Amara Benyounes s'est posé hier la question, au cours d'une interview à la radio nationale, qui «veut ouvrir le dossier des années 1990 ?». Des années très dures pour les Algériens, et une démocratie naissante. L'arrêt du processus électoral, la démission de Chadli Bendjedid, la défiance du FIS vis-à-vis de la République, le terrorisme. Une période noire pour les Algériens. Dix ans de moins dans la vie de la République. Parmi les acteurs de ces moments dramatiques, il y avait des généraux de l'ANP, des personnalités politiques qui avaient pris un certain nombre de mesures pour sauver le pays, la république du chaos islamiste. Aujourd'hui, le souvenir de ces moments revient comme un boomerang. Le décès du dernier historique de l'Organisation secrète, Hocine Aït Ahmed, a ravivé la polémique sur ce qui devait être fait, les décisions urgentes à prendre après la victoire du FIS-dissous au premier tour des élections législatives. Au cœur de la polémique, le défunt président Chadli Bendjedid qui, de l'aveu même de sa femme, ne voulait pas interrompre le processus électoral. 'Je démissionne Vous n'allez pas m'obliger à le faire et je ne veux pas changer ma méthode de gestion de l'Etat avec l'interruption du processus électoral. J'ai prêté serment et j'ai juré de respecter les principes de la République et de respecter la volonté populaire et c'est ce que je vais faire.» C'est ce qu'avait dit Chadli dans ces moments-là, raconte sa femme. Elle ajoute dans un entretien à Echourouk: «Il a refusé d'annuler les élections et d'en organiser d'autres. Il a refusé d'être contre ceux qui ont gagné les élections parce qu'il respectait l'Etat. Il a préféré démissionner en rendant ceux qui étaient opposés à la volonté populaire responsables de leur action.» En fait, la question qui se pose est moins si Chadli Bendjedid est parti de son plein gré en démissionnant ou a été 'démissionné'', que celle de savoir pourquoi, moins d'une semaine après la mort de Hocine Aït Ahmed, qui avait qualifié l'arrêt du processus électoral de 'coup d'Etat'', ce qui s'était passé dans ces années-là a été déterré. En fait, la polémique est partie de la déclaration de Ali Haroun, ex-membre du HCE, qui avait géré les affaires du pays après le départ de Chadli. Avant qu'on ne fasse venir du Maroc feu Boudiaf, une proposition avait été faite au fondateur du FFS de diriger le pays. Il est vrai que la mort d'Aït Ahmed a ébranlé les Algériens... et certaines consciences. Et, au lendemain des funérailles de Da L'ho, Khaled Nezzar fait deux sorties, l'une sur les conditions de départ de Chadli et l'autre pour démentir les assertions de Ali Haroun. Pour lui, il n'a jamais été question que l'on fasse appel au leader du FFS, un opposant tenace et pugnace, pour succéder à Chaldi. Amara Benyounes dit, lui, que 'c'est parole d'homme contre parole d'homme'', dans cette polémique intrigante, avant de lancer un peu candidement que certains veulent ouvrir le dossier des années 90. Soit. Mais alors, pourquoi maintenant ? Qu'est-ce qui s'est vraiment passé dans ces années-là pour qu'on en parle juste maintenant ? Aura-t-on un jour les vraies réponses, au nom de l'histoire, sur ce qui s'est alors passé ? L'Algérie devait-elle passer par ce seul sentier pour laisser la voie libre au terrorisme ? En réalité, la mort de Hocine Aït Ahmed n'a été qu'un trait d'union dans sa longue vie de militant de la démocratie, puisque même son décès a fait délier des langues et ouvrir doucement la boîte de Pandore sur ce qui s'est passé dans les années 1990 et bien avant sur la légalisation des partis islamistes.