Avec les proclamations d'allégeance qu'elle a reçues de milices et groupes armés libyens, l'organisation terroriste de l'Etat islamique a bel et bien pris pied dans l'ex-Jamahiriya. Il n'est pas besoin d'être dans le secret des conciliabules des chefs de cette organisation pour avancer que son implantation en Libye va lui permettre de tenter de tendre la main à Boko Haram, l'autre organisation djihadiste acquise à l'instauration du « khalifat islamique » qui partant du Nigeria a progressé de façon spectaculaire vers l'est jusqu'à menacer maintenant le Tchad et le Niger, deux Etats frontaliers de la Libye. Boko Haram est bien entendu une menace en soi pour la région sahélienne, qui justifie que les Etats en faisant partie se prêtent assistance et s'engagent dans une coopération militaire contre lui. Il le deviendrait d'autant plus s'il s'établit entre lui et l'Etat islamique une quelconque coordination. Pour le Tchad et le Niger, cette perspective signifierait qu'ils se retrouveront pris en étau entre Boko Haram les menaçant à partir des zones du Nigeria qu'il occupe frontalières de leurs territoires et l'Etat islamique agissant à partir de la Libye grâce aux groupes armés locaux lui ayant fait allégeance. L'on comprend pourquoi le Tchad a engagé son armée dans une opération contre Boko Haram en territoires nigérian et camerounais et qu'il va être imité par le Niger et que les deux ont réclamé une intervention internationale en Libye. Il n'y a pas que ces deux pays pour qui la progression des deux organisations djihadistes dans l'ensemble sahélien représente une menace existentielle. Tous les Etats s'y situant sont concernés, l'Algérie comprise. Les visites qu'ont effectuées à Alger tout récemment et successivement les chefs d'Etat du Tchad, du Niger et du Bénin mais aussi de Tunisie ont eu pour but essentiel la mise en place d'une coopération régionale vouée à briser la machine infernale que serait la jonction dans le Sahel entre Boko Haram et l'Etat islamique. Bien que s'en tenant à sa doctrine du refus d'engager son armée hors de ses frontières, l'Algérie n'en est pas moins favorable à une coopération militaire continentale dans ce but, d'où son soutien à la création d'une force africaine rapide dont elle a approuvé la mise en place lors du sommet de l'Union africaine des 30 et 31 janvier à Addis-Abeba. De sources bien renseignées, il semblerait même que l'Algérie a anticipé cette création en promettant au Tchad, au Niger, au Bénin et au Nigeria, ayant décidé de fournir des contingents à cette force, son soutien logistique multiforme aux opérations qu'ils engageront sans attendre sa constitution pour bloquer la progression de Boko Haram. Il reste qu'entre ces Etats subsistent des divergences sur le cas libyen. S'ils sont d'accord pour empêcher que l'Etat islamique s'implante dans l'ex-Jamahiriya, ils ne le sont pas sur le mode opératoire à mettre en œuvre en Libye contre cette organisation. En tout cas, ce qui est désormais avéré est que la zone sahélienne est convoitée par la mouvance djihadiste comme devant être constitutive de ce « khalifat islamique » qu'ils rêvent d'instaurer par le fer, le sang et la terreur. Seule la solidarité sans faille des Etats de la région peut mettre en échec ce projet mortifère.