Quand on considère l'Economie de l'Algérie, on est vraiment impressionné devant la formidable architecture économique érigée, dans un pays abandonné, du jour au lendemain, le jour de son indépendance, par les agents économiques et laissé sans administration. Ceci concerne, particulièrement, le système bancaire qui ne s'est pas formé dans notre pays, comme dans d'autres pays, tout au long d'un processus de développement historique de long terme, mais a été, littéralement, bâti par des décisions de nature politique qui lui ont donné sa forme et ses pratiques. Cette observation n'est pas gratuite. Elle permet de bien comprendre le processus d'évolution du secteur bancaire depuis l'indépendance, de comprendre sa situation actuelle et de saisir son incapacité à servir, d'une manière optimale, l'économie et à participer à sa diversification. Le système algérien est le produit d'une vaste entreprise de construction d'une économie nationale sur la base d'une idéologie bâtie sur les principes d'indépendance et d'égalité économiques. Il est né de la nationalisation progressive des agences bancaires françaises qui sont regroupées en trois entreprises publiques (BNA, CPA et BEA). Le secteur devient, exclusivement, public et spécialisé. Il est organisé à partir de 1970, pour servir les programmes de développement planifiés de l'Etat et financer la gestion des entreprises publiques. Le système bancaire, dans son format institutionnel présent, est relativement récent dans son organisation et son fonctionnement. Il est apparu avec la vaste restructuration du secteur public marchand intervenue, en 1988. Les entreprises publiques économiques dont les banques sont transformées en sociétés par actions et en principe sont soumises aux règles du Code du commerce et à la sanction du marché. Le texte fondateur du système bancaire actuel, la loi 90-10 du 14 avril 1990 relative à la monnaie et au crédit, consacre les choix de libéralisation et d'ouverture du secteur et crée les conditions d'un marché monétaire actif. La loi affirme, par ailleurs, l'autonomie institutionnelle de la Banque centrale qui devient Banque d'Algérie et ses responsabilités de gestion et de régulation du marché monétaire; il est, ainsi, créé un Conseil de la Monnaie et du Crédit. Ces transformations ont été appuyées, dès 1991, par la mise en œuvre d'un programme global d'assainissement de la situation financière du secteur industriel public, qui s'est traduit par l'assainissement des portefeuilles des banques. L'ouverture du secteur s'est traduite par l'implantation de banques, de succursales et de bureaux de représentation de banques étrangères. Les expériences de réforme bancaire réussies montrent que la transformation du secteur bancaire -dans les pays autrefois organisés dans un cadre de gestion d'Etat- a impliqué une approche stratégique comprenant trois dimensions : (i) la mise à niveau des banques à travers une amélioration de la gouvernance, l'assainissement et l'ajustement du cadre institutionnel, et l'introduction de techniques de gestion du risque, (ii) l'introduction de mécanismes qui permettent l'instauration progressive d'un marché bancaire compétitif, parallèlement et en relation avec un marché financier à terme, (iii) la mise en place d'un cadre de régulation efficient. De ces trois dimensions d'une stratégie de transformation du système bancaire que présente l'histoire, le passage à un marché compétitif, implique une transformation des banques publiques de l'intérieur -donc par l'introduction d'une autre façon de faire, au sein de l'organisation et dans le processus de décision des banques elles-mêmes,. Cela ne peut se réaliser que dans le cadre d'une ouverture du capital des banques publiques à des partenaires extérieurs qui puissent siéger dans l'Assemblée générale et être membre du Conseil d'Administration et, ainsi, faire passer l'entreprise à d'autres formes de management plus efficientes. Du reste, les privatisations de banques, totales ou partielles, ainsi que l'installation de banques internationales, ont été un phénomène global -dans un cadre de régulation renforcée de la Banque Centrale. L'Algérie a retenu cette démarche stratégique. Des mesures coûteuses de grande portée ont été prises mais, dans ce domaine comme dans d'autres, la mise en œuvre n'a pas été consistante selon les dimensions de la stratégie: (i) Le gouvernement a pris et mis en œuvre toutes les mesures de mise à niveau. Le système de paiement de masse (ATCI) a été modernisé. Les banques publiques ont été mises à niveau à travers un assainissement et une recapitalisation de leurs ressources financières, des programmes de formation, la mise en place de contrats de performance et enfin la mise en œuvre de deux règlements relatifs au système des comptes et aux procédures comptables. (ii) A l'inverse, en ce qui concerne la mutation du système financier pour en faire un cadre efficient compétitif, la politique a connu un processus circulaire. La loi de 1990 mettait en place un cadre de réforme profond. Malheureusement, la loi sera modifiée par deux fois. L'ordonnance 13-11 du 26 août 2003 limitera l'autonomie institutionnelle de la Banque d'Algérie (vis-à-vis du pouvoir politique) en supprimant la durée fixe du mandat du gouvernement et du conseil d'administration de la Banque. Et le 26 août 2010, l'ordonnance 10-04 écarte le principe de libre établissement des banques privées étrangères, en application du principe de partage majoritaire du capital, au bénéfice de l'actionnaire algérien. Malgré toute la législation en la matière et les illusions d'optique, l'Etat reste très présent dans le système bancaire. Ainsi, contrairement aux entreprises publiques des autres secteurs organisées en Holdings publics (puis en SGP), les banques restent des entités juridiques et sociales régies par une Assemblée générale constituée du seul ministre des Finances. Bien que très peu évoqué, ce statut juridique des établissements, la réglementation étroite et la régulation non dite parfois que leur impose l'Etat, non seulement comme actionnaire mais comme tutelle sont une cause majeure (mais certainement pas la seule) de la difficulté des entreprises bancaires à s'émanciper et poser des objectifs à terme. Ainsi la démarche de réforme a été circulaire: opter pour une stratégie de rupture et revenir au renforcement du secteur public. En fait, le processus de réforme structurelle est pour l'instant écarté au bénéfice d'un plus grand renforcement des banques publiques. Or l'expérience historique a bien montré que les mesures de mise à niveau et de recapitalisation prises par les pays, à l'occasion des ajustements structurels, n'ont pas abouti. Des expériences aussi éloignées (dans le temps, dans l'espace et dans la sociologie) que celles de la Tchéquie et du Brésil, ont montré que la mise à niveau des banques publiques n'a pas été concluante. Tous ces pays, après des années de mesures concernant la mise à niveau pour sauver le caractère public des banques, ont dû, finalement, aller aux réformes structurelles du secteur. De ce fait, si la tendance actuelle au tarissement des ressources financières se maintenait, la voie vers l'émergence d'un cadre d'efficience et de développement où la compétition entre banques de nature juridique différente sera le moteur de la relance de notre économie passerait par : (i) la mise à niveau et la consolidation des capacités de la BNA et de la BEA (ii) l'ouverture des organes sociaux de la BDL à des partenaires hors ministère des Finances, (iii) l'ouverture du capital de la BNA à des actionnaires nationaux (à travers la bourse), (ii) la privatisation partielle du CPA et de la BDL, et (iii) l'installation de banques étrangères, de premier plan, agréées selon des normes claires. Ceci, parallèlement à la promotion d'un marché financier dynamique et un cadre de régulation renforcé assuré par une BA autonome.