Le marché parallèle des devises révèle au grand jour sa versatilité et toute sa fragilité. En cinq mois à peine, l'euro a enregistré sur les places boursières informelles une chute de près de 18%, et la tendance baissière semble avoir de beaux jours devant elle. Il est loin ce mois d'octobre 2015 où l'euro frôlait la barre des 200 dinars, sans laisser apparaître aucun signe de faiblesse dans l'avenir, du moins immédiat. Pourtant, ces deux derniers jours, l'euro s'échangeait contre 163 dinars, soit une baisse de près de 35 dinars par rapport à sa valeur affichée lors des derniers mois de l'année 2015. Un véritable gouffre financier pour les cambistes. Ces derniers réagissent au moindre changement de l'euro, un dinar de plus ou de moins pouvant grandement influer sur les recettes du jour, que dire alors aujourd'hui avec cette importante chute sur le marché boursier parallèle ?! «C'est une catastrophe pour les cambistes», avoue l'un d'entre eux. Ajoutant que la plupart sont frappés de «paralysie» face à cette chute de l'euro, ne sachant plus quoi faire avec les devises en leur possession. L'incertitude plane sur les marchés informels de la devise, ceux qui ont été surpris par cette chute de l'euro se sont automatiquement repliés sur eux-mêmes, gardant leur argent (en euro) dans leur sac dans l'espoir de voir le marché se ressaisir pour le replacer dans le circuit, et les acheteurs potentiels adoptent une position attentiste espérant que l'euro baisse encore avant de se décider à acheter quelques billets, selon le besoin. Ainsi, le marché boursier informel se trouve frappé de plein fouet par cette valse-hésitation aussi bien des vendeurs que celle des acheteurs. Résultat des courses : le marché noir de la devise subit un «gel» dans les transactions des changes de la monnaie forte, avec des conséquences à moyen et long terme qui pourraient encore le pousser à la dégringolade. Des indices forts se dessinent à l'horizon et qui tendent vers un effondrement de l'«empire» du change au noir de la devise. Dans ce contexte, il y a lieu de noter que la sortie mercredi dernier du gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci, qui a annoncé l'élaboration d'un nouveau règlement modifiant les conditions d'agrément des bureaux de change, dont l'amélioration de leur marge bénéficiaire, et la hausse de l'allocation touristique. Il faut en convenir, l'ouverture envisagée officiellement des bureaux de change, à elle seule, est une mesure qui éradiquerait les services proposés sur le marché noir par les cambistes dans les rues, dans les magasins et même dans les domiciles sur tout le territoire algérien. Et il y a, aussi, une autre mesure, pas trop visible, mais qui a grandement participé à la chute de l'euro sur le marché boursier informel, en l'occurrence l'exigence de la pré-domiciliation bancaire. L'application de cette procédure a effectivement permis d' «assainir» la sphère des importateurs. Pour rappel, les douanes et la communauté bancaire, principales instances engagées dans le commerce extérieur, ont renforcé ces derniers mois leur contrôle conjoint sur les domiciliations bancaires dans le cadre de la lutte contre le transfert illicite des devises opéré par de «faux» importateurs, autant dire qu'on a, de la sorte, placé des boulets aux pieds des fraudeurs. Selon les résultats d'enquêtes menées par les pouvoirs publics, ces derniers utilisaient des attestations d'importation falsifiées, réalisant à travers cette»ruse» des opérations d'importations fictives en vue, uniquement, de transférer des capitaux vers l'étranger, lesquels capitaux aussitôt empochés sont immédiatement reversés dans le marché du change parallèle des devises. Et ainsi tournait la roue de ces barons, plutôt sangsues, qui ont bâti un empire avec une monnaie forte soutirée aux banques algériennes. Fini le temps de ces acrobaties de singes ? Tout porte à le croire. Car, si le rythme est maintenu, la sphère des importateurs sera, dans peu de temps, réduite à sa taille réelle et l'euro sera, bientôt, disponible dans des bureaux de change à des taux légèrement supérieurs à ceux fixés sur le marché officiel.