Certes, l'opération de « bancarisation » de fonds circulant dans les circuits informels et que l'Etat veut récupérer est une mesure louable. Tout comme d'ailleurs la moralisation des transactions financières, avec la réintroduction du chèque ou de tout autre procédé bancaire pour les opérations de paiement excédant le million de dinars. Il s'agit là en réalité d'une mesure qui vient un peu sinon nettement en retard par rapport aux coutumes et pratiques bancaires et financières de par le monde. En retard surtout par le fait que les opérations commerciales dans notre pays s'effectuent toujours à travers la monnaie-papier, alors qu'ailleurs avec l'Internet ces opérations sont plus rapides et, surtout, offrent une traçabilité à toute épreuve. Donc, cette opération de récupération des fonds informels, qu'utilisent en particulier les opérateurs de négoce et de grandes transactions qui se chiffrent en centaines de millions de dinars à la lisière du circuit bancaire, doivent impérativement « renter au bercail ». A condition, cependant, que les fondements de cette mesure ne soient pas autre chose que de permettre à certains détenteurs de gros capitaux illégaux de les déclarer et les bancariser, avec en retour le paiement d'une taxe libératoire, même au taux « exorbitant » de 7%. Par contre, si une telle mesure a d'autres objectifs que ceux déclarés officiellement, autant par le ministre des Finances que par le Journal officiel de la RADP, il y a lieu de se poser des questions. D'abord pourquoi une telle mesure, un tel empressement à aller chercher même à la bougie d'une fiscalité d'ordinaire « sans pitié » pour les opérateurs privés des fonds insaisissables qui vadrouillent au gré du commerce informel, ensuite pourquoi maintenant ? Y a-t-il une relation de causalité entre la baisse des recettes pétrolières dans le sillage de la baisse des cours pétroliers mondiaux, ou bien s'agit-il vraiment d'une décision financière qui veut légaliser une bonne fois pour toutes autant les activités informelles que leur produit, une masse monétaire de plus de 10 milliards de dinars, au moins ? Pour le moment, il y a surtout cet engagement des autorités bancaires et financières à accepter un argent dont personne ne connaît la provenance, sauf que, officiellement, il ne doit pas provenir d'actions terroristes ou servir pour blanchir des fonds sales. En fait, c'est à partir de ce dimanche 16 août que les banques vont commencer à recevoir cet argent qui prend pour le moment une allure de serpent de mer. « Les banques vont commencer à partir du 15 août prochain à recevoir cet argent. Nous les avons instruites à ce que le processus soit mené dans les meilleures conditions », avait clamé le ministre des Finances, qui a lui-même rassuré les détenteurs de ces fonds que le dépôt de leur argent se fera dans la plus complète discrétion. Bien sûr, il y a cette perspective pour les autorités monétaires du pays de maîtriser les flux financiers et de les canaliser vers une seule sphère, celle officielle, et surtout de bancariser, et donc de fiscaliser, une formidable masse monétaire. «En 2017, nous devrions avoir une seule économie algérienne et non deux: formelle et informelle», espère le ministre des Finances. A moins que cette mesure ne serve, par ailleurs, qu'à légaliser des fonds non déclarés, gagnés d'une manière ou d'une autre qui n'a rien à voir avec la légalité, avec tous ces scandales financiers qui éclatent de temps à autre, celui de l'autoroute Est-Ouest étant l'un des moindres. Et puis, un esprit retors ne peut également s'empêcher de chercher à savoir comment a été recyclé l'argent du terrorisme, du braquage des banques et du racket durant la décennie noire ? Le ministre des Finances résume cette opération de mise en conformité fiscale volontaire par «nous avons assisté, durant ces 15 à 20 dernières années, à une intense activité. Et c'est le moment de ramasser maintenant cet argent. C'est une mesure de rétablissement de confiance» entre le gouvernement et le citoyen.