Deux mois après sa nomination, le nouveau ministre de l'Energie, M. Salah Khebri, hésite encore. Aucune initiative, aucune innovation, alors que le temps presse. M. Salah Khebri ne va visiblement pas révolutionner le secteur pétrolier algérien. Deux mois après sa nomination, le nouveau ministre de l'Energie, très discret, se laisse entraîner par le fonctionnement de la gigantesque machine déjà en place, sans réussir à avoir un impact quelconque sur les évènements. Aucune action spectaculaire n'a été lancée depuis sa nomination, toute récente, certes, mais aucune initiative n'a été prise pour tenter d'infléchir le cours des choses, dans un sens ou dans l'autre. Mardi, le ministre de l'Energie devrait se rendre à la raffinerie d'Alger, après des visites effectuées dans les deux grands pôles énergétiques, Skikda et Arzew. Des tournées durant lesquelles il était accompagné des patrons des deux grandes compagnies, Sonatrach et Sonelgaz, dans une sorte de routine familière des us politiques algériens. La seule déclaration quelque peu significative de M. Khebri a été faite à Skikda le 9 juillet. Il a affirmé que la prospection sera désormais réorientée et dirigée vers les zones où les probabilités de trouver des hydrocarbures et de les exploiter rapidement seraient les plus fortes. Cela se fera au détriment des «découvertes qui ne se transforment pas en production, car éloignées des centres de traitement». C'est une manière de dire que l'exploration va se resserrer dans les périmètres déjà connus, proches des gisements en exploitation, où existent déjà des canalisations pour transporter une production éventuelle. Indirectement, M. Khebri confirme l'urgence qu'il y a, pour l'Algérie, de pouvoir exploiter de nouvelles ressources, pour faire face à la baisse de la production et à la chute des revenus extérieurs du pays, consécutive à la baisse des prix du pétrole. Le ministre de l'Energie a d'ailleurs confirmé que l'augmentation de la production demeure, pour lui, un objectif central. Dans la même ligne que son prédécesseur Youcef Yousfi, il a annoncé une augmentation de la production pour 2016, grâce à «l'entrée en production de nouveaux projets». HESITATIONS Sur le reste, toutefois, M. Khebri peine à définir une nouvelle ligne de conduite, à défaut d'une politique. Ses déclarations se limitent soit à des généralités, soit à des hésitations. Cela change, certes, du style flamboyant et ruineux de Chakib Khelil, mais ce n'est guère rassurant quand cela se transforme en une langue de bois style Youcef Yousfi. Pour l'heure, il se contente d'évoquer «l'importance» du développement du secteur de l'énergie, «essentiel à la relance de l'économie nationale». Sur les sujets brûlants, brièvement évoqués, ses déclarations montrent clairement que la décision n'est pas encore arrivée à maturation. Il n'a pas encore une idée bien arrêtée sur l'avenir du Polymed, un complexe de production de polyéthylène installé à Skikda, en déficit chronique. M. Khebri n'en écarte pas la fermeture, mais rien n'a été décidé. «Nous allons voir quelle solution définitive adopter», hésitant entre «restructurer ou fermer» le complexe. Mais dans la plus stricte orthodoxie gouvernementale, il se veut d'abord rassurant envers les travailleurs qu'il ne veut surtout pas inquiéter. Certes, il trouve «inacceptable» que le complexe soit à l'arrêt, mais il promet de «réorienter le personnel vers d'autres unités» en cas de fermeture. «Il n'y aura aucun impact négatif sur les travailleurs», insiste-t-il. Des projets pour l'éthane ? «Des études sont en cours», répond le ministre. «Si ces projets s'avèrent rentables, nous les lancerons», ajoute-t-il. Difficile d'être plus évasif. Seule certitude pour lui : «la priorité des priorités, c'est l'amont pétrolier», dit-il, insistant sur l'intensification de l'effort d'exploration. Mardi, le ministre pourrait évoquer la difficulté éprouvée par Sonatrach à exécuter certains contrats, comme celui qui devait aboutir à la rénovation de la raffinerie d'Alger. Un contrat de près d'un milliard de dollars, conclu avec le français Technip en 2010, a été résilié. En attendant, l'Algérie continue à acheter du carburant à l'étranger, pour le revendre au quart de son prix sur le marché algérien ! MARGE ETROITE C'est une situation héritée, mais qui révèle les grands dossiers qui attendent M. Khebri, et sur lesquels il ne se prononcera pas. Que peut-il dire à propos des grands contrats qui ont donné lieu à tant de scandales ? Pourra-t-il évoquer les investissements gigantesques lancés à Arzew pour augmenter les capacités de liquéfaction de gaz alors que la production ne suffit même plus à faire tourner les anciennes installations ? M. Khebri avance sur un terrain totalement miné. Une odeur de scandale plane encore sur le ministère de l'Energie et dans les couloirs de Sonatrach. De plus, sa marge est très étroite. Il n'est pas habilité à toucher au prix du carburant, ni aux subventions, lui a rappelé le Premier ministre Abdelmalek Sellal lors de l'installation du nouveau PDG de Sonatrach. Ce sont des décisions qui relèvent de la compétence exclusive du président Bouteflika. A l'extérieur, l'Algérie n'a aucune maîtrise sur l'évolution des prix. Elle subit, sans pouvoir réagir, l'impact de la guerre menée par l'Arabie saoudite pour maintenir sa mainmise sur le marché. Sur le dossier du gaz de schiste, le précédent gouvernement s'y est tellement mal pris qu'une richesse potentielle s'est transformée en une bombe à retardement. M. Khebri ne sait plus comment aborder la question. Au final, on ne sait plus ce qui est le plus préjudiciable: est-ce l'accumulation des problèmes dans le secteur de l'énergie, ou est-ce le silence d'un ministre qui donne l'impression de ne pas avoir décidé par quel bout les aborder ?