Parlons encore de l'élection présidentielle française puisque c'est l'un « des » sujets du moment. A moins de deux semaines du premier tour, le moins que l'on puisse dire c'est que l'expression « c'est la bouteille à l'encre » semble des plus pertinentes. Avec plus de 40% d'indécis parmi les électeurs, tout est possible y compris une grande surprise. Reste bien sûr à savoir laquelle. Jusqu'il y a peu, le scénario suivant était le plus souvent cité : Marine Le Pen et Emmanuel Macron se qualifient pour le second tour. Ensuite, c'est le leader d'En Marche qui l'emporte avec plus de 60% des suffrages (ce qui donne tout de même près de 40% des voix à la fille de Jean-Marie ). Cette combinaison demeure très probable. Les sondages dont il convient de se méfier, on ne le répétera jamais assez, en raison de la grande marge d'incertitude continuent de la valider. Arrêtons-nous et réfléchissons quelques minutes à cette perspective. Depuis 2013 et l'enlisement en rase de campagne de la politique de François Hollande, la possibilité que Marine Le Pen soit au second tour est devenue une évidence pour de nombreux commentateurs de la vie politique française. Mais qui aurait pu prédire que son principal adversaire serait Emmanuel Macron ? Qui connaissait son nom en 2012 ? Souvenons-nous qu'en 2014, l'idée même que Manuel Valls soit candidat à la présidentielle faisait partie de ces hypothèses plus ou moins farfelues que les journalistes politiques aiment à évoquer quand il s'agit de remplir le vide. Et parmi ces projections personne ne citait le nom de Macron. Autrement dit, la première grande surprise de ce mois d'avril est déjà la présence de l'ancien ministre de l'économie parmi les favoris du scrutin. Bien sûr, on peut parler à son sujet de « bulle ». On peut pointer du doigt le soutien systématique dont il bénéficie de la part de nombreux médias, y compris publics. On peut aussi estimer que les déboires judiciaires et moraux de Fillon-pognon ont beaucoup aidé son ascension. Il n'empêche, voilà quelqu'un surgit de nulle part, qui a eu l'intelligence tactique de ne pas participer aux primaires du Parti socialiste (où il n'avait aucune chance de l'emporter) et qui se prépare à rafler la mise. Drôle d'époque Le plus sidérant dans l'affaire, c'est que l'on pourrait penser que la crise de 2008 et les difficultés économiques actuelles déconsidèrent la candidature de celui qui n'est rien d'autre qu'un néo-libéral déguisé sous de légers oripeaux de gauche ou de social-démocratie. Il n'en est rien. La capacité de certaines catégories d'électeurs on pense ici aux classes moyennes urbaines à toujours voter contre leurs propres intérêts demeure un mystère. Mais passons. L'affaire est-elle vraiment entendue ? Poser cette question revient à examiner les chances de trois autres candidats. C'est-à-dire Marine Le Pen, pour ce qui est du résultat final, et François Fillon ainsi que Jean-Luc Mélenchon pour la qualification au premier tour. Pour ce qui est de la première, on notera que les prévisions de Cassandre annonçant sa victoire au deuxième tour se font de plus en plus rares. A peine concède-t-on l'idée qu'elle pourrait l'emporter en cas de grave incident au cours des prochaines semaines, on pense notamment à des attaques terroristes qui pousseraient de nombreux électeurs dans les bras de la frontiste. A-t-on raison de penser que Le Pen ne peut pas l'emporter autrement ? Encore une fois, l'importance du nombre d'indécis doit exhorter à la prudence. Si Marine Le Pen est présente au second tour face à Emmanuel Macron, il est fort possible que de nombreux électeurs de gauche s'abstiennent. Il est aussi possible que de nombreux électeurs de droite dite républicaine (vous savez, les supporters de Fillon) en fassent autant ou même qu'ils accordent leur bulletin à l'extrême-droite. A partir de cette hypothèse, tout est possible sur le plan arithmétique y compris une victoire, certes serrée, de Marine Le Pen contre l'ancien ministre et protégé de François Hollande. Ce sera alors la grosse surprise du mois de mai Parlons maintenant de François Fillon. L'homme a réussi l'exploit de garder auprès de lui le cœur de l'électorat de droite. Toutes les révélations sur ses comportements de Thénardier n'ont pas suffi à provoquer son effondrement dans les intentions de vote. Est-ce pour autant suffisant pour qu'il puisse espérer être présent au second tour ? La réponse la plus fréquente est négative. Voilà une autre surprise quand on sait qu'au lendemain de la primaire de droite où sa victoire n'était pas absolument pas prévue on évoquait déjà ses grandes chances d'être élu en mai 2017. Ne nous trompons pas, une défaite de Fillon dès le dimanche 23 avril serait une grande surprise. Bien plus grande que celle, annoncée, du socialiste Benoit Hamon, dont il n'a pas été question jusqu'ici tant l'affaire semble entendue concernant sa formation. Pas de PS ni de Les Républicains (ex-RPR, ex-UMP) au deuxième tour. Voilà deux autres faits qui auraient parus impossibles il y a quelques années à peine. Terminons maintenant par le grand zaïm, le nommé Jean-Luc Mélenchon pour lequel, il faut être franc, le présent chroniqueur n'a guère de sympathie ni de respect en raison de ses positions pour le moins ambiguës sur la Syrie. C'est peut-être la plus grande surprise de cette compétition électorale. Au fil des semaines, le leader de la France Insoumise a effectué une spectaculaire remontée dans les sondages, les intentions de vote et même la popularité (68% d'opinions favorables soit +22 points en un mois !). Une dynamique que personne n'a prévue et qui, si elle se confirme en fera le troisième homme de cette élection. Est-ce suffisant pour qu'il aille « chercher » Marine Le Pen ou Emmanuel Macron et être présent au deuxième tour ? Les sondeurs en doutent mais ce sont les mêmes qui n'ont pas vu venir sa percée. Dans l'hypothèse d'une présence au second tour, Jean-Luc Mélenchon l'emporterait contre n'importe quel adversaire, qu'il s'agisse de Le Pen, de Macron et, plus encore, de Fillon. Cette perspective donne des ailes à ses supporters qui sont, de loin, les plus présents sur les marchés et les lieux publics. Son élection constituerait alors la plus grande des surprises d'avril et de mai. Et elle ouvrirait un chapitre, on ne peut plus intéressant, de l'histoire de France.