Le parquet général d'Aïn Oussera a requis, dans la nuit de mercredi à jeudi, de lourdes peines de prison contre le personnel paramédical de trois hôpitaux de la wilaya de Djelfa dans l'affaire d'une parturiente décédée le 24 juillet dernier. C'est le Dr Ouali, gynécologue en détention, qui a écopé de la plus lourde peine requise par le procureur général, soit deux ans de prison ferme et une amende de 100.000 dinars. Elle est poursuivie pour les chefs d'inculpation de 'négligence ayant mené à un décès'', 'non-assistance à personne en danger'', 'faux et usage de faux'' pour le certificat médical qu'elle a envoyé le jour des faits. L'affaire avait fait grand bruit le 24 juillet dernier lorsqu'une femme enceinte de 23 ans n'avait pas été prise en charge tour à tour par les hôpitaux d'Aïn Oussera, de Djelfa et de Hassi Bahbah. La jeune parturiente était morte, sans pouvoir accoucher, après avoir été ballottée dans la même journée entre les hôpitaux de Djelfa, Hassi Bahbah et Aïn-Ouessara, chacune de ces structures sanitaires la renvoyant vers l'une ou l'autre. Finalement, elle est morte dans la voiture de son mari. Son décès, et celui de son bébé qu'elle n'a pu mettre au monde, avaient été très médiatisés et largement commentés sur les réseaux sociaux. Se constituant partie civile dans le procès intenté par la famille de la défunte, le ministère de la Santé avait dépêché une commission d'enquête constituée de trois inspecteurs et d'un professeur en gynécologie obstétrique chargés de faire toute la lumière sur tous les aspects administratifs, organisationnels et médicaux de cette sombre affaire. Un peu moins de deux mois après la mort de la jeune parturiente, le réquisitoire, qui doit être confirmé ou infirmé dans le verdict final, tombe. C'est dans la nuit de mercredi à jeudi que le procureur général, représentant le ministère public, a requis une peine de deux ans de prison ferme assortie d'une amende de 100.000 DA à l'encontre du Dr Ouali, principale accusée, et une année de prison ferme contre trois autres sages-femmes, un directeur de permanence et un contrôleur médical, tous en détention préventive. En outre, le parquet a requis deux mois de prison ferme assortie d'une amende de 20.000 DA contre le personnel de la morgue de l'hôpital d'Aïn Ouessara. «Fatales négligences médicales ?» Dans sa plaidoirie, la défense de la partie civile, qui a parlé 'd'un crime odieux'', a axé son argumentaire sur la non-prise en charge de la parturiente, décédée avec son bébé, pour cause de 'négligence» et de 'manque d'humanisme». Des charges très lourdes, autant que le principal chef d'accusation de 'négligence ayant entraîné un décès''. La partie civile est revenue dans le détail sur les circonstances de ce drame, après que la parturiente décédée ait fait 200 km de route en une journée en aller-retour entre les trois hôpitaux de la wilaya, qui lui auraient refusé une prise en charge. 'Un refus de prise en charge, garantie par la loi, qui lui a coûté la vie après que les sages-femmes aient procédé à son orientation vers d'autres établissements, sans même prendre la peine de la soumettre aux examens d'usage pour des cas pareils», accuse le représentant de la partie civile. Quant au représentant du parquet général, intervenu tard dans la nuit, il a bâti sa plaidoirie sur la nature des accusations, qu'il a cristallisées sur le refus d'admission de la parturiente par les hôpitaux d'Ain Oussara, Hassi Bahbah et Djelfa. Ce refus de prise en charge de la parturiente est, pour le parquet général, la cause de son décès et de celui de son bébé, ce qui a dicté, ajoute-t-il, 'la détermination de la responsabilité de chaque partie dans cette affaire, de façon séparée''. Le parquet général d'Ain Oussera, sur la base d'une plainte déposée par le mari de la victime pour négligence des trois hôpitaux de Djelfa, Aïn Ouessara et Hassi Bahbah, avait ouvert une enquête qui s'est étendue à toutes les parties concernées, et l'exploitation des appels téléphoniques émis par les accompagnateurs de la victime, et leurs déplacements pour les mettre en concordance avec leurs déclarations. Ensuite, 'il a été procédé à l'audition des victimes, avec la délivrance d'une ordonnance pour l'exhumation du corps du bébé pour autopsie, et expertise légale, dont le choix s'est porté sur une experte en médecine légale, professeur de son état'', assène encore le représentant du ministère public. Pour celui-ci, il s'agissait plus de faire 'une expertise approfondie sur ce qui s'est réellement passé ce jour-là, que de chercher les causes de la mort'' des deux victimes de ce scandale, qui a éclaboussé le secteur de la santé en Algérie. Et l'expertise en question a 'répondu à beaucoup de questions, dont le fait qu'il y a eu absence de prise en charge médicale par les trois hôpitaux, ayant fait perdre à la parturiente une chance de survie'', explique encore le procureur général, d'autant que, précise t-il, 'son état nécessitait un acte chirurgical (césarienne) urgent, au moment où la tentative de lui sauver la vie par une ablation de l'utérus est intervenue trop tard''. Par ailleurs, l'expertise légale, ajoute encore le représentant du parquet général, a également démontré que 'le bébé est mort in utero, et qu'il n'avait sur lui aucun signe de violence, mais qu'il est plutôt mort d'une hémorragie cérébrale, suite aux souffrances vécues par sa jeune maman de 23 ans, dont les cris à l'aide n'ont pas été entendus, alors qu'elle était, avant ce jour fatal, en parfaite santé'', selon son dossier médical. Le rapport de la commission d'enquête dépêchée par le ministère de la Santé quelques jours après ce drame, qui a conclu à une série de négligences au niveau des trois hôpitaux, et a enregistré également une ambiguïté dans le fait que les sages-femmes aient refusé l'admission de la victime, alors que toutes les conditions s'y prêtaient, a été également cité par le procureur de la République. «Ni criminels, ni récidivistes» Les avocats de la défense des accusés ont de leur côté axé leur plaidoirie sur l'innocence de leurs clients concernant notamment 'la falsification d'une attestation médicale'', portée contre la gynécologue de l'hôpital d'Aïn Oussara, et 'non-assistance à personne en danger'', concernant les autres accusés dans cette affaire. Dans le box de la défense, on a expliqué en outre que les accusés dans cette dramatique affaire ne sont pas 'des récidivistes, ni des criminels, mais qu'ils ont toujours oeuvré pour donner naissance à la vie, en dépit d'un environnement difficile''. Pour la défense, 'toutes les sages-femmes se sont accordées sur l'heure approximative de l'accouchement de la parturiente décédée sans se connaître entre elles, et que celle-ci avait assez de temps pour mettre au monde son bébé, s'il elle avait bien suivi leurs instructions. Mais malheureusement, les déplacements en voiture ont aggravé son état de santé''. Au terme de ce procès qui s'est déroulé en deux phases et qui a duré près de 24 heures, il y a eu l'audition de toutes les personnes impliquées dans cette affaire. Après les plaidoiries du ministère public et de la défense, le président du tribunal d'Aïn Oussara a fixé la date du 27 septembre pour annoncer le verdict final de cette troublante affaire. Le ministère de la Santé, à la suite de ce scandale, avait prévenu que «toute personne ayant fait preuve de négligence et de laisser-aller dans cette affaire sera sévèrement sanctionnée à la lumière du rapport définitif que remettra la commission d'enquête, et ce, parallèlement à l'action en justice en cours». Dans un communiqué diffusé après l'arrestation de la gynécologue de l'hôpital de Djelfa, le Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé publique (SNPSSP) avait déploré ' que 'les faits entourant ce décès et qui ont donné à penser qu'il y avait négligence de la part des professionnels, des sages-femmes et une gynécologue, aient fait l'objet d'une procédure pénale avec fait inédit et choquant pour tous les professionnels de la santé, la mise en détention préventive de ces derniers. (...)''. 'Malgré la dure épreuve endurée par cette dernière (sage-femme de l'hôpital de Djelfa) et ses collègues, nous restons confiants en un aboutissement de cette procédure conforme au droit et au sens de la justice'', poursuit le SNSSP, qui avait dénoncé 'la surenchère à laquelle se livrent certaines parties en exploitant cette affaire à des fins qui leur sont propres''. Verdict final mercredi prochain.