Une enquête d'opinion, réalisée par le quotidien français Le Monde, menée auprès de 15 921 personnes, fait état d'une percée remarquée de Marine Le Pen et prédit une confirmation des intentions de vote pour Emmanuel Macron et pour Jean-Luc Mélenchon. Les enquêtes d'opinion et les sondages se multiplient en France à mesure que les élections présidentielles approchent. C'est le cas de l'enquête électorale du Centre de recherche de Sciences Po (Cevipof), réalisée par Ipsos Sopra Steria, en partenariat avec Le Monde, en prévision des échéances de mai prochain. Menée du 10 au 15 janvier auprès d'un panel représentatif de 15 921 personnes âgées de 18 ans et plus, cette enquête confirme, en effet, ces orientations déjà observées ces dernières semaines. L'ancien Premier ministre, François Fillon, semble plus que jamais agacé et incertain. Depuis sa large victoire surprise à la primaire de la droite le 29 novembre, Fillon paraît plutôt hésitant. Il a du mal à resserrer les rangs d'une droite qui en a pourtant besoin. L'incertitude au sein de sa famille politique, les Républicains, gagne du terrain et rend la mobilisation de plus en plus difficile. L'enquête du Cevipof témoigne clairement de ce flottement. Lors de la vague précédente, réalisée début décembre au lendemain de sa désignation, François Fillon était crédité de 26 % à 29 % des intentions de vote au premier tour de la présidentielle, en fonction de l'identité du candidat socialiste et de la présence ou non de François Bayrou dans la compétition. Six semaines plus tard, le voilà crédité de 23 % à 25 % (en recul de 3 à 4 points), selon les différentes hypothèses de candidatures socialiste et centriste. En décembre, il surclassait la candidate du Front national dans tous les cas de figure ; c'est désormais l'inverse. Et s'il suscite l'adhésion de 74 % des électeurs proches des Républicains, c'est tout de même 7 points de moins qu'en décembre ; de même, avec 53 % de leurs intentions de vote, il a perdu 10 points parmi les électeurs centristes proches de l'UDI. Marine Le Pen, le vent en poupe Cette érosion de la droite tourne le vent en faveur de Marine Le Pen. Elle ne peut que renforcer l'espoir de la présidente du FN de se qualifier pour le second tour de la présidentielle. Avec 25 % à 26 % des intentions de vote, la candidate controversée se place en tête. Pourtant, elle n'a pas encore commencé sa campagne. Du moins très timidement. Peut-elle encore créer la surprise ? Oui, largement. Selon les analystes les plus sérieux, Marine Le Pen peut tabler sur un électorat remarquablement fidèle et structuré autour des catégories populaires. Si en 2012 elle était créditée de 19 % à 20 % des intentions de vote, elle recueille aujourd'hui 5 à 7 points de plus. Les socialistes, note l'enquête, sont actuellement dans une situation d'extrême faiblesse. Benoît Hamon et Arnaud Montebourg ne recueillent que 7 % des intentions de vote. Déjà testé en décembre, Montebourg n'a pas progressé d'un millimètre. La situation de Manuel Valls est tout aussi périlleuse. Il recueille, en effet, 9 % à 10 % des intentions de vote, selon que François Bayrou est ou non candidat ; dans les deux hypothèses, il est en recul de 2 points par rapport à décembre. Il y a six semaines, alors qu'il venait tout juste de se déclarer candidat, l'ancien Premier ministre bénéficiait encore de l'adhésion de 50 % des électeurs proches du PS ; ce pourcentage est tombé à 41 %. Tout aussi symptomatique, il ne recueillait en décembre que 35 % des voix des électeurs de François Hollande au premier tour de la présidentielle de 2012 ; ils ne sont plus aujourd'hui que 30 % à envisager de voter pour lui, s'il est désigné par la primaire. Quel qu'il soit, le candidat socialiste paraît, pour l'heure, condamné à une humiliante cinquième place au soir du premier tour de la présidentielle. Percée d'Emmanuel Macron Après sa déclaration de candidature fin novembre, l'ancien ministre de l'économie est celui qui a marqué le plus de points ces dernières semaines, comme le confirment par ailleurs l'affluence à ses meetings et les ralliements qu'il engrange. Désormais crédité de 17 % à 19 % (dans l'hypothèse où Bayrou et Valls seraient candidats), il passe la barre des 20 % d'intentions de vote si Montebourg ou Hamon sortent vainqueurs de la primaire socialiste, soit une progression de 3 à 4 points, selon les cas. Il est manifeste que cette percée d'Emmanuel Macron a, dès à présent, éclipsé les chances de François Bayrou : le président du MoDem était crédité, au printemps 2016, de 12 % à 13 % des intentions de vote ; il n'en recueille plus que 5 %. On comprend l'hésitation du centriste à se lancer dans une quatrième candidature présidentielle : 44 % des électeurs du MoDem, son parti, se disent prêts à voter pour Macron ! Mélenchon confirme Enfin, le candidat de la France insoumise confirme son assise de 13% à 15 % des intentions de vote, selon que Valls, Montebourg ou Hamon sera le candidat des socialistes. Jean-Luc Mélenchon les distance, pour l'heure, de 5 à 7 points, ce qui justifie son appel au vote utile des électeurs de gauche en sa faveur. Une étude pointe de possibles contrôles au faciès Les jeunes hommes noirs ou arabes ont 20 fois plus de chance d'être contrôlés que les autres, selon une enquête publiée hier et réalisée par Ipsos pour le Défenseur des droits Jacques Toubon. Les contrôles d'identité sont rares, souligne cette étude, dans laquelle 84% des personnes interrogées disent ne jamais avoir été contrôlées dans les cinq dernières années. Mais les jeunes de 18 à 25 ans et les hommes noirs ou arabes apparaissent plus concernés par les contrôles. «80% des personnes correspondant au profil de jeune homme perçu comme noir ou arabe déclarent avoir été contrôlées dans les cinq dernières années», contre 16% pour le reste des sondés, souligne l'étude. «Par rapport à l'ensemble de la population, et toutes choses égales par ailleurs, ces profils ont ainsi une probabilité 20 fois plus élevée que les autres d'être contrôlés.» Ce groupe a aussi plus de chances d'être fréquemment contrôlé (plus de cinq fois sur les cinq dernières années). Et si la grande majorité des personnes interrogées disent faire confiance à la police (82%), les jeunes hommes noirs ou arabes témoignent de «relations plus dégradées» avec les forces de l'ordre et font part d'un sentiment de discrimination, note le rapport. «Cette étude conforte la position du Défenseur des droits qui, depuis 2012, recommande d'assurer une traçabilité des contrôles afin de garantir l'accès au recours des personnes qui s'estiment victimes de discriminations et de manquements à la déontologie», peut-on lire dans un communiqué de l'institution.