La campagne électorale pour les élections législatives 2017 prévues le 4 mai prochain, débute ce dimanche avec des destinées différentes pour les 50 partis en lice que vont départager les quelque 23,2 millions d'électeurs, dont plus de 45% de femmes. Cette consultation intervient dans un contexte social particulièrement stressant pour des électeurs tiraillés par la hausse du chômage, une inflation galopante (plus de 7% en février dernier après les 8,1% de janvier) et une baisse du niveau de vie dans le sillage de la hausse devenue structurelle des prix des produits alimentaires, dont ceux agricoles. Les recettes pétrolières, en baisse drastique depuis 2014, ne permettent au gouvernement tout au plus que de promettre une embellie économique, après la disparition du bas de laine que constituait le Fonds de régulation des recettes (FRR), utilisé notamment pour subventionner les prix des produits de première nécessité, le logement, la santé et l'éducation. Il n'empêche qu'à la veille de la campagne électorale, qui durera trois semaines, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait rassuré tout le monde en déclarant que «l'Algérie a su résister aux effets négatifs du contre-choc pétrolier malgré une baisse de 70% de ses recettes en devises». «Nous avons résisté au contre-choc pétrolier», a-t-il souligné lors de la conférence de presse jeudi 6 avril avec son homologue français, Bernard Cazeneuve, avant d'affirmer que «depuis juillet 2014, les cours (du pétrole) se sont effondrés et on a perdu 70% de nos recettes pétrolières. On a tenu, on tient et on tiendra». Ces déclarations confirment au moins que le gouvernement est conscient de la gravité sociale et économique du moment et des cinq prochaines années. Une manière comme une autre de rappeler donc que ces élections législatives sont importantes pour tout le monde, à un moment politique crucial pour l'Algérie. Les partis politiques, en particulier les proches du pouvoir, veulent ainsi jouer les premiers rôles, sinon être la locomotive de ces élections qui, pour le moment, ne captent pas tellement l'électorat, en attendant les bilans des permanences des partis en lice. Il n'empêche, le FLN, qui a remporté les législatives de 2012 (14,28% des voix), va entrer dans la bataille électorale avec le slogan «Passé et présent riches et un avenir optimiste». Le Rassemblement national démocratique (RND) va mener sa campagne électorale sous le thème singulier «Loin des slogans et à travers un discours direct et franc». De son côté, l'alliance Mouvement de la société pour la paix (MSP) et le Front du changement (FC) part en campagne sous le slogan «Ensemble pour une Algérie prospère et sûre», alors que le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) entre dans le bain de la campagne électorale avec en bandoulière «Pour un nouveau départ pour l'Algérie». Le parti drivé par Amara Benyounès ira de son côté aux moissons des voix sous le slogan «Pour une démocratie paisible», tandis que le Front national algérien (FNA) défendra son programme politique avec le slogan «Pour le changement et la défense de la justice sociale». Quant à l'Union pour Nahda, El-Adala et El Bina (UNAE), elle part sous le thème «Préserver le pays et œuvrer pour l'intérêt public», contrairement au parti d'Amar Ghoul, Tajamoue Amal El-Djazaïr (TAJ), qui ira en campagne sous le slogan «Fidèles à l'Algérie». Des thèmes pour la plupart qui se rapprochent mais qui, paradoxalement, font très peu de cas des grands défis auxquels la société algérienne est confrontée. La participation, seul enjeu Le grand enjeu de ces élections législatives reste en fait la participation. Aux précédentes législatives de 2012, le taux de participation était de 42,90%, selon un décompte final du ministère de l'Intérieur. Cette fois-ci, les partis en lice sont conscients que la participation des électeurs fera la différence, même s'ils ne cachent pas leur crainte quant à une quelconque volonté de l'administration de manipuler les résultats du scrutin. Pour la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, la participation de son parti à ces élections vise à «reconstruire les rapports de forces qui assurent l'avenir du pays et préserveront les acquis de l'Etat». Le FLN, secoué par un scandale lié à la confection des listes électorales, a appelé à une «forte» participation pour préserver les acquis, notamment la paix et la stabilité». «La participation aux prochaines législatives doit dépasser les 50% car une forte participation permettra de préserver les acquis, notamment la paix et la stabilité réalisées grâce au programme du président de la République», a déclaré le secrétaire général, Djamel Ould Abbès. Ali Laskri, membre de l'instance présidentielle du Front des Forces socialistes (FFS) indique que son parti veut faire de cette consultation «une étape dans le processus de reconstruction du consensus national pour créer les conditions d'un changement pacifique et démocratique». Ahmed Ouyahia, secrétaire général du RND, lui, appelle à un vote massif «pour la stabilité du pays, la poursuite de l'effort de développement dans les différents domaines et la formation d'un parlement fort qui réponde aux attentes et objectifs de la Nation». «Une participation massive garantira la crédibilité des prochaines élections et dissuadera toute velléité de porter atteinte à l'opération électorale par la fraude ou toute forme d'influence des électeurs», soutient de son côté le président du mouvement El Islah, Filali Ghouini. Mohamed Douibi, secrétaire général du parti Nahda, n'est pas loin de penser la même chose: «Participez avec force et détermination à ces élections, car nous voulons que la vie politique en Algérie soit fondée sur la volonté libre des citoyens». Une autre alliance «islamiste», formée du MSP et du Front du Changement appelle à la «mobilisation» pour réussir ce rendez-vous électoral, «opérer le changement démocratique et préserver la sécurité et la stabilité du pays». Amara Benyounès, leader du MPA, quant à lui, a averti contre «le boycott'' des prochaines élections auquel appellent des responsables de partis d'opposition. «Ce n'est pas une solution. Bien au contraire, il compliquera la situation politique, économique et sociale. La solution en démocratie est le vote». Sur cette voie, Abderazak Mokri du MSP a déjà mis en garde contre le boycott de ces élections. Il estime qu'«il faut toujours avoir quelque chose entre les mains, travailler jusqu'à ce qu'il y ait d'autres possibilités de changer par d'autres méthodes. Pour le moment, le changement passe par les élections, et c'est le changement le plus sûr pour faire des alliances pour l'intérêt de l'Algérie», a-t-il indiqué dans un entretien à la radio algérienne. Pour lui, «aller vers le clash est dangereux». A la périphérie des grands partis, il y a, pour les petits partis en lice, l'enjeu de décrocher un ou deux sièges, sinon ils risquent de disparaître, la nouvelle loi électorale exigeant un taux de vote de 4% pour participer aux prochaines consultations électorales. Mais, la grande inconnue reste la transparence de ces élections. Ali Benflis et le RCD avaient dénoncé ce «risque» de fraude. Le RCD, a déjà prévenu contre «les velléités de constituer des réservoirs de voix, en utilisant des listes transmises par l'Armée et les services de sécurité, dans différentes régions du pays». Pour Talaie El-Houriet, qui ne participera pas à ces élections, une «manipulation des listes électorales, sans possibilité de contrôle est probable», à travers le «gonflement exagéré» de ce même corps électoral. Plus direct, le leader du MSP, Abderrezak Mokri, affirme que «nous laissons la possibilité aux autorités de ne pas truquer ces élections, car il y a le trucage de l'administration et la fraude aux élections. On ne tient pas compte des recommandations politiques de la commission (HIISE, NDLR), on met les autorités devant leurs responsabilités pour qu'il n'y ait ni trucage ni fraude», a-t-il poursuivi lors du même entretien à la radio chaîne 3 mardi dernier. Car, a-t-il ajouté, «quelle que soit la force d'un parti, il ne pourra concurrencer l'Etat, et ce sera la volonté des autorités pour que ces élections ne soient pas truquées, et l'abstention arrange les fraudeurs». Pour autant, l'administration assure que ces élections législatives seront transparentes et propres. Elles seront supervisées et surveillées par la Haute instance indépendante de Surveillance des élections (HIISE), instituée par la nouvelle Constitution. En terme de préparatifs, le ministre de l'Intérieur, Noureddine Bedoui, a assuré que tout est «fin prêt» pour le lancement de la campagne électorale, et que 4.734 espaces seront dédiés aux meetings. L'affichage des listes électorales débutera aujourd'hui de 8h00 à 19h00, a fait savoir la HIISE qui souligne l'impératif pour les candidats de respecter leur numérotation régionale et nationale indiquée sur les panneaux. Sur le front de la communication, le département de Hamid Grine rappelle que la couverture médiatique des élections législatives «nécessite, de la part de l'ensemble des médias, le suivi d'une ligne éditoriale équitable, impartiale et objective et un sens aigu des responsabilités». Quant au ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Mohamed Aissa, il a également rappelé aux directions de wilaya de veiller à ce que les mosquées «ne soient pas impliquées» dans la campagne pour ces législatives. «Les lieux de culte doivent rester neutres». Pour ces élections, 50 partis sont donc en lice, alors que les candidats sont au nombre de 12.591 inscrits sur 1.088 listes électorales, dont 797 représentant 63 partis politiques, 163 listes de candidats libres et 128 alliances. Sur une population globale de plus de 39 millions d'habitants, le nombre d'électeurs est de 23.251.503 dont 45,85% de femmes, après la révision exceptionnelle des listes électorales.