Désormais, la réforme financière et bancaire entre dans une nouvelle phase. Celle-ci va porter directement sur les banques et les compagnies d'assurance et touchera aussi bien la politique du crédit, la gouvernance que la restructuration du secteur bancaire public. Pour la ministre déléguée à la Réforme financière, Mme Fatiha Mentouri, dans un entretien accordé à l'APS, cette nouvelle phase dont le dossier avait été examiné en février dernier en Conseil de gouvernement, intervient après celles qui ont porté, durant ces dernières années, sur la stabilisation du cadre macroéconomique et l'assainissement du portefeuille des banques et leur recapitalisation ainsi que l'amélioration de l'environnement juridique et opérationnel. Cependant, l'évaluation du risque crédit sera l'un des principaux axes de cette nouvelle phase de la réforme bancaire. Selon la ministre, il s'agit de rendre les banques publiques ‘'plus performantes dans la gestion du risque, du suivi de leurs engagements et de l'audit interne.'' La banque doit, d'après la ministre, parvenir à définir une politique de gestion du crédit et des procédures claires et transparentes qui prévoient même une notation de la clientèle pour mieux mesurer et gérer le risque. Il faut dire que la situation actuelle se caractérise par une surliquidité, devenue structurelle, qui fait que les banques non seulement n'ont pas d'effort à fournir pour collecter l'épargne, donc pour améliorer la qualité des services, mais deviennent moins exigeantes en termes d'allocations des crédits. Ce qui a généré, en conséquence, des créances non performantes. D'autant plus que la plupart des crédits (53%, constatera la ministre) sont des crédits destinés au secteur privé. Toutefois, le recours à une assistance technique étrangère s'avère inévitable. Celle-ci, et pour renforcer la capacité d'analyse et d'évaluation du risque crédit, sera chargée de mettre en place un système de suivi des engagements des banques, d'analyse et d'évaluation du risque et de renforcer les procédures pour un recouvrement accéléré des créances. Le renforcement des systèmes d'information pour améliorer justement la gestion des risques, le contrôle interne et le suivi des performances des cadres, qui visent essentiellement l'élargissement des systèmes de paiement de masse à tous les compartiments des banques (crédit, commerce extérieur...), la segmentation de la clientèle et la mise en conformité aux exigences de la supervision du contrôle bancaire, constitueront, quant à eux, la deuxième étape de ce nouveau stade de réforme. Par ailleurs, la réforme financière au niveau macroéconomique prévoit aussi l'amélioration de la gouvernance des établissements bancaires publics. Il est ainsi proposé non seulement d'évaluer les contrats de performance actuels mais aussi d'en élaborer de nouveaux basés sur des objectifs quantifiés. L'amélioration de la gouvernance passera aussi par la modification de la composition des conseils d'administration des banques publiques dans le sens d'un ‘'plus grand professionnalisme''. Ainsi, la rémunération des dirigeants de ces banques sera liée à l'atteinte des objectifs fixés. Pour la ministre, ‘'c'est la transparence dans la gestion qui préservera les gestionnaires par le biais d'une gestion du crédit normalisée et codifiée selon les standards internationaux, une application effective et stricte des règles de contrôle interne, une gouvernance saine et exigeante et un système d'information moderne et efficient.'' La ministre déclare, en revanche, que deux autres propositions relatives à la reconfiguration du secteur bancaire ont été examinées par le conseil de gouvernement qui a différé leur mise en œuvre. La première proposition porte sur la constitution d'un pôle bancaire public fort, afin de permettre au secteur bancaire public de faire face à la concurrence, et ce, en le modernisant et en lui donnant la surface financière adéquate. Le but, explique-t-elle, est de réunir les conditions d'émergence de ‘'champions nationaux'' aptes à affronter les défis posés par l'ouverture du marché bancaire au secteur privé et la mondialisation. La seconde proposition concerne, quant à elle, la mise en place d'entités nouvelles par la création (ou la transformation d'une entité existante) d'une Banque d'investissement. Selon les explications de la ministre, les missions de cette banque seraient de financer l'investissement à travers l'octroi de crédits à moyen et longs termes et la prise de participation au capital des entreprises en vue de leur redressement et, le cas échéant, de leur préparation à l'entrée en Bourse. Le capital de cette banque serait à capitaux mixtes et ouvert à la participation d'institutions spécialisées. Expliquant le pourquoi d'une telle institution, Mme Mentouri indique que dans un contexte de transition, ‘'l'Etat doit conserver un rôle d'impulsion de la politique économique''. Elle affirme que nombre d'entreprises, publiques ou privées, ‘'ont un potentiel de développement en étant porteuses de croissance à terme et sont les vecteurs de la stratégie industrielle mais elles sont pour la plupart déstructurées et ont besoin d'investissements lourds''. Par ailleurs, ce programme des réformes financières prévoit également le développement et la sécurisation totale du système de paiements de masse, la généralisation du chèque sécurisé et l'intégration des autres moyens de paiement pour arriver à fin 2009 à un volume de 9 millions de cartes de paiements électroniques, 3 500 terminaux de payement électroniques (TPE) et la multiplication des DAB et GAB. Concernant le volet des privatisations, la ministre a indiqué que le dossier de la BDL devra être soumis très prochainement au CPE. L'ouverture de son capital a été limitée à 30%, avec cession du management au repreneur de cette banque. Questionné sur le CPA, Mme Mentouri a indiqué qu'une fois les comptes des banques préqualifiées seront publiés, ‘'nous aurons une idée précise sur l'impact de la crise des subprimes sur la situation financière de ces banques et sur leur stratégie de développement en Algérie''. A partir de là, ajoute-t-elle, ‘'nous déterminerons une nouvelle démarche''. La ministre ajoute, cependant, que si les autorités financières algériennes décident avant juillet 2008 de relancer la privatisation du CPA, le processus sera repris au stade où il s'était arrêté en novembre 2007. Mais au cas où la décision de relancer la privatisation serait décidée après juillet prochain, le processus de privatisation sera alors repris depuis le début.