La réunion prochaine à Alger des pays producteurs de pétrole «est la dernière chance pour stabiliser les prix», car «il faut oublier le baril à 120 dollars». C'est la froide analyse de l'ex-ministre de l'Energie et du groupe pétrolier Sonatrach, M. Attar Abdelmadjid, également vice-président de l'Association Internationale du Gaz (AIG). M. Attar a souligné, dans une intervention hier lundi à la radio nationale qu' « il faut oublier le baril à 120 dollars, car à chaque baisse du prix du baril, les pays OPEP et non-OPEP essaient de produire plus, et donc il y a une baisse par rapport au volume que par rapport au prix». Les pays OPEP produisent 35% de l'offre mondiale, alors que la Russie et les Etats-Unis produisent deux fois plus que l'Arabie saoudite, a-t-il indiqué, rappelant en même temps que l'Irak, qui a produit 3,5 millions de barils par jour (mbj), «dépasse aujourd'hui les 4 mbj, et il est capable de produire plus facilement 5 à 6 mbj, car ce pays va essayer de se développer uniquement à travers sa production pétrolière ». Dès lors, l'ex-patron de Sonatrach estime que « les pays OPEP ont intérêt à se mettre d'accord avec la Russie », et «mettre de côté les problèmes politiques ». Avant la réunion informelle à Alger des pays OPEP, il a estimé qu' « il y a des signaux positifs : il faut geler les niveaux de production, et il faut que tout le monde respecte son quota, et même envisager de réduire la production», préconise-t-il, car, il estime que « ce qu'on perdra en quantité, on le gagnera en prix. Il faut que les gens se mettent d'accord, la réunion d'Alger est la dernière chance pour stabiliser les prix ». Abdelmadjid Attar pronostique dès lors que «si on fait le minimum, il se pourrait qu'en 2017 le prix aille au-delà de 50 et même 60 dollars. S'il n'y a pas d'accord (à la réunion d'Alger), le prix restera autour de 45 dollars, il n'ira pas plus loin, c'est le prix d'équilibre pour la période actuelle, il y a moins de consommation ». Dans ce contexte, M. Attar estime que la réunion informelle des pays membres de l'OPEP d'Alger « est extrêmement importante, c'est une réunion qui regroupe les pays producteurs d'énergie, et il y aura sur la table des échanges sur la situation énergétique dans le monde ». «Le fait que les pays producteurs de l'OPEP soient déjà pratiquement tous d'accord de se voir à cette occasion à Alger ne fait que renforcer les espérances d'un éventuel accord ou quelque chose dans ce genre autour d'une stabilisation du prix», relève cet expert pour qui « a priori, tout le monde a dit OK, mais n'ont pas défini leur position ». Il a rappelé ainsi que l'Iran, qui serait responsable de l'échec de la réunion de l'Organisation d'avril dernier, a dit « d'accord, la Russie aussi, et jusqu'au président Poutine pour le gel du niveau de production, tout les signaux sont positifs pour le moment, mais il faut attendre un petit peu quand même». Samedi à Téhéran où il avait rencontré son homologue iranien, Bijan Zanganeh, le ministre algérien de l'Energie, Noureddine Bouterfa, avait, rappelle-t-on, affirmé que « les pays membres de l'OPEP exigent des prix du pétrole se situant entre 50 à 60 dollars et les prix de 50 dollars par baril ne sont pas acceptables ». « Nous allons continuer nos discussions et nos efforts pour parvenir à un accord final sur les prix avec les membres de l'OPEP. Et cela va être à l'ordre du jour de la prochaine réunion de l'Opep » d'Alger, a précisé M. Bouterfa. Terrible constat A Alger, les différents producteurs de pétrole vont-ils mettre de côté leurs différends ? La réponse de M. Attar est technique. « Cette baisse du baril qui a commencé à la mi 2014 dure depuis 20 mois, et il y a une chose qui est importante : en 2008, le prix a baissé mais a repris une courbe ascendante sans jamais descendre. A la fin 2014 et depuis 2015 à aujourd'hui, le prix moyen du baril tourne autour de 48 dollars, la moyenne est de 47-48 dollars le baril. » Pourquoi ? Selon M. Attar, « aujourd'hui ce n'est plus le niveau de production de l'OPEP et des pays non OPEP qui définit le prix, l'OPEP peut augmenter ou baisser la production, mais ce n'est pas ça qui va influer sur le niveau des prix. Il y a au moins sept paramètres qui influent sur le prix », affirme M. Attar. Il y a, a-t-il dit, « l'offre et la demande, l'offre est supérieure à la demande de 2 mbj. Le second paramètre, c'est la production des USA, qui a augmenté à cause des hydrocarbures non conventionnels, les USA n'importent plus de gaz et l'exportent depuis 2016. Il y a également la récession économique mondiale, il n'y a pas de reprise de la croissance. En outre, il y a aussi un autre paramètre assez important, c'est le dollar, qui s'est apprécié de 20% par rapport à l'euro et il y a la consommation mondiale de l'énergie qui est en baisse. «Nous sommes en surproduction ; il y a 2 mbj qui ne trouvent pas preneur, et il y a 500 mbj des USA en stock et le même niveau détenu par la Chine », explique M. Attar. Pour l'Algérie, il préconise, à partir de cette situation stressante sur le marché énergétique mondial, qu'il « faut trouver des solutions ailleurs que dans le pétrole. Il y a de nouveaux gisements, de petits gisements, mais nous découvrons un baril pour trois baril consommés, on produit seulement 1,2 mbj. Il faut mettre le paquet sur le gaz, car on est producteur de gaz, et nous avons une position extrêmement importante en Méditerranée ; sur le gaz, ni l'Iran, ni la Russie ou le Qatar ne peuvent nous concurrencer », estime t-il avant de préciser que « nous avons une bonne position sur le gaz, (et) notre force est qu'on soit en face du deuxième plus important marché gazier mondial après celui des Etats-Unis. » En fait, détaille M. Attar, « l'Algérie a un potentiel en gaz plus important que le pétrole par rapport aux réserves non conventionnelles. Il y a 22.000 milliards de m3 de gaz naturel qui dorment dans le sous-sol et qu'il faudra extraire ». M. Attar a rappelé en outre que la part de la consommation locale de gaz est en hausse constante, car « on produit 83 md de m3 de gaz commercialisés, dont 40 md de m3 consommés localement, le reste est exporté. » Le problème est que la production d'électricité en Algérie est à 100% à partir du gaz naturel, «ce qui est beaucoup. Et depuis 2000, la consommation de gaz naturel a augmenté de 300% dans la production électrique et la consommation domestique ». « Si on ne trouve pas de solution, on ne pourrait plus exporter de gaz d'ici à 2030 », prévient-il avant de relever qu'il y a « énormément de gaspillage en gaz naturel et carburants, avec une consommation de 16 millions de tonnes en 2015 et 30 millions de tonnes d'ici à 2030 si on ne fait rien ». Pire, « l'énergie produite est consommée entre 65% et 70% dans le secteur des ménages et le transport, alors que l'industrie ne consomme que 15% de l'énergie primaire totale produite en Algérie ». Pour réduire cette courbe ascendante de la consommation, M. Attar préconise une hausse des prix des carburants et autres produits énergétiques, car «c'est le principal argument pour inciter les gens à consommer moins ».