réaliser ces datations et parler de l'existence d'une pièce archéologique qui remonte jusqu'à des millions d'années dans le passé ? En sciences islamiques, le Coran, la Sunna, ont été scannés et mis sous forme de logiciels conviviaux et facile à utiliser. Ces logiciels constituent sûrement des outils de recherche. Combien de Sourras, de Ayyas ou verset, commencent par la lettre « Aliphe, baa.. » etc. Si l'étudiant ou le chercheur n'a aucune notion de la micro-informatique, comment peut-il évoluer supérieurement ? Il est impératif pour que les étudiants de cette spécialité maitrisent les logiciels. De même pour les autres spécialités telle l'histoire, la littérature, la pédagogie, etc.
2. LES CHERCHEURS DES SCIENCES EXACTES
Abu al-Walid Muhammed ibn Rushd, dit Averoès a rappelé aux mathématiciens que : Même s'il arrive que la raison conduise à des erreurs, interdire de raisonner à cause de ces erreurs reviendrait à faire mourir les gens de soif sous prétexte que certains se sont noyés. Descartes différencie une morale provisoire et une morale définitive, et soutient que le progrès de la science bénéficie à la morale. L'arme atomique a mené à la négation des Droits de l'Homme qui fondent les démocraties ou à la destruction de l'humanité. Les physiciens et chimistes ne sont-ils pas tenus d'avoir, socialement et historiquement, des vertus pour défendre et orienter leurs recherches vers des spécialités humaines et non destructrices de populations ? Confectionner une bombe à neutrons ou atomique constitue une menace pour l'humanité. Les mathématiciens et les informaticiens doivent être initiés aux sciences humaines auxquelles ils sont appelés respectivement à modéliser et à développer des logiciels commerciaux ou pédagogiques, des outils utilisateurs à grande échelle, etc. La valeur réelle de la recherche scientifique acquise dépend du signe moral, social, humain qui lui est attaché, de même qu'une quantité mathématique dépend du signe algébrique, positif ou négatif, qui lui est associé. Gandhi, par contre, subordonne tout progrès scientifique ou technique au contrôle de la morale. Tout progrès scientifique ou technique qui n'est pas accompagné d'un progrès social et spirituel est une déformation vicieuse de notre capacité intellectuelle. Tenter de résoudre un problème par une avancée de la technique plutôt que par un progrès social et spirituel, conduit à déplacer ce problème dans l'espace ou dans le temps. La technocratie, un système où les techniciens ont une influence prépondérante, ne peut engendrer une société où l'être humain est pleinement épanoui. La prépondérance du matériel sur l'humain aboutit à des aberrations à tous les niveaux de la société. On nous fait manger du pétrole en « beefsteak » et on fait rouler des véhicules avec du carburant produit avec des végétaux qui pourraient être consommés [1]. L'approche exclusivement scientifique ou économique des problèmes de société est fondamentalement erronée.
3. L'HEGEMONIE DES MATHEMATIQUES DANS TOUS LES PALIERS DE L'ENSEIGNEMENT
L'hégémonie des mathématiques dans l'enseignement et les institutions universitaires du vingtième siècle était constatée. En effet selon Léon Brillouin, physicien, ayant fait carrière aux USA a dit: « Dès qu'une chaire de mathématiques appliquées, la physique théorique, était crée, elle était attribuée à quelqu'un qui, dans un premier temps, faisait réellement un cours de mathématiques appliquées ; mais très vite, le cours évoluait vers les mathématiques pures et la chaire, au tour suivant, revenait à un mathématicien pur. Tous les cinq ou dix ans, on créait une chaire de mathématiques appliquées qui invariablement, au bout de cinq ou dix ans, se transformait en chaire de mathématiques pures. ». [2] Un autre témoignage est donné par Henri Bouasse, un ultra de la physique en révolte ouverte contre les mathématiciens a dit que : « Depuis cinquante ans, les mathématiciens s'abattent sur notre malheureuse Université comme une armée de criquets néfastes et encombrants. On n'a même pas la satisfaction de les manger au court-bouillon comme les criquets d'Algérie (sic)…Les mathématiciens sont dangereux parce qu'on les met là où ils n'ont que faire, parce qu'ils occupent une place éminente dans la collection d'abrutis qui dirige notre malheureuse Université… Les mathématiciens gâchent tout, le mathématicien a le réel en horreur : l'abstraction et la généralisation sont les idoles auxquelles il sacrifie le bon sens… Des sciences de la nature, le mathématicien ne connait que les équations… Je ne les attaquerais pas s'ils restaient dans leur coin à peloter (sic) leurs équations ; mais je n'admets pas qu'enseignant aux Ecoles polytechnique et centrale, ils déforment à jamais le cerveau de leurs auditeurs. ».
CONCLUSION
Les laboratoires doivent organiser des journées d'études ou des conférences pour montrer que l'université algérienne produit de la science sous forme d'articles scientifiques à communiquer, de livres élaborés, de démonstrations, de logiciels confectionnés, de théories élaborées etc. Le public doit être formé des étudiants de tous cycles confondus, de responsables des universités et du ministère MESRS, de chercheurs, de curieux et d'exposants. Au niveau supérieur des études, de l'ordre du troisième cycle, toutes les spécialités des sciences humaines ou sciences exactes convergent et se modélisent mathématiquement ou font appelle à la mathématique et à l'informatique sur les gros ordinateurs ou la micro-informatique pour les problèmes qui ne demandent pas ou n'exigent pas un calcul ardu. Selon les aveux de certains chercheurs en sciences humaines, ce n'est que lors de l'élaboration des nouveaux programmes des études en LMD, que beaucoup de modules des sciences exactes ont été occultés, modules censés être durs pour les dispenser ou pour les comprendre. Les philosophes proprement dits, des spécialistes en sciences humaines, sont des gens qui commandent, des législateurs. Leur connaissance est création, leur création est légifération, leur volonté de vérité est volonté de puissance. Y a-t-il aujourd'hui de tels philosophes ? [3]
* Universitaire
Références
[1] Mohandas Karamchand Gandhi. UNTO THIS LAST -UNE PARAPHRASE (1910). Traduction de Yann Forget suivi de LES OUVRIERS DE LA DERNIÈRE HEURE. Mémoire de philosophie de Yann Forget. 1993.
[2] Science & Vie, Hors Série, N ̈166-Mars 1989. 200 ans de science, 1789-1989, p. 210.
[3] Nietzsche. Ainsi parlait Zarathoustra. Traduction et présentation par G-A Goldschimdt. Le livre de poche, Librairie Générale Française, 1972, p.XXXIII.


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