Les habitants du village Filaoucène, communément appelé El Qaria, située sur le territoire de la commune de Bousfer, semblent être aux abois et ce, après une bataille rangée, qui a opposé deux bandes rivales armées jusqu'aux dents, un peu plus d'une semaine auparavant. L'inquiétude se lisait clairement sur les visages des jeunes et moins jeunes personnes abordées par «Le Quotidien d'Oran», lors d'une visite effectuée dans ce village, qui s'étend sur environ 40 ha dans une zone mitoyenne à l'accès nord-ouest de la commune côtière d'Aïn El Turck et à un jet de pierre du cimetière Sidi Bouaâmeur. Dans les lieux publics et dans les foyers, presque toues les discussions gravitent autour de ces violents affrontements sanglants entre deux gangs de délinquants, armés de coutelas, d'épées et certains de pistolets utilisés pour des signaux de détresse, en haute mer, qui ont semé une véritable panique parmi les habitants. Selon des recoupements d'informations glanés sur les lieux, il s'agirait en fait d'une vendetta, qui a été menée par une bande de malfrats, venus d'un quartier populaire d'Oran, à bord de plusieurs véhicules. Les assaillants avaient décidé de venger l'un de leurs acolytes, arrêté et écroué, qui aurait été dénoncé par un membre du gang adverse, demeurant dans le bidonville Oued namousse', baptisé ainsi en référence à la rivière desséchée, traversant de part en part ledit village. Des témoins oculaires, encore sous le choc de cette violence extrême, ont affirmé avec une pointe de dépit, à peine voilée, que «les antagonistes se sont affrontés au sabre et à l'épée, pendant des heures lors de cette bataille rangée. Nous avons vraiment eu très peur, sachant que la réaction de ces individus est aussi imprévisible que violente. Ils étaient, pratiquement, tous sous l'effet de toutes sortes de drogue et étaient, ainsi, capables de s'en prendre à n'importe qui d'entre nous, même femme ou enfant, et commettre l'irréparable, sans sourciller. Il suffit d'un regard, même pas appuyé, pour déclencher leur folle colère». Les témoignages troublants sont unanimes chez les habitants, rongés d'inquiétude par cette insidieuse montée de la violence, qui va crescendo, au fil des jours, et en l'absence de réaction à même d'endiguer ce phénomène de la part des autorités locales. Nos interlocuteurs ont confié «qu'ils s'attendent, dans les heures et/ou les jours à venir, à une autre descente de représailles et ce, suite aux arrestations par les forces de la Gendarmerie nationale, opérées lors de leur intervention, d'un nombre indéterminé de délinquants appartenant à la bande d'Oran, qui n'ont pas pu se réfugier dans le bidonville en question contrairement à leurs belligérants. Nous avons pris l'habitude et nous connaissons assez bien la réaction de ces malfrats. Nous sommes, absolument, certains que d'autres affrontements vont se produire entre les deux bandes, dans le but évident de venger leurs complices». Selon les informations récoltées auprès des habitants, le contrôle de certains points de vente de drogue, serait également, à l'origine des guerres de clans à répétition, meublant l'essentiel de l'ambiance à El Qaria et, qui s'identifie à travers un climat de terreur. Nos interlocuteurs affirment, également, que la situation se dégrade de jour en jour dans leur lieu de résidence et prend, ainsi, des proportions démesurées et ce, au fur et à mesure que grossit le bidonville Oued namousse'. Le ras-le-bol de la population de ce village, estimée à 7.300 âmes, qui a été inauguré en 1977, dans le cadre d'une formule de résorption de l'habitat précaire, promulguée à l'époque de la Révolution agraire, s'est manifesté, au lendemain de cette nuit agitée, dans les cafés et autres endroits publics. «De nombreuses familles ont carrément bradé leurs habitations pour fuir cette situation de déliquescence extrême, d'autres s'apprêtent à les imiter et je figure parmi ces dernières. Nous vivons dans la peur et l'angoisse. Ma fille a été agressée deux ans plus tôt lors du premier jour des épreuves du baccalauréat, en se rendant tôt le matin au centre des examens, dans la commune d'Aïn El Turck. Ce malheureux état de fait est devenu courant dans notre village où la badauderie est déconseillée à la tombée du soir» a déploré un sexagénaire demeurant en ces lieux depuis près d'une dizaine d'années avant de renchérir «la mauvaise réputation de notre village a fait que nous autres habitants, qui souhaitent fuir ce climat malsain, trouvent difficilement un acheteur pour nos maisons et quand c'est le cas nous la cédons à un prix dérisoire». Un autre responsable de famille a fait remarquer «qu'il existe un cantonnement de la Garde communale, dans notre village où il était prévu, en principe, l'installation d'une brigade de la Gendarmerie nationale. Malheureusement, il semblerait que ce projet ait été renvoyé aux calendes grecques, au détriment de toute une population aux abois. Par le biais des représentants de notre comité de quartier, nous avons adressé un nombre indéterminé de requêtes aux autorités concernées, qui n'ont, jamais, été prises en considération». Toujours est-il que, selon les habitants, qui se sont exprimé, en connaissance de cause, du comportement de ces bandes de délinquants, une expédition punitive par l'une ou l'autre partie en conflit, est à craindre et ce, en sus des arrestations par les gendarmes pour venger les blessés, qui sont à déplorer, à l'issue de cette sanglante bataille rangée. Cette triste équation illustre, parfaitement, la déplorable situation dont est confrontée l'ensemble de la population de ce village, comble de l'ironie, initialement à vocation agropastorale, et où les rares agriculteurs des exploitations agricoles collectives, EAC, envisagent d'abandonner ce qui reste de leurs lopins de terre et ce, en raison de l'obstruction du lit de Oued namousse' par des déblais provenant de constructions illicites, qui poussent comme des champignons. En effet, l'eau de cette rivière était utilisée pour l'irrigation des cultures maraîchères, qui ceinturaient jadis ce village, constitué lors de sa réalisation de 150 habitations. La commercialisation des produits de la récolte constituait en fait, au début, la seule véritable rente pour les agriculteurs affiliés à ces EAC. Depuis, la grande majorité d'entre eux ont été dans l'obligation de céder leurs cultures, asséchées par le manque d'eau, au béton, qui a envahi d'immenses superficies de terres fertiles et de vignobles. «Il n'y a pas que le béton, qui s'est approprié les terres agricoles de notre prestigieux village mais il y a, aussi, ces bandes de délinquants qui y ont érigé des masures hideuses sur le lit de la rivière «Oued namousse». Ce sont des lieux de refuges pour des repris de justice dont certains sont, activement, recherchés» a commenté, en substance un vieil agriculteur d'El Qaria, reconverti en commerçant spécialisé dans l'alimentation générale depuis une dizaine d'années. Des témoignages similaires ont été formulés par d'autres interlocuteurs abordés par Le Quotidien d'Oran' à propos de la déplorable, au plus haut de la situation sécuritaire, à El Qaria, un véritable point de repère dans la contrée côtière d'Aïn El Turck et représentant, tout un pan de l'histoire qui a, malheureusement, tendance en toute vraisemblance à aller vers le pourrissement, dans l'indifférence la plus totale des uns et des autres. «Nous lançons un SOS aux autorités pour venir en aide à toute une population aux abois, qui est livrée, depuis des années, dans l'anonymat le plus cruel, à des gangs ne sachant uniquement s'exprimer qu'au moyen de la violence. Nous avons peur et nous sommes constamment aux aguets» a conclu, avec un vif désappointement dans la voix, notre interlocuteur.