Sellal fera un opposant acceptable. Demain. Comme ses prédécesseurs. Viendra le jour où il dira qu'il a été empêché dans son action. « On ne m'a pas aidé, je n'ai pas eu de veine ». Et lui aussi tombera à bras raccourcis sur le pouvoir en espérant qu'en agissant de la sorte, on le rappelle pour le réintégrer dans le giron. Comme M. Ouyahia. A ce jour, je n'ai pas lu une seule déclaration d'ancien « quelque chose », hors circuit, qui ait reconnu avoir eu la chance de faire aboutir un projet grâce au soutien dont il a disposé auprès de l'appareil d'Etat. Le pouvoir, c'est un appareil à formater des aigris. Ainsi donc, dans la série d'affirmations affichées, lors de la réunion des experts dans l'enceinte du Conseil national économique et social, le 20 septembre, le Premier ministre a énuméré ce qui, à ses yeux, représente les tares de la société algérienne. Pêle-mêle : absence de volonté de s'acquitter de nos tâches, absence de confiance mutuelle, pessimisme partagé. Il fait ses gammes. Dans le langage politique, il dénonçait le système dans lequel il baigne. Où ont baigné ses prédécesseurs, une fois encore. Ce qu'il entendait par là -si a clarté était une vertu de la République- c'est que nul ne se permettrait de faire seulement acte de présence dans son lieu de travail si des objectifs clairs lui étaient assignés, si l'obligation de résultat était une religion, si la fonction de contrôle était l'alpha et l'oméga. Nul ne pourrait douter de sa direction politique, locale ou nationale, si le principe « la confiance n'exclut pas le contrôle » était entrée dans la culture citoyenne. Rien ne justifierait la morosité si la croyance en des objectifs économiques et politiques sains, pédagogiquement expliqués, étaient le corps de toute action. Et, par dessus tout, si le citoyen n'était pas, délibérément, mis à l'écart des cadres de réflexions et de décisions dans des structures citoyennes, premier palier d'une démocratie effective. Qui donnent un sens à une « République Démocratique et Populaire ». Et là, on approuve. Dans les grandes écoles de l'administration à travers le monde -et il n'y a aucune raison que cela ne soit pas le cas en Algérie- les étudiants, futurs commis de l'Etat, apprennent que la structure d'un Etat démocratique se bâtit de la base au sommet. Ce qui se traduit par des associations citoyennes qui structurent et encadrent, démocratiquement, le « vivre ensemble », aussi bien dans un immeuble que dans le quartier, la ville ou la nation. Les partis politiques ne sont que l'expression politique de ces volontés exprimées. Dans notre cas, ces associations relèvent -et cela n'est sans doute pas toujours du fait de la mauvaise volonté de bureaucrates pointilleux- d'une réglementation soupçonneuse. Avec des capacités de blocage considérable, sans recours au judiciaire pour faire valoir ce droit d'association. La création de parti, à l'étage supérieur, est du même tonneau. Le parti de M. Benflis a obtenu l'agrément à la dernière minute. M. Ali Benouari, lui, attend toujours le bon vouloir d'un fonctionnaire, trop occupé sans doute pour décrocher son téléphone afin d'obtenir un rendez-vous pour déposer son dossier. Dans quel camp se trouve la bureaucratie ? Et quel est, ou qui est, son moteur ? Qui l'oriente et légifère pour la faire fonctionner ? Qui fait passer les lois à l'Assemblée nationale à coups d'ordonnances excluant le débat ? Affirmer que les gestionnaires sont les bâtisseurs de l'Algérie de demain, dépend de l'idée que l'on a de ces gestionnaires. Du privé ou du public ? Des gestionnaires ont « fait » la Sonatrach des années 70 qui a piétiné le « pétrole rouge ». Ils ont fait la SNS, et Rouïba et ses camions qui ont remporté le Paris-Alger-Dakar. Ils ont mis en place l'éducation nationale -dont le contenu peut être discuté- produit des médecins permettant une médecine gratuite. Et une présence culturelle, quoi que l'on dise, dans les fora internationaux. Ils n'ont pas abandonné les salles de spectacles, les cinémas, pour y vendre des chawarmas, ils n'ont pas fait exploser la SNED en une multitude de petites librairies qui se consument. Ce qui a été entrepris exigeait seulement des ajustements. Certainement pas « du passé faisons table rase ». L'initiative privée doit-elle être encouragée ? Sûrement pas au point de devenir le bateau amiral de l'économie entrainant les alliances du patronat national dans les structures de la mondialisation pour échapper à tout contrôle. La Chine est un exemple patent. Les Algériens voyagent. Il le sait. Ils voient dans les pays nordiques d'Europe un ministre se rendant à son lieu de travail en bicyclette. Ou dans sa voiture personnelle. On lui apprend qu'il suffit, à tout citoyen, de le demander pour obtenir la liste du patrimoine de tout élu. Et sa fiche de paie et d'imposition. Ces élus, ils ont peut-être eu l'occasion de les croiser dans la rue, au marché. Non pas en campagne, mais pour faire leurs courses comme vous et moi. Ils lisent des titres dénonçant un responsable local ou national d'avoir utilisé la carte de crédit officielle pour des achats personnels. Ils suivent les débats parlementaires à la télévision. En direct. Ils sont surpris de les voir rencontrer leurs élus dans leurs permanences et débattre avec eux des questions locales, régionales et nationales. De quoi manquons-nous ? Nous manquons de culture démocratique. Celle qui a fait que, depuis 1962, aucun passage d'un mandat à un autre ne s'est fait selon les termes de la constitution alors en vigueur. Pas plus que celle que l'on annonce pour bientôt, celle que tout le monde n'attend plus. Les ambassades s'agitent. Pour n'évoquer que les plus récentes rencontres avec l'opposition, le président de Talaiou el Houriat, M. Benflis, a reçu, à sa demande, le mardi 22 septembre, Mme Joan A. Polaschik, ambassadrice des Etats-Unis. Au mois d'avril dernier, ce fut l'ambassadeur de France qui eut un entretien avec le président de ce parti, suivi du représentant de la Grande-Bretagne. Sans en est-il ainsi des autres partis plus discrets sur leurs rencontres. Des signes.