Je le répète, comme je l'avais fait dans toutes mes contributions, que les sociétés civilisées résolvent leurs problèmes par un débat serein, démocratique et responsable, très loin de la polémique. Autant ceux-ci sont géniteurs de fractures dans la société, autant le débat est géniteur de solutions consensuelles, facteurs de cohésion sociale. Certains secteurs, notamment la santé et l'éducation, doivent être protégés des luttes idéologiques et placés au-dessus des contingences politiques et partisanes. Les ministres responsables de ces deux secteurs sont sujets actuellement à des attaques, parfois personnelles, plutôt qu'à des critiques constructives, venant de deux milieux différents, celui des forces conservatrices et celui des forces empreintes de l'esprit de rente, mais dont les intérêts se rejoignent, se traduisant par la stagnation de ces deux secteurs et par la même de la société. Depuis le «lâchage» du regretté Mostefa Lacheraf pour sa vision d'une école moderniste, la mise au placard des conclusions «de la commission Benzaghou», préconisant une école ouverte sur l'universalité, le secteur de l'éducation est confié à une ministre, Mme Benghebrit, connue pour son parcours universitaire, pour ses travaux de recherche dans le domaine de la pédagogie, pour ses positions d'ouverture sur le monde. Elle réunit autour d'elle, comme cela se fait partout dans le monde, un panel de spécialistes qui dégage 200 recommandations pour sortir l'école de son marasme. Aussitôt elle devient la cible d'un lynchage (celui-ci a commencé dès sa nomination) de toutes les forces conservatrices. Elle est même sommée d'apprendre l'arabe ! Ceci me rappelle le début des années 80 quand le regretté professeur Taleb Mourad, l'un des pères de la chirurgie algérienne, ancien officier-chirurgien de l'ALN, nouvellement installé comme recteur de l'université d'Oran Es-Senia, a été sommé sous les chahuts d'interrompre son intervention en français. Ce message des forces conservatrices a été négligé par les forces du progrès. Le lynchage de Mme la ministre se déroule malheureusement dans un silence assourdissant de ceux qui s'identifient à «la famille qui avance». Un autre ministre, responsable d'un secteur tout aussi important que l'éducation, celui de la santé, laquelle est aussi un facteur de cohésion sociale, fait l'objet d'attaques, certes moins «criardes» mais néanmoins insidieuses. Son tort est d'avoir pris à bras le corps, certaines situations préjudiciables au patient, que ce soit dans le secteur public ou privé, liées aux problèmes que vit notre système de santé depuis 20 ans. Il est accusé de bradage du secteur public, un slogan à la mode. Education et santé entrent dans le cadre de la définition d'un projet de société pour notre pays, sujet à un débat national dont on ne peut faire l'économie sous peine de continuer à stagner, et au pire aller de plus en plus vers la déstructuration de notre société. Les propositions pour faire évoluer l'éducation ou la santé, qu'elles soient acceptées ou rejetées, sont comme des bouteilles jetées à la mer. Ces bouteilles, un jour ou l'autre, arriveront au rivage. Dans leur contenu on retrouvera, pour l'Histoire, les signatures des auteurs des propositions. Les marques de l'Histoire sont indélébiles.