Il y a des hommes que la mémoire collective d'un peuple ne peut oublier pour leur sacrifice, leur droiture, leur disponibilité pour les plus faibles, leur modestie et leur simplicité constante ; ils sont encore nombreux dans ce pays, mais oubliés dans ce monde pervers qui s'incline devant des arrivistes tombés de la dernière giboulée de suie grisâtre. Ce samedi a disparu à l'âge de 89 ans l'un des pères fondateurs du mouvement scout national et activiste de la première heure dans le PPA-MTLD, l'icône de la ville de Tiaret, l'accordéoniste du célèbre orchestre national Safir Ettareb du martyr Ali Mâachi. El Hadj Mohamed Meghraoui est parti de ce monde en fermant l'une des dernières pages de l'histoire de la résistance culturelle et du combat pour l'indépendance du pays. Bien que sa disparition ait été annoncée au 20h de l'ENTV et sur d'autres chaines de télévision nationales et reprise par des quotidiens nationaux, des «élus» locaux n'ont pas daigné faire leur devoir d'assister à ses obsèques tout simplement par leur ignorance du vrai substrat sur lequel ont germé des générations de braves et de justes. Ces amnésiques oublient que des hommes se sont sacrifiés pour que eux puissent occuper ces postes aujourd'hui, mais ils reconnaissent, sûrement, ceux qui les ont mis là où ils sont et savent leur dérouler le tapis rouge et être toujours prompts à «s'à-plat-ventrir» devant eux. Malheureusement, le crépuscule d'une époque s'annonce, la nuit tombe, les chauves-souris pullulent dans le noir, c'est leur règne. Les Benmhidi, Abane, Lotfi et les millions d'anonymes morts pour une Algérie libre, démocratique et sociale se retournent dans leurs tombes à chaque fois que leurs âmes croisent les nouveaux Bachagas et autres Caïds emmitouflés dans des burnous rouges, savourant les délices du pouvoir offert à eux grâce à l'argent qui ne dit pas sa couleur. Savent-ils que l'Histoire sait bien reconnaitre les vaillants hommes de ceux qu'elle jettera dans sa poubelle ? Ils s'en moquent pour le moment, ils sont occupés à sucer dans le noir l'hémoglobine d'un corps inerte comme des vampires ressuscités. Ils périront certainement intoxiqués de cadavérine qui les rongera de l'intérieur de leur bedaine surdimensionnée et seront effacés de l'histoire qu'ils n'ont pas faite. Que restera-t-il d'eux après leur départ de ce bas monde ? Du néant ! Parce qu'ils n'ont jamais rien compris autre chose dans cette vie que les bassesses de la cupidité mercantilisée et poussée à son extrême délinquance. Pour cela et sans aucun doute, aucune rue ne portera leurs noms et encore moins des édifices culturels ou scientifiques parce qu'ils n'ont aucun mérite.