L'Algérie a-t-elle la télé qu'elle mérite ? Oui, vu la déliquescence de tout un pays, le contraire aurait étonné puisque l'Etat, et dans sa gestion approximative du dossier de l'audiovisuel, a balisé le secteur ne permettant qu'à cinq chaînes de télévision privées d'émettre sans se soucier du vide juridique. Cette impunité cathodique a donné naissance à des monstres qui, bafouant le b.a.-ba de la déontologie, font dans la désinformation et la surenchère, n'hésitant pas à verser dans la diffamation et le mensonge éhonté, leur valant une batterie de procès sans qu'ils n'aboutissent. Ces télés-poubelles, instruments pour régler des comptes par procuration, inondent le paysage audiovisuel algérien de programmes aussi racoleurs qu'insultants, dénués d'un minimum de professionnalisme. La caméra cachée d'Ennahar, piégeant grossièrement un illustre homme des lettres, Boudjedra pour ne pas le nommer, a été accueillie avec toute l'indignation qu'elle a suscitée auprès des Algériens. Cette façon de divertir et de courir après l'audimat au détriment de la dignité des «victimes» n'a d'égale que le silence étouffé des barrières de sécurité censées veiller à ce que pareil dérapage n'intervienne. Pourtant, l'Autorité de régulation de l'audiovisuelle (Arav) a été mise en place pour justement prévenir et auquel cas sanctionner les chaînes coutumières de ces dépassements. Malheureusement, la police cathodique n'intervient que sur réquisition de la tutelle et c'est bien dommage. La gestion même du dossier des chaînes de télévision privées transpire cette volonté délibérée du gouvernement de lâcher la bride à un secteur naissant dans l'espoir qu'il s'autorégule. Un audiovisuel à majorité offshore qui a mis en joue tout un Etat incapable de faire respecter un minimum professionnel. Lorsque le Premier ministre d'alors évoquait la violation de la vie privée, les insultes et les atteintes à la dignité des citoyens algériens, le régionalisme et la fitna, l'apanage exclusif de certaines chaînes tolérées, il oublie que ces mêmes logos sont instrumentalisés à des desseins politiciens et à des fins personnelles. Sellal menaçait alors et demandait à son ministre de la Communication d'assainir la situation. Des propos qui n'auraient servi à rien surtout pas à freiner des chaînes qui se croient au-dessus de la loi parce que protégées d'en haut. L'initiative citoyenne appelant à se rassembler aujourd'hui devant le siège de l'Arav, à Alger, pour dénoncer les programmes inquisiteurs de certaines chaînes privées est une bonne chose dans la mesure où l'opinion publique se positionne par rapport à ce genre de dérives.