Un ami de l'Algérie, Fidel Castro Diaz, cet enfant d'immigrants espagnols, qui aimait tant l'Algérie, mais qui aura divisé les Cubains jusqu'à sa mort, s'en est allé. Le Lider Maximo est mort vendredi soir à La Havane à 90 ans, avait annoncé à la télévision son frère Raul, qui a officiellement succédé à Castro en 2008 à la tête de l'Etat cubain. «Le commandant en chef de la Révolution cubaine est décédé à 22h29 ce soir», annonce alors Raul Castro en lisant une déclaration sur l'antenne de la télévision nationale. «L'organisation de l'hommage funèbre qui lui sera donné sera précisée» ultérieurement, a-t-il ajouté dans cette brève allocution qu'il a terminée par un vibrant «Hasta la victoria, siempre! (Jusqu'à la victoire, toujours), l'antienne bien connue du «Commandante». Le président cubain, qui a décrété un deuil national de neuf jours, a ensuite annoncé que Castro (serait) incinéré samedi aux premières heures de la matinée, «conformément à la volonté exprimée par le camarade Fidel». Dès l'annonce de sa mort, à Miami, de l'autre côté de la mer des Caraïbes, plus exactement à Little Havana, la communauté cubaine expatriée est sortie dans les rues célébrer la mort «du dictateur». Des TV américaines ont montré en boucle des exilés cubains réunis dans les rues en brandissant des drapeaux, dansant et tambourinant sur des poêles et des casseroles. «En principe, on ne se réjouit pas pour la mort d'un homme, mais là c'est différent», a indiqué un exilé cubain de Miami. A La Havane par contre, les rues sont restées calmes en raison de l'heure tardive de l'annonce de la mort de Fidel. Mais plusieurs habitants ont cependant exprimé leur grande tristesse, certains indiquant qu'ils n'osent même pas imaginer la mort du Commandante. «Je suis bouleversé. On peut dire ce que l'on veut, il s'agit d'une figure que tout le monde respectait et aimait», a estimé un étudiant cubain. Fidel Castro était la dernière figure du communisme dans le monde. Jusqu'à sa mort, il aura cependant pesé sur les relations internationales. Perestroïka, No pasaran! Affaibli par la maladie et des années de combat dans la Sierra au moment de la Révolution cubaine, qui a fait chuter la dictature de Batista, qui a fait de l'île une base arrière de la maffia et de l'impérialisme américain, Fidel Castro a plané sur la vie politique du continent sud-américain, et au-delà en Afrique, en particulier en Angola et au Congo. Figure emblématique du communisme en Amérique latine, Castro a fait de la guerre contre l'impérialisme américain une obsession, une raison de vivre et de gérer son pays, une île des Caraïbes vite asphyxiée économiquement par l'embargo américain. Sous Castro, les Cubains vont connaître la pauvreté, le rationnement des denrées alimentaires, mais une politique de surarmement à outrance. A un tir de roquette de Miami, Cuba a également subi les assauts répétés des Américains, politiques, économiques mais surtout militaires pour destituer le Commandante, devenu le pire ennemi, un cauchemar pour Washington, bien plus dangereux que l'expansionnisme des Soviétiques en Amérique latine et dans le monde. Parce qu'avec les Soviétiques, Castro a noué une alliance stratégique à la survie de la révolution cubaine, soutenue économiquement et militairement par l'ex-URSS. C'est ce soutien indéfectible de Moscou, qui a obtenu que Cuba accepte le déploiement de missiles orientés vers les Etats-Unis sur son sol dans les années 1960, juste après l'invasion avortée de l'île en 1961, qui aura en réalité sauvé le régime castriste. Il y eu ainsi en 1962 le déploiement de missiles russes dans l'île, ce qui se traduira par la plus grande menace de guerre atomique que le monde civilisé ait connue. Le monde était alors au bord de la guerre nucléaire. Mais, cette «crise des fusées» de 1962 avait montré aux Soviétiques que Castro était prêt à tout dans son combat contre l'impérialisme américain. Selon les Mémoires de Nikita Khrouchtchev, Castro était prêt à envisager froidement la troisième guerre mondiale, si c'était le prix à payer pour tenir tête aux Etats-Unis, ce qui avait inquiété et mis en colère le héros de la bataille de Stalingrad lui-même. Fidel Castro est allé même jusqu'à refuser de s'aligner sur la perestroïka de Gorbatchev et a maintenu la ligne dure de sa politique communiste dans l'île, avec ses ennemis, c'est-à-dire les Américains et les pays capitalistes, et autant avec les pays «amis'' d'Afrique et d'Amérique latine, dont le Venezuela et son président défunt Hugo Chavez. Un chauvin de l'Algérie En 1962, en pleine crise des fusées, il avait dit: «Nous avons le droit de penser par nous-mêmes», et l'a répété en 1988 lorsque l'URSS avait volé en éclats, ce qui avait donné naissance à de nouveaux Etats et libéré du joug communiste d'autres Etats dans cette vaste région de l'Europe de l'Est. Castro, beaucoup l'auront oublié, avait même dans son soutien aveugle aux Soviétiques cautionné et soutenu l'invasion militaire de la Tchécoslovaquie. Jusqu'à l'arrivée au Kremlin de Mikhaïl Gorbatchev et sa perestroïka, qui a mis fin à l'URSS et au soutien sans faille de Moscou à Cuba. Mais, entre 1960 et 1988, l'aide sans faille des Soviétiques au régime castriste aura permis un surarmement des Cubains, mais également la mise en place d'une originale expérience de développement de l'éducation, le sport et la santé, ce qui a permis à La havane de négocier des accords économiques avec les pays de la région, et ceux d'Afrique, y compris l'Algérie, en envoyant par milliers ses enseignants, ses éducateurs sportifs et ses médecins. Mais, Fidel Castro est Fidel Castro, un dirigeant illuminé, un homme qui a marqué de son empreinte politique, avec son complice de toujours et son compagnon de combat, le Dr Ernesto Che Guevara, des générations d'intellectuels, qu'ils soient de gauche ou pas dans le monde. Il aura également donné des sueurs froides aux dictateurs en Afrique et aux régimes coloniaux en soutenant les mouvements d'indépendance et en armant les guérillas. Fidel Castro ira même jusqu'à envoyer des spécialistes de la guérilla et de la subversion en Angola, en Namibie, au Congo. Bref, il a été, depuis l'instauration du communisme à Cuba, de toutes les batailles contre l'impérialisme dans le monde, pour l'instauration du communisme dans les pays nouvellement indépendants. Cependant, avec l'Algérie, Fidel Castro avait écrit une page particulière. Celle d'un fervent admirateur de la révolution, de la guerre de libération nationale. Lors de sa première visite en Algérie, le 17 mai 1972, il est accueilli en héros par une foule en liesse à Alger. Il reviendra quatre années plus tard, en 1976, pour consolider le front et les rangs des pays du tiers monde, des non-alignés et des révolutionnaires contre l'impérialisme et son hégémonisme dans le monde. Une époque lointaine, celle d'un Fidel Castro qui vivait de sa guerre personnelle contre les dictatures militaires en Amérique latine et inféodées aux Etats-Unis. Pour la libération des peuples du colonialisme et le vol de leurs richesses minières. Et, au mois d'octobre dernier, il avait reçu la visite du Premier ministre Abdelmalek Sellal, à qui il a confié: «l'inoubliable Chavez et Bouteflika seront toujours leaders de deux pays révolutionnaires, l'un en Amérique latine et l'autre en Afrique, qui auront le plus appuyé la révolution cubaine soumise à un blocus pervers qui a duré plus d'un demi-siècle.» Et, à l'occasion de ses 90 ans, il avait porté le survêtement de l'équipe nationale de football, ce qui a étonné plus d'un dans le monde. Car avec l'Algérie, il y a une vieille relation d'amitié, une histoire d'amour même avec un pays qui le faisait rêver avec ses héros er ses martyrs de la guerre de libération nationale. L'aide et le soutien de La Havane à l'Algérie, dès l'indépendance du pays, et en particulier lors de l'agression lâche du Maroc de Hassan II, qui a voulu envahir, comme il l'a fait plus tard en 1975 au Sahara occidental, une partie de l'Algérie, aura été très précieuse pour annihiler ce «coup de Jarnac», cette perfide attaque d'un pays pourtant voisin. Depuis, Alger et La Havane vivent une longue lune de miel.