Insoutenables images de cadavres gonflés d'enfants d'immigrants syriens rejetés par les eaux de la Méditerranée. Un camion au bord d'une autoroute avec 71 corps de réfugiés syriens morts asphyxiés. Chaque jour, le bilan de la tragédie des réfugiés arabes fuyant les zones de guerre ne cesse d'augmenter devant le regard indifférent sinon inquisiteur d'une Europe cynique. Alors que des mesures de défense sont prises par les pays européens pour se prémunir de toute tentative de passage des migrants du tiers monde, la mer continue de prendre des vies brisées qui viennent finir dans son ventre. Le drame de ces réfugiés du 21ème siècle est le contrecoup inattendu des interférences de l'Europe et de l'Amérique dans le Moyen-Orient et en Libye. Un retour de boomerang en pleine gueule de ces pays qui, au nom d'une guerre contre le terrorisme qu'ils ont eux-mêmes créé et alimenté, ont dévasté et démembré des Etats souverains. La raison qui amène ces centaines de milliers de réfugiés à braver la mort en chevauchant les vagues de la Méditerranée à dos de cargos funéraires est celle du plus fort, du plus retors, celle qui a voulu détruire des pays forts en les renvoyant au stade de tribus éparses se battant pour un lopin de terre ou au nom de la religion. Ceux qui ont voulu retracer la mappemonde du monde arabe en créant le Grand Moyen-Orient avec pour seule puissance régionale Israël et son allié kurde, n'ont sûrement pas dû compter avec cet exode sans pareille mesure. En détruisant la Libye, la France a ouvert les dernières portes séparant la désolation, que les Etats-Unis d'Amérique ont semée, du Vieux Continent. L'Europe se retrouve aujourd'hui en première ligne de cette invasion qui ne dit pas son nom et ni les murs de la honte érigés un peu partout sur ses terres ni les barbelés aux frontières ne peuvent arrêter ce flux ininterrompu de réfugiés prêts à tout pour fuir les affres de la guerre civile. Parce que c'est de cela qu'il s'agit : des guerres civiles qui ont éclaté au Yémen, en Syrie, en Irak et en Libye, allumées par l'intervention de l'Otan. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHC), près de 300 mille réfugiés ont débarqué en Europe pour les premiers sept mois de cette année et cela ne semble pas vouloir s'arrêter. Dans cette guerre contre les migrants, à travers les réseaux de passeurs, l'Europe est dépassée, obligée de dévoiler au grand jour son véritable visage hideux. Laissant des pays seuls se débrouiller devant l'afflux massif de «leurs» migrants, elle a décidé de cadenasser ses frontières et de regarder ailleurs pour ne plus voir ces corps tambouriner à ses portes.